La Thaïlande cernée par la Chine

15 juillet 2025

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Les ambitions navales de la Chine (c) Conflits

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La Thaïlande cernée par la Chine

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La plupart des voisins de la Thaïlande sont dans les cercles de dépendance de la Chine. Pékin étend son influence dans la péninsule indochinoise, faisant de la Thaïlande un État tampon crucial pour l’équilibre de la région. Étude par les cartes

Les routes de la Chine passent par l’Indochine

Qu’elles soient maritimes ou terrestres, les routes chinoises passent par la péninsule indochinoise, seules voies de désenclavement de Pékin pour accéder à l’Europe et au Moyen-Orient.

Comme le montre la carte ci-dessous, les routes vitales pour l’approvisionnement chinois passent par la mer de Chine et l’océan Indien. Tout au long de ce parcours, c’est un ensemble de points d’appui qui sont installés par la Chine, bases, facilités navales, escales, formant un « collier de perle » qui est le pendant maritime des routes de la soie terrestre.

Les ambitions navales de la Chine
(c) Conflits

Dans ces routes maritimes de sorties et d’exportations, trois pays jouent un rôle clef : la Birmanie, le Cambodge et le Laos, les trois étant sous la tutelle chinoise. Au milieu d’eux, la Thaïlande fait figure d’État indépendant, encerclé par la Chine. D’où la volonté du camp occidental de maintenir ses lieux avec l’ancien royaume du Siam.

La Birmanie sous la tutelle chinoise

La Chine soutient la junte birmane dans ses multiples coups d’État et demeure le principal partenaire commercial du pays. Pékin adopte une position attentiste tout en maintenant ses intérêts stratégiques. Le commerce, notamment via le port frontalier de Ruili, se poursuit malgré les troubles. La Chine a investi massivement dans des projets d’infrastructure et reste confiante, estimant que l’armée au pouvoir ne menace pas ses investissements. En revanche, les États-Unis envisagent des sanctions, ce qui pourrait éloigner davantage la Birmanie des démocraties occidentales et la rapprocher de Pékin, renforçant ainsi l’influence chinoise dans la région au détriment des puissances occidentales.

Birmanie et production de drogues (c) AFP

Une grande partie de la drogue produite en Birmanie transite par la Chine pour son acheminement vers les marchés de consommation mondiale. Cette drogue transite notamment par l’État du Shan, situé dans le Triangle d’Or, donc à la frontière de la Thaïlande. Le Shan est l’un des plus gros centres mondiaux de fabrication d’opiacés (héroïne, opium) et de drogues synthétiques, comme la méthamphétamine. La majeure partie de cette drogue traverse les frontières poreuses du Yunnan vers la Chine, avant d’être redistribuée vers l’intérieur du pays ou acheminée vers d’autres destinations. Des liens entre trafiquants birmans et réseaux chinois, telles les triades, facilitent le transit, notamment pour les métamphétamines.

Le Laos, un État sous le giron chinois

Pays enclavé comptant parmi les plus pauvres du monde, le Laos est intégré dans l’espace chinois tant pour son économie que pour ses débouchés. La ligne ferroviaire Kunming – Vientiane, si elle est une porte de sortie pour cet État sans accès à la mer, est aussi une intégration dans l’espace politique et économique de Pékin.

La stratégie chinoise consiste à contourner l’Inde, d’un côté via le Pakistan, de l’autre via la Birmanie et la péninsule indochinoise. La Thaïlande est donc cruciale pour Pékin, même si Bangkok fait tout pour rester indépendant et jouer son rôle de puissance d’équilibre.

Liaisons ferroviaires soutenues par la Chine (c) AFP

Le Cambodge, un satellite de la Chine

Avec le Laos, le Cambodge est l’autre satellite de la Chine dans la péninsule. La base aéronavale chinoise de Ream, dont la nouvelle version a été inaugurée en avril 2025, illustre cette mainmise chinoise sur le pays.

Située sur la côte sud du Cambodge, près de Sihanoukville, Ream s’étend sur près de 77 hectares.

Modernisée dans les années 1970 par l’aide anglo-saxonne, la base est désormais sous influence chinoise. Pékin a débuté une nouvelle ère de modernisation en 2022, qui inclue des docks, des quais profonds et un centre de logistique. L’inauguration de 2025 a convoqué de hauts responsables cambodgiens et chinois. Étaient présents notamment le Premier ministre Hun Manet, le chef d’état-major adjoint de la Commission militaire centrale chinoise, Cao Qingfeng et l’ambassadeur de Chine au Cambodge, Wang Wenbin. Cet agrandissement a été en grande partie financé par la Chine, qui a par ailleurs annoncé son intention d’offrir deux corvettes de type 056A à Phnom Penh après leur accostage au nouveau quai de Ream depuis décembre 2023. Autrefois modeste, la base navale de Ream est désormais un élément central de la stratégie navale chinoise. Elle offre à Pékin un accès privilégié pour surveiller le golfe de Thaïlande et le détroit de Malacca, opérant un véritable encerclement militaire de la Thaïlande.

Port de Ream (c) DR

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À propos de l’auteur
Louis du Breil

Louis du Breil

Louis du Breil est journaliste et grand reporter. Il travaille sur les enjeux géoéconomiques et de sécurité internationale.

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