Depuis quelques années, le nom de Turki Al-Sheikh résonne dans le monde des sports de combat, et plus particulièrement dans celui de la boxe. En tant que président de l’Autorité générale du divertissement (GEA) d’Arabie saoudite, cet homme de 43 ans, proche du prince héritier Mohammed ben Salmane, incarne une ambition démesurée : faire de son pays un acteur incontournable du sport mondial, avec la boxe comme fer de lance. Soutenu par la Vision 2030, il redéfinit les codes d’un sport souvent critiqué pour ses magouilles.
Article paru dans le N57 : Ukraine Le monde d’après
Un uppercut dans le monde de la boxe
En décembre 2019, un homme occupant diverses fonctions au sein des institutions gouvernementales saoudiennes fait son entrée fracassante dans le monde de la boxe. Turki Al-Sheikh organise la revanche entre Anthony Joshua et Andy Ruiz Jr. à Diriyah. Ce combat des deux poids lourds a marqué un tournant décisif dans le monde de la boxe, habitué aux grands événements aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Mais son ascension débute véritablement en 2023 avec l’organisation d’un combat titanesque à Riyad : Tyson Fury contre Francis Ngannou, le champion du monde poids lourd WBC contre l’ancien champion de MMA de l’UFC. Lors de cet événement, baptisé Battle of the Baddest, Turki Al-Sheikh ne se contente pas de faire venir la boxe en Arabie saoudite, il veut en faire un spectacle global. Ce premier succès est suivi d’autres affiches majeures, comme le championnat du monde unifié des poids lourds entre Tyson Fury et Oleksandr Usyk en mai 2024, puis leur revanche en décembre de la même année. Ces combats, qui ont captivé des millions de fans, ont démontré la capacité d’Al-Sheikh à concrétiser des duels que beaucoup jugeaient impossibles en raison des rivalités entre promoteurs.
Son influence ne s’arrête pas là. En août 2024, il orchestre un choc entre Terence Crawford et Israil Madrimov à Los Angeles, sous la bannière Riyadh Season, prouvant que son projet dépasse les frontières saoudiennes. Sa stratégie est claire : réunir les meilleurs combattants, offrir des bourses généreuses et proposer des événements d’une ampleur inédite.
Une manne financière sans limite
Al-Sheikh ne cache pas son ambition de « réparer » la boxe, un sport qu’il juge miné par des intérêts divergents et une organisation chaotique. En s’associant avec des promoteurs historiques comme Eddie Hearn (Matchroom), Frank Warren (Queensberry) ou Bob Arum (Top Rank), il a réussi à surmonter les querelles qui empêchaient les grands combats de voir le jour. Son pouvoir de persuasion repose sur des ressources financières quasi illimitées, issues du Fonds d’investissement public (PIF) saoudien, mais aussi sur une passion sincère pour la boxe. « Quand le public veut voir des boxeurs s’affronter, il n’y a pas de temps à perdre », a-t-il déclaré, résumant sa philosophie.
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En mars 2025, il franchit une étape supplémentaire en s’associant à Dana White, président de l’UFC, et à TKO Group Holdings pour créer une nouvelle ligue de boxe. Inspirée du modèle de l’organisation vedette de MMA, cette initiative vise à instaurer un classement clair et à garantir que « les meilleurs affrontent les meilleurs ». Ce projet, qui inclut également Sela, une filiale du PIF, ambitionne de développer les talents émergents tout en consolidant la place de l’Arabie saoudite dans les sports de combat.
Les initiatives d’Al-Sheikh reflètent cette volonté d’ouverture. En souhaitant organiser des événements à Alcatraz, à la tour Eiffel ou au Colisée, comme il l’a évoqué en février 2025, il cherche à marier sport et patrimoine culturel, tout en exportant la marque Riyadh Season à l’international. Dans le sillage du projet Vision 2030 très cher au prince héritier Mohammed ben Salmane, la boxe, avec son universalité, devient un vecteur idéal pour promouvoir cette nouvelle Arabie saoudite, ouverte et audacieuse.
Turki Al-Sheikh est aujourd’hui une figure incontournable, saluée par des institutions comme le World Boxing Council, qui l’a nommé « Homme de l’année » en 2024. En moins de trois ans, il a transformé Riyad en un épicentre des sports de combat, concurrençant Las Vegas et Londres, tout en redonnant à la boxe ses anciennes lettres de noblesse.