La géopolitique mondiale et l’agriculture française dans tout ça ?

10 février 2020

Temps de lecture : 5 minutes
Photo : Colloque organisé par Uni LaSalle Beauvais (c) Pixabay et Uni La Salle
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La géopolitique mondiale et l’agriculture française dans tout ça ?

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L’agriculture française est la première d’Europe. Pourtant les difficultés dues à la concurrence européenne, mondiale et aux crises conjoncturelles la remettent en question. Quelle agriculture pour la France de demain ? Quels sont ses débouchés sur la scène internationale ?


Ce mardi 10 décembre, le campus UniLasalle de Beauvais accueillait de nombreux intervenants, spécialistes du monde de l’agriculture, autour du sujet « La Géopolitique mondiale et l’agriculture française dans tout ça ? »

Conflits était partenaire de cette journée de colloque organisée par UniLasalle Beauvais. Nous publions un compte-rendu de cette journée.

Les tables rondes se succèdent et de nouvelles problématiques se soulèvent.

En début d’après-midi, le forum débute par une table ronde concernant le blé français sur l’échiquier mondial. Alexandre Marie, directeur des marchés du groupe Vivescia, Guillaume Van de Velde, directeur du groupement coopératif Céremis, Michel Portier, directeur général d’Agritel, animent tour à tour la conférence et débattent sur la question.

La France, 5ème producteur mondial de blé

La situation du blé français est complexe. Sur 37 millions de tonnes produites par an, 9 millions sont destinés à la consommation en France, 6 à 7 (selon la qualité et la concurrence) à l’alimentation du bétail, 8 à 9 pour l’export au sein de l’Union européenne (Belgique, Hollande, Italie), 8 à 12 pour l’export hors Union européenne (Maghreb et Afrique de l’Ouest).

Dans le domaine alimentaire, le blé français reste très compétitif et concorde avec les attentes globales (multiples variétés, teneurs en protéines…), mais en ce qui concerne l’alimentation du bétail, la France perd du terrain face au maïs venu de mer Noire. La demande globale attend pour ce domaine une céréale peu chère, d’où la concurrence avec le maïs ou encore l’orge fourragère. Bien que les premières destinations extra-européennes soient l’Égypte et l’Algérie, une forte concurrence venue de Russie, d’Ukraine, des Pays-Baltes, de Pologne ou d’Allemagne bouscule la stabilité du blé français.

Se pose alors la question de la compétitivité du blé de France. Les attentes sociétales globales penchent aujourd’hui vers un ralentissement dans l’utilisation de pesticides et d’insecticides de stockage, une meilleure traçabilité, une augmentation de cahiers des charges reconnus, le tout avec une demande de plus en plus « locavore » en recherche de circuits courts. Le monde entier augmente sa production en blé, il faudrait donc optimiser les coûts de production liés au matériel, essayer de moins dépenser et préférer la qualité et la compétitivité à la quantité. « Notre agriculture est la plus durable au monde » répète Alexandre Marie, elle paraît la plus à même de répondre aux attentes sociétales citées plus haut. Problème, les agriculteurs français souffrent. La France ne les soutient plus et préfère l’export en aéronautique et l’exportation d’armes à celle du blé pour des questions de coûts. Pourtant aujourd’hui, l’export agricole sans modération façonne les grandes puissances mondiales : Russie, Chine, Inde, États-Unis, etc.

Comment faire revenir la France dans la course ? Les stratégies économiques sur le marché mondial ne prennent pas forme instantanément. Le blé de mer Noire s’exporte beaucoup vers l’Afrique, ce qui est un excellent parti puisque les chiffres de la population africaine explosent ; le marché va donc constamment s’agrandir. Depuis 2013, la Russie investit totalement le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique, qui était autrefois un pays de choix pour la France et le blé français.

La France perd du terrain face au maïs ukrainien et à la production de blé russe (deux fois plus importante que la nôtre), pour le 5e producteur mondial de blé, le plus dur reste à faire.

La qualité de la viande bovine française: une force comme une qualité

C’est au tour de la viande de bœuf française d’être remise en question. Xavier Ryckebusch, responsable commercial Bigard SAS, Christophe Hochede, Vice-président d’Interbev Hauts de France et membre de la Fédération Nationale bovine, et Jean-Jacques Henguelle, délégué régional Interbev, discutent la supériorité de la viande bovine à la « française ».

Drôle de situation aujourd’hui pour la viande bovine. Les produits transformés dépassent de loin les « piécés », moins facilement commerciables et valorisables, ce qui reste un problème majeur pour les producteurs français.

