Les relations tumultueuses entre l’Inde et le Pakistan dans un monde instable

27 mai 2025

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Les relations tumultueuses entre l’Inde et le Pakistan dans un monde instable

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Le récent conflit entre l’Inde et le Pakistan a mis en lumière une fracture majeure en Asie du Sud, qui couve depuis plus de 75 ans et à laquelle le monde doit prêter attention. Bien qu’un cessez-le-feu ait été conclu, des questions restent en suspens entre les deux rivaux nucléaires et un simple élément déclencheur pourrait raviver le conflit.

Depuis leur indépendance de l’Empire britannique en 1947, l’Inde et le Pakistan sont en désaccord et se trouvent aux antipodes l’un de l’autre sur le plan politique, diplomatique et même idéologique. L’Inde reste une démocratie laïque, malgré ses propres problèmes internes entre hindous et musulmans. Elle est sur le point de dépasser le Japon et de devenir la quatrième économie mondiale cette année. Le Pakistan, quant à lui, a une économie fragile qui a été renflouée pour la 24e fois par le FMI ce mois-ci. Il n’est jamais sorti de l’emprise de l’establishment militaire, marqué par plusieurs coups d’État et des troubles politiques dans le pays. Ce qui reste constant au fil des ans, c’est l’hostilité entre les deux nations au sujet de la région contestée du Cachemire et leurs points de vue divergents sur le terrorisme et la manière dont il est utilisé comme instrument politique par le Pakistan.

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Le 22 avril, une attaque terroriste meurtrière a eu lieu dans un site touristique situé dans une prairie pittoresque de Pahalgam, dans la partie du Cachemire administrée par l’Inde. Les terroristes, qui auraient venu du Pakistan, ont uniquement pris pour cible des touristes hindous, leur demandant de réciter le Coran. Les attaques terroristes ne sont pas nouvelles dans la région, mais ce qui a été particulièrement brutal, c’est que la plupart des victimes, des hommes hindous, ont été tuées devant leur famille. L’attaque, qui a fait 26 morts, aurait été perpétrée par un groupe terroriste relativement inconnu dans la région du Cachemire, appelé « The Resistance Front » (le Front de résistance), une branche de Lashkar-e-Taiba (LeT), une organisation terroriste basée au Pakistan et désignée comme telle par l’ONU. Ce même groupe a été impliqué dans plusieurs attentats terroristes en Inde, notamment les attentats de Mumbai en 2008, qui ont fait 176 morts.

Le 7 mai, l’Inde a lancé une série d’attaques dans le Cachemire sous administration pakistanaise et sur le territoire pakistanais, visant prétendument des camps terroristes et leurs infrastructures. Le lendemain, le Pakistan a riposté en frappant plusieurs sites au Cachemire et sur le territoire indien. Un cessez-le-feu a toutefois été conclu, grâce à la médiation des États-Unis. Le directeur général des opérations militaires (DGMO) du Pakistan a contacté son homologue indien et les deux parties ont accepté le cessez-le-feu. Ce conflit nous enseigne plusieurs leçons importantes.

Quatre voies à suivre

Premièrement, la position durcie de New Delhi marque un tournant dans son approche de la lutte contre le terrorisme. L’Inde a évolué dans son attitude masculine envers le terrorisme, indiquant clairement que les attaques terroristes provenant de l’autre côté de la frontière seront traitées par des actions cinétiques.

Deuxièmement, nous avons assisté à une utilisation massive de drones et de la puissance aérienne, proportionnelle à l’utilisation plutôt conventionnelle de la puissance terrestre ou maritime.

Troisièmement, nous avons également assisté à une campagne massive de désinformation et de mésinformation sur les réseaux sociaux, les médias numériques et les médias traditionnels des deux côtés. Les deux pays revendiquent la victoire dans ce conflit. La propagande et le regain de nationalisme dans ces pays alimentent le discours politique de leurs dirigeants. D’une part, pour Modi et son parti politique en Inde, et pour l’armée et l’establishment politique qu’elle soutient au Pakistan. Il s’agit d’un cas classique de diplomatie proactive utilisant la guerre de l’information pour influencer l’opinion publique nationale et internationale avec son agenda et chercher à valider son discours.

Quatrièmement, alors que le Pakistan était ouvertement soutenu par la Chine et la Turquie, l’Inde a bénéficié de la compréhension de plusieurs pays de l’UE (dont la France et l’Allemagne), des États-Unis, de la Russie et d’Israël. De nombreux pays islamiques et du Golfe, dont l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar, se sont abstenus de soutenir l’un ou l’autre camp. Cela remet en question la politique de non-alignement de longue date de New Delhi, qui a récemment évolué vers une stratégie multi-alignée, ce qui a eu pour conséquence qu’aucun grand pays n’a explicitement soutenu ses frappes au Pakistan. Le silence de nombreux pays peut être perçu comme une protestation ou un soutien discret à ses actions, selon à qui l’on pose la question.

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Le Pakistan souhaite porter la question du Cachemire devant la communauté internationale. L’Inde n’en a pas l’intention et considère qu’il s’agit d’une question bilatérale. Bien qu’un calme fragile et précaire règne à la frontière grâce au cessez-le-feu, celui-ci semble pour le moins temporaire. La situation peut dégénérer à tout moment et très rapidement. Les deux parties et la communauté internationale doivent prendre des mesures pour apaiser les tensions entre elles. Le recours à la diplomatie et à des efforts concertés pour lutter contre le terrorisme transfrontalier est un point de départ. Ensuite, le Cachemire, le partage de l’eau (traité sur l’Indus que l’Inde a suspendu) et les questions commerciales pourraient suivre afin d’apaiser davantage les tensions.

Pour les deux nations dotées de l’arme nucléaire, c’est la seule solution possible. Il n’y a pas d’autre choix que de s’efforcer de désamorcer la situation afin d’éviter qu’elle ne se reproduise, car le monde ne peut se permettre un troisième front de conflit régional.

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À propos de l’auteur
Mohit Anand

Mohit Anand

Mohit Anand est professeur de commerce international et de stratégie à l'EM LYON, en France.

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