La frontière entre l’Éthiopie et l’Érythrée a été le théâtre d’un des conflits les plus meurtriers de la fin du XXe siècle en Afrique. Si la guerre entre les deux pays a officiellement pris fin en 2000, les tensions perdurent encore.
Origines du différend
L’Érythrée a été annexée par l’Éthiopie en 1962, ce qui a déclenché une guerre de libération de 30 ans menée par le Front populaire de libération de l’Érythrée (FPLE). Après une guerre longue et sanglante, l’Érythrée obtient son indépendance en 1993, avec l’accord de l’Éthiopie.
Cependant, l’indépendance ne règle pas toutes les questions frontalières. Le village de Badme, en particulier, devient un point de discorde. Ce territoire aride, mais symboliquement important est revendiqué par les deux États, dans une région mal délimitée.
La guerre de deux ans (1998–2000)
En mai 1998, des affrontements éclatent à Badme. Très vite, le conflit dégénère en guerre totale. À la suite de cette guerre, des accords de paix sont signés à Alger en décembre 2000. L’accord, sous médiation internationale, prévoit les points suivants : cessez-le-feu, mise en place d’une Commission des frontières pour délimiter la frontière, mise en place de l’arbitrage de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye.
En 2002, cette commission attribue Badme à l’Érythrée. Mais l’Éthiopie refuse de céder le territoire, provoquant une impasse diplomatique. Dès lors, les deux pays vivent dans un état de « ni guerre ni paix », avec une militarisation de la frontière et une hostilité persistante.
La réconciliation de 2018
Un tournant historique survient en 2018 avec l’arrivée au pouvoir du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed. Celui-ci annonce que l’Éthiopie accepte la décision de 2002. En juillet 2018, l’Éthiopie et l’Érythrée signent une déclaration de paix et d’amitié. Les relations diplomatiques sont restaurées et les vols et les télécommunications entre les deux pays reprennent.
Cette réconciliation vaut à Abiy Ahmed le prix Nobel de la paix en 2019. Mais l’euphorie initiale retombe rapidement.
Une paix fragile, des tensions persistantes
Depuis 2019, les frontières restent en grande partie fermées, et peu de progrès tangibles ont suivi l’accord de paix. Le régime érythréen reste très fermé et autoritaire, tandis que l’Éthiopie est plongée depuis 2020 dans un conflit interne majeur au Tigré, région voisine de l’Érythrée.
L’Érythrée a d’ailleurs soutenu militairement l’Éthiopie dans cette guerre civile, ravivant de nouveaux traumatismes. Des accusations de violations des droits humains ont été portées contre les troupes érythréennes opérant au Tigré.
Chronologie du conflit Éthiopie – Érythrée
1962 : L’Éthiopie annexe l’Érythrée, alors province fédérée. Début de la guerre de libération érythréenne.
1991 : Chute du régime éthiopien de Mengistu. Le Front de libération du peuple érythréen prend le contrôle de l’Érythrée.
1993 : L’Érythrée devient officiellement indépendante après un référendum soutenu par l’Éthiopie.
Mai 1998 : Début de la guerre entre les deux pays autour du village de Badme.
2000 : Signature de l’accord de paix d’Alger sous l’égide de l’ONU. Cessez-le-feu.
2002 : La Commission des frontières attribue Badme à l’Érythrée. L’Éthiopie refuse de s’y retirer, blocage du processus de paix.
2000–2018 : Tensions persistantes, militarisation de la frontière. Aucun progrès diplomatique réel.
Juillet 2018 : Réconciliation historique entre Abiy Ahmed (Éthiopie) et Isaias Afwerki (Érythrée). Rétablissement des relations diplomatiques.
2019 : Abiy Ahmed reçoit le prix Nobel de la paix.
2020–2022 : L’Érythrée intervient militairement aux côtés de l’Éthiopie dans le conflit du Tigré. Recul de la détente entre les deux pays.