Livre – Le goût d’Haïti

26 mars 2020

Temps de lecture : 2 minutes
Photo : Port-au-Prince, capitale d'Haïti, Auteurs : GRAHAM AUBREY/SIPA, Numéro de reportage : SIPAUSA30067029_000020.
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Livre – Le goût d’Haïti

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Au cœur des flots bleus des Caraïbes, Haïti s’apparente à un joyau méconnu de notre planisphère. Si l’île n’est réputée que pour ses catastrophes naturelles et son histoire agitée, elle recèle néanmoins de nombreux trésors qui, de la géographie à la littérature, attirent et captivent, plus qu’ils ne repoussent.

 

Haïti, seul pays francophone des Caraïbes, est connu pour avoir été, en 1804, après la victoire des Haïtiens contre les armées napoléoniennes, la première république noire du monde. Enfermé, humilié, transi de froid au château de Joux dans le Jura, Toussaint-Louverture écrivit ses Mémoires : « Sans doute je dois ce traitement à ma couleur ; mais ma couleur m’a -t-elle empêché de servir ma patrie avec zèle et fidélité ? » Puis la Perle des Antilles a surtout été connu comme le pays qui a vécu le plus grand nombre de coups d’Etat, avant de tomber sous la férule de Duvalier, « Papa Doc », qui instaura la dictature avec ses célèbres Tontons Macoutes, véritables escadrons de la mort. On connaît mal, en revanche, l’incroyable créativité de la littérature haïtienne, plus accoutumée à associer Haïti aux tragédies naturelles, climatiques et politiques qui frappent régulièrement ce pays, dont le dernier a été le terrible séisme de 2010 de magnitude 7 qui causa 300 000 morts, 30 000 blessés et un million de sans abri. Pourtant, dès l’année 1804, ses écrivains ont pensé le pays et posé les fondements de l’identité haïtienne dans une revendication intransigeante de liberté. Ils ont construit, par leurs engagements et leurs écrits, le lien indéfectible entre le politique et le littéraire, le sang et l’encre. C’est un voyage en Haïti en 1943 qui inspire à Alejo Carpentier. Le royaume de ce monde, qui brosse, à travers les destins croisés de plusieurs acteurs historiques et témoins oculaires, une fresque des révoltes et soubresauts qui aboutirent à l’indépendance d’Haïti. La littérature haïtienne et la vie politique ont toujours été fortement imbriquées à tous les stades de l’histoire d’Haïti. Les intellectuels haïtiens se sont tournés, successivement ou simultanément, vers la France, l’Angleterre, l’Amérique, et puisent aux sources des traditions africaines. Dans le même temps, l’histoire d’Haïti a toujours été un matériau riche d’inspiration pour la création littéraire, avec ses héros, ses soulèvements, ses cruautés et ses rites. « La littérature haïtienne est au bouche à bouche avec l’histoire » rapporte René Depestre. En 1946, André Breton est chargé, par le directeur des Affaires culturelles à Paris, d’établir des relations avec les intellectuels haïtiens. En pleine grève insurrectionnelle menée par les étudiants contre le gouvernement Lescot, ses discours trouvent un écho auprès des insurgés, emmenés en particulier par René Depestre. Toutefois, l’influence surréaliste restera mineure, quoique réelle, sur la littérature haïtienne. Voyage vers les multiples paysages d’Haïti, géographiques et imaginaires, à explorer en compagnie de Toussaint Louverture, Jean Price-Mars, Jacques Roumain, André Breton, Aimé Césaire, Truman Capote, Mario Vargas Llosa, Yvon Le Men, Laurent Gaudé, Frankétienne, Yanick Lahens, Dany Laferrière, Lyonel Trouillot, Louis-Philippe Dalembert, Kettly Mars…

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À propos de l’auteur
Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.
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