Le terrorisme en 2021 : évaluation à l’aide de deux sources complémentaires

10 mai 2022

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Le terrorisme en 2021 : évaluation à l’aide de deux sources complémentaires

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Les deux publications dont on parlera ici figurent parmi les lectures obligées de quiconque s’intéresse sérieusement au fait terroriste. Elles permettent, en effet, d’obtenir une indispensable vision « à chaud » de l’année écoulée, et de nourrir la réflexion sur les évolutions en cours. Dans la mesure où elles sont issues de projets très différents, elles aboutissent à des résultats remarquablement complémentaires, à condition de les utiliser à bon escient.

Edward Mickolus, Terrorist Events Worldwide 2021, Wandering Woods Publishers, s. l., 2022.

Institute for Economics & Peace, Global Terrorism Index 2022, Sydney, 2022.

Le livre de Mickolus s’inscrit dans une série d’ouvrages dont on a déjà traité ici[1]. Et cette dernière livraison reprend le format habituel de la série, avec une brève introduction faisant état des tendances régionales les plus importantes et une récapitulation de faits saillants concernant des organisations et individus. Vient ensuite une substantielle chronologie par pays (regroupés par régions) qui est la meilleure source disponible sur chaque incident, en fonction des informations que l’auteur a pu trouver dans la presse (sources ouvertes). On n’insistera jamais assez sur l’utilité de ces informations qui permettent de contextualiser les attentats, et souvent de fournir de premières pistes pour leur analyse ultérieure. Cette chronologie est suivie par une mise à jour concernant des évènements antérieurs à 2021 (arrestations, procès, données complémentaires, etc.), permettant un suivi des cas parfois sur la longue durée. Enfin, une brève bibliographie, qui fait place à des publications non anglophones (fait remarquable et bienvenu) clôt le volume. Bref, on a là un usuel que devrait se trouver à portée de main de tout chercheur en études sur le terrorisme.

Le Global Terrorism Index 2022, quant à lui, cherche à offrir une vision d’ensemble sur la situation présente et l’évolution du fait terroriste dans le monde. Là encore on a affaire à une série de rapports dont la version 2022 (couvrant l’année 2021) est le neuvième depuis 2012. Fait important : alors que depuis ses débuts le GTI a travaillé avec les données de la Global Terrorism Database de l’Université du Maryland, depuis cette année la source est la Dragonfly’s Terrorism Tracker database, dont les données remontent seulement à 2007, et les critères de sélection des incidents sont (heureusement) plus sélectifs que ceux de la GTD. Il en résulte donc que ce rapport n’est pas exactement comparable avec les antérieurs, tout en étant sans doute mieux centré sur les incidents à caractère spécifiquement terroriste.

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Cela dit, on trouvera dans le GTI 2022 une grande quantité de données utiles pour nourrir la réflexion. Ainsi une place particulière est faite à la région du Sahel où la dégradation de la situation sécuritaire est plus qu’alarmante, donnant lieu à des analyses qui, faute d’être originales, mettent néanmoins l’accent sur des problèmes structurels graves.

Des actes peu létaux

 

On trouve aussi dans ce rapport la confirmation du fait que les actes terroristes (qui auraient gagné à être mieux différenciés des actions de guérilla) sont en général assez peu létaux dans la mesure surtout où leur fonction communicationnelle est prépondérante. Ainsi en 2021, sur 5226 actes considérés comme terroristes, seuls 4 ont tué 100 ou plus de victimes, soit 0,076% du total. Notons aussi que les deux actions les plus meurtrières de cette année ont fait l’objet d’analyses qui en dévoilaient les logiques spatiales, parfois de manière prémonitoire. Il s’agit de l’attentat à l’aéroport de Kaboul (26 août 2021)[2], et du massacre de Solhan (Burkina Faso) le 5 juin 2021[3].

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On retiendra aussi l’intérêt des brèves notes concernant les dix pays les plus affectés par le terrorisme, ainsi que les tendances régionales qui permettent de nuancer les constats globaux du rapport. À savoir une légère baisse (-1,2%) de la mortalité mondiale par terrorisme par rapport à l’année antérieure ; qui contraste avec une augmentation de 17% du nombre des attaques, ce qui correspond à une réduction de la létalité des incidents qui passe de 1,6 morts/ attentat en 2020 à 1,4 en 2021. Mais l’interprétation correcte de cette tendance est en grande partie dépendante d’une bonne discrimination entre actes de terrorisme et de guérilla, ce que le GTI ne fournit malheureusement pas.

Comme d’habitude le GTI inclut des « contributions d’experts » de qualité inégale. Cette année un texte de C. Schori Liang sur les aspects technologiques du terrorisme mérite de retenir l’attention malgré sa faiblesse théorique. En effet, l’accessibilité croissante de technologies duales (smartphones, imprimantes 3D, véhicules autonomes, drones, etc.) ouvre de nouvelles perspectives à ceux qui conçoivent des attentats, tout en maintenant la tendance vers une certaine rudimentarisation des modes opératoires[4].

En conclusion, la consultation de ces deux publications, en permettant de s’informer sur la conjoncture immédiate, contribue à consolider l’assise empirique sans laquelle aucune théorisation solide n’est possible. Et sachant qu’en matière de terrorisme les recherches débouchent aussi potentiellement sur des conséquences pratiques, on comprendra sans mal notre insistance sur la nécessité de disposer d’un niveau d’information optimal.

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[1] Daniel Dory, Edward Mickolus. Une source importante pour la recherche sur le terrorisme, Conflits Web, 20 novembre 2021, https://www.revueconflits.com/livre-edward-mickolus-une-source-importante-pour-la-recherche-sur-le-terrorisme/

[2] Théry H. et Dory D. 2021c « Terrorisme et insurrection en Afghanistan : quelques données de base », Conflits (en ligne), 23 août 2021 : https://www.revueconflits.com/terrorisme-afghanistan-talibans-etat-islamique/

[3] Théry H. et Dory D. 2021e, « Solhan : cartographier le terrorisme et la dynamique territoriale d’une insurrection », Mappemonde, n° 131, (en ligne) : https://journals.openedition.org/mappemonde/6129

[4] Pour un rapide aperçu, par exemple, sur les drones susceptibles d’intégrer l’arsenal terroriste, voir : Henri Seydoux, « Les microdrones et les intelligences artificielles », DSI, N° 157, 2022, 96-97. Sur la rudimentarisation technologique inhérente au terrorisme : Daniel Dory, « Le terrorisme et les transformations de la guerre : un état de la question », Guerres Mondiales et Conflits Contemporains, N° 285, 2022, 41-57.

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À propos de l’auteur
Daniel Dory

Daniel Dory

Daniel Dory. Chercheur et consultant en analyse géopolitique du terrorisme. A notamment été Maître de Conférences HDR à l’Université de La Rochelle et vice-ministre à l’aménagement du territoire du gouvernement bolivien. Membre du Comité Scientifique de Conflits.
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