Madagascar connaitra une élection présidentielle en novembre 2023. Le pays est confronté à de nombreux défis de développement et à la stabilisation de son état de droit. Patrick Rajoelina a fait partie du Comité constitutionnel chargé de rédiger la nouvelle constitution.
Tribune libre de Patrick Rajoelina. Ancien ministre des Affaires étrangères de Madagascar (2021-2022)
État souverain, démocratie apaisée et en progrès selon le Democracy Index, pays à multiples ressources agricoles, halieutiques et minières, Madagascar subit aujourd’hui de plein fouet les conséquences économiques et sociales du conflit se déroulant en Europe orientale. Notre pays est également fortement exposé au réchauffement climatique, provoqué notamment dans le Sud de notre Grande île par les funestes effets polluants des industries de l’hémisphère nord. Notre exposition au réchauffement climatique plonge en effet près d’un million et demi de Malagasy dans le dénuement le plus tragique : avancée des zones désertiques, sous-nutrition, maladies infantiles, exode rural et surpopulation urbaine… Les promesses de la COP 21 en 2015, réaffirmées par la COP 26, tardent malheureusement à pleinement se concrétiser, avec des effets dévastateurs, à l’image de la famine dans la partie méridionale du pays, causée par une sècheresse liée au réchauffement climatique.
La guerre en Ukraine, quant à elle, a entraîné un déséquilibre sur le plan mondial et creusé les inégalités entre le Nord et le Sud. Les conséquences sont importantes pour Madagascar : augmentation significative du prix des produits de première nécessité importés, flambée du prix des produits pétroliers nécessaires au fonctionnement des entreprises et au quotidien des Malagasy, ralentissement des investissements nationaux et étrangers dans de nombreux secteurs essentiels…
Ces deux évènements récents, ajoutés à la crise du Covid-19 (de laquelle, faut-il le rappeler, Madagascar est sorti avec un des taux de mortalité les plus faibles du monde) qui a suspendu pendant de nombreux mois l’activité de l’ensemble de la planète, fragilisent des démocraties telles que la nôtre. De plus, la poursuite déjà bien entamée, avec de nombreuses réalisations concrètes, du Plan Émergence Madagascar (programme de développement du Président Andry Rajoelina), n’a pu se dérouler au rythme prévu depuis sa mise en œuvre, en 2018. Cette fragilisation de notre société malagasy par des aléas externes entraîne inévitablement des frustrations sociales et, à terme, des risques de déstabilisation de notre démocratie. S’agissant de nos libertés publiques, bien évidemment, comme dans toutes les démocraties du monde le droit de manifester et de se réunir pour tout Malagasy est inscrit dans notre Constitution. Et il fait naturellement l’objet de règles légales et règlementaires adaptées à chaque situation. En outre, comme dans toutes les démocraties du monde, notre presse est libre… sans compter que la plupart de ces médias sont majoritairement hostiles au régime ! Mais c’est justement l’apanage d’une démocratie apaisée telle que la nôtre.
Madagascar est une nation souveraine, démocratique et amie de tous les pays. Pour continuer de s’épanouir, tant sur le plan démocratique qu’économique, il faut la soutenir face aux ingérences déplacées dans nos affaires intérieures. Il en est de même pour certains écrits à charge de la presse mainstream internationale, pas toujours objectifs, et sujets aux biais cognitifs récurrents : effets de loupe, géométrie variable et manque de recul, faute de connaissances plus approfondies de la société malagasy.
Notre coopération internationale est plurielle. Nous entretenons des relations diplomatiques, économiques et financières harmonieuses avec de nombreux pays et avec toutes les organisations multilatérales présentes à Madagascar. C’est pour cela que notre souveraineté nationale et nos Institutions républicaines doivent être respectées, comme nous respectons évidemment celles de tous nos partenaires. A l’heure du rappel de la nécessité de discussions « d’égal à égal », s’il en est, il serait temps de mettre en pratique cet esprit équitable et pragmatique, pour consolider plus encore nos relations.
Notre neutralité et notre non-alignement dans les grands conflits mondiaux sont inscrits dans notre ADN diplomatique depuis des décennies. Notre doctrine est claire. Elle a été maintes fois rappelée par le Président Andry Rajoelina, y compris à la tribune de l’ONU : « nous menons une diplomatie d’ouverture et nous entendons encourager toutes les initiatives allant dans le sens d’une Paix globale et juste ». Sauf, bien évidemment lorsque les limites sont dépassées en termes de respect des Droits de l’Homme et de défense des populations civiles. C’est ainsi que le 23 février 2023 nous avons voté favorablement, conformément à nos valeurs intrinsèques et à la Charte des Nations unies, la résolution intitulée « Principe à la base d’une paix globale, juste et durable en Ukraine ». Oui, à Madagascar, l’État de droit est le socle de notre nation. C’est aussi la clef indispensable à notre développement. C’est également ce qui maintient le lien social dans notre société malagasy aujourd’hui fragilisée par des aléas externes. C’est surtout la vertu cardinale de solidarité et de fraternité de notre Civilisation malagasy, le Fihavanana, inscrit dans le préambule de notre Constitution. : « ny fitiavana, ny fihavanana, ny fifanajàna, ny fitandroana ny aina » : amour, paix, respect, préservation de la vie !