Hommage à Martin Aurell

8 février 2025

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Intérieur cathédrale Pixabay

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Hommage à Martin Aurell

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L’historien médiéviste Martin Aurell est brutalement décédé le 8 février 2025. Quelques mots d’hommage à celui qui s’est imposé comme l’un des meilleurs médiévistes de sa génération.

D’ordinaire, lorsque décède un historien, les hommages portent sur son œuvre, ses livres, ses recherches. Pour Martin Aurell, depuis l’annonce de son décès, tous ses amis et collègues, parlent d’abord, et longuement, de ses qualités humaines, de sa gentillesse, de sa disponibilité. Du temps passé avec ses doctorants, parfois sur des quais de gare, entre deux trains, pour évoquer les recherches et les pistes à poursuivre. De son humilité, alors qu’il savait tant de choses, qu’il était si savant. Mais jamais il ne montra une once de supériorité. Son œuvre est pourtant immense. Quand on échangeait avec lui sur des sujets qu’il connaissant tant, Aliénor d’Aquitaine, les chevaliers de la Table ronde, les troubadours, on pouvait avoir l’impression de lui apprendre des choses tant il restait humble, n’écrasant jamais personne de son savoir et de son aura universitaire.

Un médiéviste passionné

J’ai eu l’occasion de réaliser plusieurs entretiens avec lui, consacrés à ses livres, notamment une émission pour Conflits. Beaucoup le connaissent bien mieux que moi, pour avoir travaillé avec lui, sur des livres, des recherches, des articles. Je suis bien peu qualifié pour dire ce qu’il a apporté à l’histoire médiévale en France, mais je puis simplement souligner que, dans un monde universitaire gangrené par la jalousie, la médiocrité, la suffisance, la méchanceté, il était une perle rare. Ils sont nombreux les universitaires à être estimés pour la qualité de leur travail professionnel, mais à être détestés ou méprisés pour la bassesse de leur comportement et l’orgueil dont ils font preuve. Rien de cela chez Martin Aurell, qui apportait le même souci humain à un étudiant de licence, un doctorant ou un historien reconnu par ses pairs.

Ne cherchant jamais la lumière des caméras et des médias, il avait su diffuser l’histoire médiévale parmi le grand public. Un grand nombre de ses livres furent des succès de librairie, ce qui est très mal vu dans l’université française, lui faisant remporter de nombreux prix des lecteurs amplement mérités. C’était un savant et un chercheur estimé de tous, qui écrivait sans jargon, sans complexité inutile.

Son œuvre est immense : les Plantagenets, Aliénor d’Aquitaine, le roi Arthur, les épées et des livres destinés à mieux faire connaître et aimer le Moyen-Âge, dont récemment Dix idées reçues sur le Moyen-Âge (2023). Avec toujours l’exigence du travail des sources, la mise en contexte historique, l’importance de la subtilité. De son œuvre, je retiens, à titre personnel, Des chrétiens contre les croisades (Fayard, 2013). Il m’en avait parlé quelques années avant la parution, m’expliquant les sources nouvelles sur lesquelles il travaillait, sa méthode historique et aussi sa volonté de montrer que, sur un sujet apparemment connu, il pouvait être réalisé de nouvelles découvertes et qu’il était possible d’avoir de nouvelles approches.

Un grand apport universitaire

Formé par Noël Coulet, ayant suivi le séminaire de Georges Duby au Collège de France, il s’était à son tour lancé dans la recherche avec passion.

Martin Aurell, c’était aussi 49 thèses dirigées entre 2000 et 2023, 11 thèses comme rapporteur, 10 thèses comme président. Nul ne peut mesurer la somme de travail immense que cela représente : lire les thèses, rédiger les procès-verbaux, s’astreindre au travail administratif. Rares sont les professeurs d’université à abattre un tel travail, beaucoup se contentent de diriger deux ou trois thèses dans leur carrière, pour la forme. C’est une preuve supplémentaire de sa disponibilité, de son souci de transmettre, de son humanité qui fait que de nombreux étudiants se tournaient vers lui.

C’était également un homme de foi, et cela a beaucoup contribué à façonner son approche du travail, ses échanges humains, son attention aux autres. De son métier d’historien, il reste donc ses livres et ses articles. De ce qu’il fut comme homme, ce qu’il a apporté à ses amis et à ceux qu’il a côtoyés. Merci et adieu.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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