La force de la viande bovine française se résume à ses variétés multiples. Avec une trentaine de races différentes, l’offre française sort du lot. Une force donc, mais également une faiblesse, car, une fois passée à l’export, la production n’étant pas « harmonisée » et moins régulière que les élevages plus « standardisés » comme en Irlande, devient moins compétitive. Au fil des années, on a demandé aux éleveurs des animaux de plus en plus lourds, ce qui ne correspond plus à la demande, les consommateurs cherchant à manger moins, mais mieux. Ce virage pour la production reste compliqué à mettre en œuvre. Les coûts de production français sont bien supérieurs au reste du monde, ce qui ne pose pas de problème sur le marché français, mais devient un handicap à l’export.

À l’échelle globale, en France comme à l’étranger, le consommateur n’est plus connaisseur, il connaît moins bien la cuisine et la viande. La consommation se retrouve donc changée compte tenu de la formation du consommateur. Résultat, les muscles nobles sont de moins en moins vendus en magasin et les produits élaborés (viandes hachées, etc.) représentent 45% du marché français. Ce que la France aimerait pouvoir exporter de l’animal n’est pas ce que la demande mondiale recherche. La viande transformée reste la première consommation française et mondiale.

La qualité de la viande bovine française découle de ses nombreuses normes. La Chine et la Corée du Sud ont essuyé beaucoup de scandales sanitaires, ils se développent vite et ne contrôlent pas tout ; la sécurité alimentaire française devient donc un atout sur ce point. La solution serait de cibler certains marchés haut de gamme, avec des demandes particulières. On ne toucherait certainement pas de grands marchés, mais la plupart des parties de l’animal seraient valorisées. C’est bien le seul chemin à emprunter selon Christophe Hochede, celui de l’export dans les produits transformés étant voué à l’échec face à une telle concurrence.

À la tête de nos exportations (à 90% intra-européennes), les jeunes bovins. Ils sont loin de représenter la meilleure viande que la France puisse proposer, mais la demande mondiale se standardisant, les éleveurs français tentent d’y répondre tant bien que mal. La qualité de la viande française est un plus, mais elle reste bridée par une demande mondiale encore loin des espérances de la France.

D’où peut venir la concurrence ?

En ce qui concerne les accords commerciaux de libre-échange, ils vont en réalité dans le sens inverse du libre-échange. Le Brexit rebat les cartes commerciales, mais ne met que très peu l’Angleterre en danger. Son premier fournisseur en viande étant l’Irlande, seules vont en pâtir les exportations britanniques d’agneaux.

Le CETA, lui, ne bouleversera pas le marché français de la viande bovine. En effet, le Canada n’a pas encore assez de fermes pour nourrir les Français. Il ne va finalement que prendre la place des ventes du Brésil, les autres consommateurs cherchant à manger de plus en plus local. Ils vont envoyer à bas prix des morceaux et des muscles que la France recherche et qu’ils ont à profusion. Le vrai problème reste les normes européennes qui ne sont pas appliquées au Canada. Il n’y a pas de normes supplémentaires, mis à part les normes internationales. La viande issue du Canada peut être nourrie aux farines animales et on ne peut l’interdire. Mais les Canadiens n’ont pas l’habitude de commercer et doivent trouver leurs marques sachant qu’ils peinent à rester compétitif avec l’Amérique du Sud.

Concernant le Mercosur, le potentiel de production des membres sud-américains est important, mais l’état sanitaire du cheptel reste en général très aléatoire. Le marché intérieur de ces pays-là représente une consommation de viande trois à quatre fois plus importante qu’en Europe, une solide demande qu’il leur faut satisfaire avant les exportations.

À terme, la France produit de moins en moins et ce n’est que le début. Les chiffres d’abattage de vaches allaitantes restent supérieurs à l’année précédente, nous sommes en pleine phase de décapitalisation. Comme les Français continuent de manger de la viande même si le rythme est bien moins soutenu, il faudra forcément en importer pour que tout le monde en ait, importer à des coûts inférieurs de ce que nous sommes capables de produire.

Des problématiques diverses pour le blé et la viande bovine française. Un avenir incertain et difficile pour les agriculteurs de France en proie à une demande mouvante sur plusieurs échelles et une concurrence mondiale intraitable.

Site Unilasalle Beauvais

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À propos de l’auteur
Guillaume Sanzey

Guillaume Sanzey

Étudiant en école de journalisme
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