<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le Kazakhstan : pays enclavé et trait d’union géographique

2 décembre 2022

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Le Kazakhstan : pays enclavé et trait d’union géographique

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Neuvième plus grand pays du monde avec sa grande steppe et ses vastes déserts, le Kazakhstan s’impose aujourd’hui comme un espace géostratégique majeur. Plus grand pays du monde sans interface maritime et première puissance économique d’Asie centrale, il est comme le centre de gravité de « l’Eurasie ». Enclavé au cœur du continent entre la Russie et la Chine et fort d’immenses ressources énergétiques et minières, le Kazakhstan mérite une attention renouvelée.

Le territoire kazakhstanais, qui s’étend sur une superficie 4,5 fois supérieure à celle de la France métropolitaine, présente la particularité – comme la Russie et la Turquie – d’être réparti entre les continents européen (à l’ouest de la rivière Oural) et asiatique (pour la majeure partie). Sans faire référence à la doctrine eurasiatique prônée un temps par la Russie impériale du xixe siècle, le Kazakhstan est bien un espace eurasien dont l’isolement est la première caractéristique, comme d’ailleurs toutes les républiques d’Asie centrale. Avec des frontières situées à au moins 5 000 km des mers libres de glaces (océan Indien), le pays est également livré aux rigueurs hivernales d’un climat continental strict qui participe à son isolement. Enfin, la colonisation russe et le centralisme soviétique ont laissé des voies terrestres de transport construites sur l’unique axe sud-nord pour approvisionner la Russie en matières premières.

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Enclavement relatif et eldorado minier

Toutefois, l’enclavement géographique du pays est relatif dans la mesure où son positionnement géographique sur la carte du monde est aussi un atout de poids. Le président Noursoultan Nazarbaïev – qui fut au pouvoir du lendemain de l’indépendance en 1991 à 2019 – promut le rôle économique et stratégique du Kazakhstan en tant que trait d’union entre l’Europe et l’Asie. Ce rôle est pris très au sérieux par la Chine qui a massivement investi dans les infrastructures de transport et notamment les liaisons ferroviaires qui permettent de la relier à l’Occident.

Cependant, l’attraction du Kazakhstan n’est pas simplement d’être une plateforme d’échanges. Elle réside aussi et surtout dans son sous-sol qui est riche de l’ensemble des éléments du tableau périodique de Mendeleïev. Les chiffres sont impressionnants : 1re réserve mondiale pour le zinc, le tungstène et la baryte, 2e pour l’argent, le plomb, la chromite et l’uranium, 3e pour le cuivre, 4e pour le molybdène, 5e pour le cobalt, 6e pour le charbon, 9e pour l’or, 10e pour l’étain et le titane et enfin 11e pour le pétrole et 15e pour le gaz naturel. À ces ressources minières s’ajoute une importante production agricole (fait partie des dix plus grands producteurs mondiaux de blé) dont le potentiel est loin d’être pleinement exploité puisqu’une large part du territoire est encore consacré aux pâturages permanents.

Ces atouts, et particulièrement l’exportation des hydrocarbures, ont fait du Kazakhstan la puissance économique dominante de l’Asie centrale (plus de 50 % du PIB des cinq pays d’Asie centrale). Ce n’était pas une évidence lors de l’indépendance en 1991. L’Ouzbékistan est par exemple presque deux fois plus peuplé (34 millions d’habitants contre 19 millions pour le Kazakhstan) et bénéficiait au départ d’infrastructures plus développées. Toutefois, la situation régionale est en sa défaveur sur le plan de l’accès à l’eau. Pays de l’aval comme l’Ouzbékistan et le Turkménistan, il dépend des ressources hydriques des deux pays de l’amont : le Tadjikistan et le Kirghizistan. Pays de montagnes et véritables châteaux d’eau de la région, ces deux dernières républiques inquiètent leurs imposants voisins en construisant des barrages de retenue consacrés à la production d’électricité. La réduction du débit qui en découle a des répercussions directes sur les fleuves Amou-Daria et Syr-Daria, qui sont vitaux pour l’irrigation des cultures dans les pays en aval.

Partagé entre Moscou et Pékin, l’option de la diplomatie multivectorielle

Le Kazakhstan partage avec la Russie une frontière longue de 7 591 km, qui est la plus longue frontière terrestre discontinue entre deux États. Cette frontière est ouverte dans la mesure où elle n’est délimitée par aucun obstacle topographique majeur. La géographie n’est jamais un détail. Ainsi, la perméabilité des immenses plaines de steppes fait de la bonne entente avec la Russie pour le Kazakhstan et de la stabilité intérieure du Kazakhstan pour la Russie un sujet de préoccupation majeure. Dans cette optique, les deux pays ont développé des liens étroits que ce soit sur les plans politiques ou économiques. Le Kazakhstan est partie prenante de toutes les organisations régionales initiées par Moscou comme l’OTSC (Organisation du traité de sécurité collective), l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) et l’UEEA (Union économique eurasiatique). La Russie est son premier partenaire commercial (1er fournisseur et 3e client) et le vaste territoire russe reste incontournable pour acheminer les matières premières du Kazakhstan (gaz, pétrole, uranium…) vers les pays occidentaux. À cela s’ajoute une population de 4 millions de Slaves vivant sur le territoire kazakhstanais et l’usage toujours indépassable de la langue russe comme moyen de communication entre les dizaines d’ethnies qui composent la nation kazakhstanaise.

À l’Ouest, c’est 1 533 km qui séparent la Chine du Kazakhstan. Très vite, il fut considéré par Pékin comme le chaînon manquant qui devait relier la Chine à l’Europe occidentale à travers le projet d’investissements de la Belt and Road Initiative. Le développement depuis 2015 de la zone économique de coopération spéciale du « port sec » de Khorgos, à la frontière avec le Kazakhstan, en est un résultat éloquent. La politique d’investissement chinoise est particulièrement bien accueillie au Kazakhstan et d’autant plus par l’administration du président Tokaïev qui fut un temps diplomate à Pékin.

Néanmoins, la politique étrangere du Kazakhstan ne s’écrit pas à Moscou. Le président Nazarbaiev s’est attaché à la promotion d’une politique multivectorielle, c’est-à-dire une politique d’indépendance qui passe par la multiplicité des partenaires. Ainsi, l’Union européenne est-elle devenue le premier partenaire commercial et le premier investisseur étranger au Kazakhstan (40 % des échanges et 40 % des investissements). Le président Tokaïev a mis en place un grand nombre de réformes politiques qui changent le visage du pays. La population a majoritairement approuvé ces réformes lors d’un référendum tenu en juin dernier. Le 5 novembre, le président a ratifié plusieurs lois qui poursuivent la transformation du pays : loi sur la Cour constitutionnelle de la République du Kazakhstan, sur le commissaire aux droits de l’homme, sur le Parquet général, sur l’actualisation des infractions administratives, sur la mise en place des annonces faites lors du discours sur l’état de la nation du 16 mars 2022. Depuis son mandat initié en 2019, le Kazakhstan a connu une transformation profonde et rapide de sa législation et de ses structures administratives, dont le passage du mandat présidentiel a sept ans non renouvelables est l’un des exemples les plus marquants. Raison de plus, pour la France et pour l’Europe, de se tourner vers ce pays.

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À propos de l’auteur
John Mackenzie

John Mackenzie

Géopolitologue et grand reporter, John Mackenzie parcourt de nombreuses zones de guerre.
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