<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le Maghreb existe-t-il ?

26 décembre 2018

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Carte du Maghreb par Vuillemin (1834). Photo: histoirepostale.net
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Le Maghreb existe-t-il ?

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[colored_box bgColor= »#f7c101″ textColor= »#222222″]Introduction au dossier « Aux portes de l’Europe, le Maghreb », Conflits n°20 (janvier-février-mars 2019).[/colored_box]

Conflits n°20Entre mer, montagnes et désert, le Maghreb ressemble à une île bien individualisée, à la périphérie occidentale du monde arabo-musulman. Le terme vient de l’arabe et signifie le couchant ; le nom « Maroc », encore plus explicite, est dérivé de Al-Maghrib Al-Aqsa, le couchant le plus lointain. Mais cette « île » n’en est pas vraiment une car elle est ouverte à tous les vents ce qui compromet son unité. Par Pascal Gauchon

Au nord et à l’ouest, la mer Méditerranée et l’océan Atlantique constituent la limite naturelle de cet « Extrême Occident » musulman. Au sud, l’observateur a le choix. Il peut s’arrêter sur la ligne de hautes montagnes qui courent de l’Anti-Atlas et de l’Atlas aux Aurès et à la dorsale tunisienne, puis de façon moins nette au djebel Nefusa en Libye occidentale. Cela revient à restreindre le Maghreb aux plaines et aux plateaux côtiers et à oublier que le Sahara fait partie de l’identité maghrébine ; ce désert constitue une marche qui donne au Maroc, à l’Algérie et à la Libye une profondeur stratégique précieuse, à condition de la contrôler. Au sud, la Mauritanie fait figure de marche de la marche, à l’est la Libye fait le lien avec le Machrek (le Moyen-Orient), la région de Tripoli étant plus nettement rattachée au Maghreb : ancienne colonie de Carthage, elle faisait partie de l’Empire romain d’Occident.

Proches mais différents

Entre mer et désert, les trois pays du Maghreb auxquels on adjoint habituellement la Libye et la Mauritanie possèdent une identité propre. Leur population est essentiellement d’origine berbère, les invasions arabes ayant laissé moins de traces que les expéditions des Francs en Gaule, à l’exception des tribus hilaliennes expédiées au xie siècle par le sultan d’Égypte pour mater ces provinces rebelles. La région est uniformément sunnite de rite malékite, à l’exception de quelques groupes kharidjites dans l’oasis du Mzab et dans l’île de Djerba. Sur ce plan, le Maghreb est beaucoup plus cohérent que le Moyen-Orient divisé entre le sunnisme, le chiisme et les différents christianismes résilients, sans oublier le judaïsme ou le zoroastrisme, en un véritable musée des fois anciennes.

Tous les pays de la zone sont caractérisés par une double dualité. La majorité des Berbères est arabisée, mais une bonne partie d’entre eux conservent leur langue et leurs moeurs, surtout dans les montagnes du Maroc (Rif et Atlas) et d’Algérie (Kabylie et Aurès) ainsi que dans les espaces arides du Sud. Sur ce premier clivage se greffe un second ; il oppose les sédentaires, citadins ou agriculteurs, et les nomades. Leurs relations ont été si importantes qu’Ibn Khaldoun en a fait le moteur de l’histoire du Maghreb : d’après lui les civilisations urbaines ont besoin d’être revivifiées à intervalles réguliers par des invasions barbares. C’est ainsi que les plus grands empires de la région, Almoravides et Almohades, naissent au sud puis s’étendent au nord, unifiant désert et côtes, montagnes et plaines, nomades et sédentaires.

Proches, les pays du Maghreb sont restés généralement divisés. Des puissances étrangères les ont parfois unis en les soumettant : les Romains, les différents califats musulmans, les Turcs, les Français enfin. Sans doute l’Empire ottoman n’a jamais englobé le Maroc et la France a laissé la future Libye à l’Italie et le Rif marocain à l’Espagne. Ces puissances extérieures ont cependant contribué à tisser des liens puissants entre ces différents territoires. La plus grande partie du Sahara serait-elle algérienne sans la colonisation française ?

Le poids de l’histoire… et de la France

Reste que l’histoire a fait émerger des nations bien différentes. À l’ouest, le futur Maroc s’individualise dès l’Empire romain en devenant la province de Maurétanie tingitane ; le pays échappe à la domination vandale, puis byzantine, et se révolte contre le califat omeyyade. En 789 la dynastie idrisside s’impose puis bâtit la première capitale du pays, Fès, deux siècles avant la fondation du royaume de France. Voilà qui donne au Maroc une profondeur historique rare, d’autant plus que les frontières sont déjà largement fixées à l’est à la seule exception de la ville de Tlemcen, marocaine alors et algérienne ensuite. Son territoire s’arrête à l’extrémité orientale des chaînes du Rif et du Moyen Atlas, là où ces deux montagnes convergent, on serait tenté de parler de « frontières quasi naturelles ». Les limites sont beaucoup plus floues au sud où les relations avec la future Mauritanie furent intenses au point que la dynastie des Almoravides en est originaire. Ensuite, on peut parler d’une « marche vers le Sud » marocaine dont l’apogée se situe en 1591 lorsque Djouder Pacha détruit l’Empire songhai et occupe Tombouctou. L’affaiblissement du royaume aux XVIII-XIXe siècles puis la colonisation française mettent un terme à cette influence marocaine ; la France fait naître la Mauritanie.

Le territoire de la Tunisie se compose principalement de plaines et de plateaux au nord et au sud de la dorsale tunisienne qui prolonge les Aurès. Le cœur du pays s’étend au nord entre le littoral et la Mejerda. L’unité vient moins du milieu que de l’histoire. Les frontières actuelles correspondent à celles du cœur de l’Empire carthaginois devenu province romaine d’Afrique – là encore la limite méridionale est moins nette. Après la conquête arabe, des dynasties comme celle des Zirides conservent une large autonomie et s’étendent sur l’est de l’Algérie. En 1574 les Ottomans occupent la zone (superficiellement) et instituent la régence de Tunis qui correspond largement aux frontières actuelles et à celles de l’ancienne Africa. (…)

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Pascal Gauchon

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