Justice des États-Unis, justice du monde ?

18 juillet 2014

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : crédit : louis-velazquez-XWW746i6WoM-unsplash
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Antoine Garapon et Pierre Servan-Schreiber (dir), Deals de justice. Le marché américain de l’obéissance mondialisée

Antoine Garapon et Pierre Servan-Schreiber (dir), Deals de justice. Le marché américain de l’obéissance mondialisée

Aucun doute, il s’agit d’un ouvrage de juristes rassemblés par Antoine Garapon et Pierre Servan-Schreiber, un magistrat et un avocat. Leur cible ? Un privilège exorbitant, en tous les sens du terme, que se sont arrogé les États-Unis.

Tout part du Foreign Corrupt Practices Act de 1977 complété par d’autres mesures en 1998 et, récemment, par le Dodd-Frank Act (2010). Simplifions : la justice américaine se donne le droit de poursuivre une entreprise accusée de malversation quelle que soit sa nationalité, à partir du moment où elle possède un lien avec les États-Unis. Ce lien peut être extrêmement ténu, il suffit de vendre sur le marché américain, d’y lever des fonds ou même d’utiliser le dollar dans ses transactions. Après l’accusation, l’entreprise ciblée a le choix : s’engager dans un procès long et coûteux qui fera scandale et qui a toutes les chances de se terminer par une condamnation lourde ; ou bien négocier selon une procédure étonnante : à l’entreprise accusée il revient d’embaucher des monitors, souvent des avocats, pour enquêter en son sein, mettre en place des procédures qui conviennent au juge américain, rendre des comptes pendant plusieurs années et, bien sûr, payer une lourde amende.

Les auteurs concentrent leurs critiques sur ces méthodes inhabituelles qui font de l’avocat un dénonciateur ; ils notent aussi l’efficacité de cette justice « très économique » où les accusés paient les enquêteurs qui les accusent… Les conséquences en sont tirées par Daniel Soulez-Larivière dans sa contribution intitulée « Le marché de la vertu » : un « droit sans État » émerge parallèlement à la mondialisation au nom de valeurs universelles – en l’occurrence la lutte contre la corruption.

Osons une remarque : ce « droit sans État » sert un État bien précis – c’est ici qu’un géopoliticien aurait été utile aux juristes. Bien sûr, les juges américains prétendent pourchasser partout dans le monde la corruption au nom de la morale et du bon fonctionnement du marché mondial, et les textes votés concernent toutes les entreprises, américaines ou étrangères. Pourtant, sur les dix plus importants accords transactionnels conclus depuis 1977, neuf concernent des firmes étrangères (avec en tête Siemens condamnée à une amende de 800 millions de dollars en 2008) et une seule une firme américaine (Halliburton). Ajoutons les transactions très politiques imposées à des firmes qui ont violé les embargos américains contre Cuba, la Libye et l’Iran – ici c’est la banque anglaise HSBC qui arrive en tête avec 1 900 millions de dollars en 2012. Se pourrait-il que les entreprises américaines soient épargnées ?

Les auteurs ont donc bien raison de conclure par ces phrases : « […] Les États-Unis s’arrogent le pouvoir d’accuser, qui est un pouvoir énorme, c’est-à-dire le pouvoir d’isoler, de désigner, d’agresser éthiquement, l’accusation conférant implicitement à celui qui la porte la reconnaissance d’une stature morale ». Ils auraient pu ajouter qu’avec la guerre économique, la guerre juridique est déclarée.

P. G.

Antoine Garapon et Pierre Servan-Schreiber (dir), Deals de justice. Le marché américain de l’obéissance mondialisée. PUF, 2013, 200 p., 19 €

Crédit photo : Nicostamb via Wikimédia (cc)

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