Pour l’histoire. Christophe Dickès

6 avril 2025

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Pour l’histoire. Christophe Dickès

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Pour l’Église, de Christophe Dickès, est une lecture de l’apport de l’Église dans la constitution de l’Occident et l’édification du monde moderne. En politique, en science, en humanités. Mais c’est aussi un plaidoyer pour l’histoire, pour mieux la connaître afin de mieux en vivre

Christophe Dickès, Pour l’Eglise. Ce que le monde lui doit, Perrin, 2024

Au long de ses livres, Christophe Dickès pose la même exigence : le travail des sources et des textes, matière de base de l’historien ; la mise en contexte, nécessité intellectuelle indispensable ; l’accessibilité, c’est-à-dire la pédagogie pour apporter à chacun le meilleur des recherches historiques. Il le fait dans ses livres majeurs, sa biographie intellectuelle de Benoît XVI (2017), sa biographie de Saint Pierre (2021), son dictionnaire du Saint-Siège (2013) et dans les émissions qu’il présente sur la chaîne StoriaVoce, où se retrouve le meilleur des historiens installés et en devenir. Si les ouvrages de Christophe Dickès traitent de l’histoire de l’Église, et si sa thèse fut consacrée à Jacques Bainville, sous l’égide du maître Georges-Henri Soutou, c’est la passion de l’histoire qui en est le fil conducteur, une histoire qui n’est pas érudition et amour du passé, mais amour de la vie et des contemporains. Une histoire qui éclaire le monde d’aujourd’hui et qui les sert pour se mouvoir dans les bouleversements du temps.

Pour l’Église

Écrire un livre hommage à l’Église nécessite un grand courage intellectuel, au moment où les commentaires médiatiques sont braqués sur les hommes d’Église qui sont tombés et qui ont fauté. « Je suis noire, mais belle », dit le Cantique des cantiques, repris par saint Bernard. « Noire » de ses hommes pêcheurs et fautifs, « mais belle » de ses réalisations, qui sont nos piliers et « belle » aussi de tous les hommes de l’ombre qui ont contribué à façonner la civilisation qui est la nôtre. C’est cette part belle que Christophe Dickès met en avant, en s’interrogant aussi sur la place de la connaissance de l’histoire dans la formation des prêtres et des chrétiens en général.

Force est de constater que les études au séminaire mettent l’histoire de côté. Très centrées sur la philosophie et la théologie, ce qui est bien quand celles-ci sont bien enseignées, les études religieuses oublient l’histoire de l’Église et du christianisme, ce qui est sans nul doute pour beaucoup dans la crise identitaire traversée par les chrétiens depuis plusieurs décennies. Difficile en effet de bâtir un cap pour l’avenir quand on ne sait pas d’où l’on vient, difficile de se rénover et de s’adapter au monde quand on ignore ce que le monde nous doit. En dehors de quelques poncifs, souvent erronés, sur l’époque médiévale et l’époque contemporaine, les chrétiens eux-mêmes ne connaissent à peu près rien de leur histoire et des lieux où le christianisme s’est construit. Le Pour l’Église de Christophe Dickès est donc d’abord et avant tout un Pour l’histoire. À cet égard, tout étudiant en histoire devrait lire son Envoi « Pourquoi il faut se réapproprier l’histoire de l’Église » afin de comprendre l’importance de cette science, pas seulement pour la culture générale, mais tout simplement pour être.

Contre les racines, pour le legs

Christophe Dickès a raison de refuser cette expression morte de « racines chrétiennes » : « Le mot racine ne propose rien d’autre qu’un élément figé quand la proposition chrétienne est assurément dynamique et performative » (p. 22) pour lui préférer une expression beaucoup plus dynamique et ouverte sur le futur et l’avenir, celle de « legs », qui signifie héritage, succession, testament : « Le legs est la manifestation ultime de la générosité » (p. 23). Le legs, c’est ce que nous avons reçu, que nous sommes libres de laisser pourrir ou de faire fructifier, c’est notre héritage, que nous devons léguer.

C’est ce legs que Christophe Dickès présente dans cet ouvrage, pour montrer aux lecteurs d’aujourd’hui tout ce que notre monde doit à l’Église. Volontairement, il ne parle ni d’art ni d’architecture, il y aurait beaucoup à dire, mais cela est déjà dit ailleurs, pour se concentrer sur d’autres sujets : la maîtrise et la notation du temps, la science politique, l’anthropologie, les rapports sociaux, le sens de l’égalité entre les hommes et les femmes, la charité, la guerre. Toute une série de thèmes qui constituent le fil directeur de nos vies et de nos sociétés et qui font que, par l’Église, nous sommes les hommes d’aujourd’hui.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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