Afro-optimisme, afro-pessimisme. Le cycle. Éditorial du Hors-Série n°3 (printemps 2016)

11 mars 2016

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Afro-optimisme, afro-pessimisme. Le cycle. Éditorial du Hors-Série n°3 (printemps 2016)

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Est-il possible de s’affranchir du cycle des lamentations et des ravissements, d’étudier avec sérénité les atouts et les conflits de l’Afrique ?

Conflits HS n°3

Hors-Série n°3 (printemps 2015)

Ce sont toujours les mêmes questions. Les États-Unis sont-ils sur le déclin ? L’Allemagne domine-t-elle l’Europe ? L’ascension de la Chine est-elle irrésistible ? Le Brésil a-t-il un grand avenir ? En fonction des époques, les spécialistes répondent de façon affirmative ou négative, mais toujours sur un ton catégorique et généralement dans le même sens. Il est ainsi des cycles géopolitiques où, comme dans le cas du pétrole, on passe d’un excès à l’autre, d’un oui trop euphorique à un non trop déprimé.

Pour l’Afrique subsaharienne, la question permanente a été posée par René Dumont dès 1962 : l’Afrique noire est-elle bien partie ? Les organisations internationales ne doutaient pas de son proche décollage lors des indépendances ; elles s’inquiétaient plutôt de l’avenir de l’Asie : en 1965, une mission de l’ONU particulièrement clairvoyante déclarait la petite île de Singapour « non viable ». Avec ses énormes ressources, ses faibles densités et sa croissance démographique à l’époque moins rapide, l’Afrique noire semblait échapper au fardeau du nombre propre aux littoraux asiatiques. En 1960, le PIB par habitant du Ghana n’était-il pas le double de celui de la Corée du Sud ? Il est tombé aujourd’hui à 5 %.

René Dumont posait moins une question qu’il n’y répondait : « L’Afrique noire est mal partie », tel était le titre provocateur de son livre. Après un moment de stupéfaction, le monde se rallia. On s’inquiéta des conflits permanents, du manque d’infrastructures, des déficits d’encadrement. L’heure de l’afro-pessimisme était venue. Une courte fièvre d’optimisme ressurgit dans les années 1970 quand la hausse du prix des matières premières permit de parler de « miracle ivoirien ». La baisse des cours l’emporta bientôt et la déprime triompha dans les années 1980 et 1990. On découvrait que la croissance du PIB était inférieure à celle de la population ; de 1980 à 2000, le PIB de l’Afrique subsaharienne avait progressé de 2 % l’an, mais le revenu par tête avait diminué de 0,75 %.

Nouvelle bouffée de confiance dans les années 2000. On s’enthousiasme alors du rebond de la croissance annuelle (4,7 % entre 2000 et 2012 pour le PIB, 1,9 % pour le PIB par habitant). On cherche des raisons profondes à ce changement de rythme, comme si personne ne voyait l’étroite corrélation entre afro-optimisme et prix des matières premières. Et justement le retournement des cours instille à nouveau le doute. L’ouvrage de Sylvie Brunel, L’Afrique est-elle si bien partie ?, reformule la problématique de René Dumont sur un mode interrogatif. C’est un grand progrès car l’ouvrage évite les jugements trop catégoriques, les enthousiasmes convenus comme les déplorations ostentatoires.

Est-il possible de s’affranchir du cycle des lamentations et des ravissements, d’étudier avec sérénité les atouts et les conflits de l’Afrique ? Sylvie Brunel nous y encourage et c’est la voie que nous essayons de suivre dans ce hors-série de Conflits.

Pourtant, comme elle l’avoue dans l’entretien qu’elle nous a accordé, elle se demanderait aujourd’hui si « l’Afrique est bien partie ». Une nuance de langage qui traduit une inquiétude croissante.

Car l’effondrement du prix des matières premières incite à un nouveau cycle de pessimisme, et celui-ci se produit au moment où la croissance démographique est à son maximum. Le nouveau cycle qui s’amorce sera donc différent des précédents, beaucoup plus menaçant pour le continent et pour l’Europe toute proche. De quoi alimenter, avec l’afro-pessimisme, l’euro-pessimisme.

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Pascal Gauchon

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