Un atlas pour revisiter l’histoire d’une terre et d’un conflit qui marque le monde au fer rouge.
Atlas des Palestiniens, Pierre Blanc, Jean-Paul Chagnollaud, Autrement, 2025, 4e édition.
Cette nouvelle édition de l’Atlas des Palestiniens vient à point nommé pour apporter un éclairage précis sur un conflit qui a connu un rebondissement majeur le 7 octobre 2023. Un nouveau cycle de violence s’est enchaîné, et même si les chancelleries réaffirment la nécessité d’un État palestinien cohabitant avec Israël, « dans des frontières sûres et reconnues », cette perspective ne semble pas envisageable. Cela est d’autant plus évident que la nouvelle administration américaine, depuis janvier 2025, semble avoir pris fait et cause, avec très peu de nuances, pour l’actuel gouvernement israélien.
Ce conflit israélo-arabe d’abord, israélo-palestinien depuis les accords de camp David, s’est installé comme une sorte de bruit de fond dans le tourbillon de l’actualité. Seules quelques flambées de violence, parfois paroxystiques, comme lors du 7 octobre 2023, suscitent un certain intérêt dans le grand public. D’un certain point de vue, le Hamas a pu réussir à s’imposer comme incontournable, repoussant dans les limbes une autorité palestinienne dont on se demande si elle existe encore.
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Les actions de l’État d’Israël, sur la bande de Gaza, mais également en Cisjordanie, où se poursuit la colonisation, et au Liban, ont très clairement affaibli la menace que constituaient les organisations palestiniennes radicales, comme le Hamas et le Jihad islamique, mais également le proxy de l’Iran représenté par le Hezbollah.
Mais dans cette vision un peu schématique, on peut s’interroger légitimement : et les Palestiniens ?
Peuple sans état, mais aussi et même surtout population victime de toutes les instrumentalisations, celle des états arabes à partir de 1948, des mouvements islamistes radicaux depuis au moins 1967.
L’introduction de cet Atlas s’intitule : « la tragédie sans fin du peuple palestinien ». Tout est dit dans ce titre qui introduit la première partie, celle de la fragmentation face au processus d’installation de communautés juives venues d’Europe à la fin du XIXe siècle, fuyant l’antisémitisme et inventant un nationalisme libérateur, le sionisme.
Peuple fragmenté à toutes les époques de son histoire, les Palestiniens ont été également dépossédés de leur terre, par l’action très ambiguë des élites palestiniennes elles-mêmes, et par un processus constant et conscient d’appropriations de territoires et de ressources, notamment pour l’eau.
La troisième partie aborde la conséquence malheureusement logique des processus de fragmentation et de dépossession. La radicalisation des protagonistes, palestiniens comme Israéliens, avec un sionisme religieux d’extrême droite, le discrédit de l’autorité palestinienne rend les perspectives de paix de plus en plus lointaines.
C’est sans doute la dernière partie qui illustre le mieux la dimension tragique de l’histoire et de la géographie de ce peuple sans état. Son intitulé est brutal : désertions. Les accords d’Oslo avaient pu entretenir l’espoir d’un arrêt des combats et d’une paix durable. Mais les incertitudes sur le statut de Jérusalem-Est, l’assassinat d’Itzhak Rabin, les positions de la droite israélienne, et l’instrumentalisation du Hamas par le Likoud, ont conduit au naufrage de ces accords d’Oslo. Les États-Unis n’ont jamais remis en cause, même au temps de l’administration démocrate d’Obama et de Joe Biden, le soutien indéfectible à l’État d’Israël. L’Union européenne reste divisée et surtout impuissante, même si elle apporte des aides au développement des territoires palestiniens, souvent détournées d’ailleurs et surtout détruites par les représailles israéliennes lors des différentes interventions militaires sur la bande de Gaza. La dernière en date pose d’ailleurs le problème de la reconstruction complète de ce territoire entièrement ravagé.
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On appréciera dans cet Atlas la qualité des représentations cartographiques, que l’on aurait pu souhaiter plus précises encore pour ce qui concerne les ressources hydrauliques, tant le problème de l’eau est essentiel pour les deux parties. On appréciera particulièrement la représentation des colonies de Jérusalem est et la stratégie d’encerclement que cela suppose de la part des mouvements fondamentalistes juifs qui sont installés. Pour ce qui concerne l’eau, même s’il peut être difficile de faire apparaître les courbes de niveau, pourtant essentielles pour comprendre, les représentations sur le détournement des ressources sont particulièrement bienvenues. En Cisjordanie les Palestiniens ont très clairement perdu la bataille des forages.
Il faut donc, si l’on veut comprendre les enjeux de ce conflit israélo-palestinien qui n’en finit pas, faire l’acquisition de cet ouvrage. Cela permettra de sortir de biens d’idées reçues, et des simplifications partisanes et parfois abusives que commentateurs et protagonistes peuvent entretenir sur ce sujet.
Les 100 cartes et infographies, entièrement mises à jour, dressent le bilan de ce conflit et de ses ressorts dans un contexte où les tensions géopolitiques grandissent et s’étendent toujours plus.