<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’eau : un savoir-faire précieux

27 mai 2021

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L’eau : un savoir-faire précieux

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En économie, cela s’appelle un bien négatif, c’est-à-dire un bien dont on se rend compte de l’existence quand celui-ci a disparu. C’est le cas de la sécurité et de la paix, c’est aussi le cas de l’eau potable. S’il n’y a rien de plus normal que d’ouvrir un robinet pour prendre une douche ou boire un verre d’eau, ce geste quotidien et anodin est récent.

L’eau : un savoir-faire précieux

En France, il y a cent ans, un grand nombre de villages ne disposaient pas encore de l’eau courante. L’accès à l’eau et la maîtrise de la source furent l’objet de bien des drames et la trame de fond de Jean de Florette et de Manon des sources de Marcel Pagnol. Sans eau potable, pas de vie. Sans système d’adduction d’eau, pas d’industrie et pas d’agriculture. Dans son dernier ouvrage Guerre et eau. L’eau, enjeu stratégique des conflits modernes (Robert Laffont, 2021), Franck Galland remonte l’histoire jusqu’aux batailles de 1914 où l’eau s’avère capitale dans l’approvisionnement des troupes. Encore aujourd’hui, les armées en projection doivent prévoir le ravitaillement en eau, soit qu’elle vienne de l’extérieur, soit qu’elle soit issue de puits de forage. Il n’y a pas d’opération réussie sans connexion à l’eau.

L’eau n’est pas une ressource naturelle, mais la démonstration d’un vouloir politique et d’un génie humain. Nombreux sont les territoires à avoir un trop-plein d’eau et pourtant à manquer d’eau pour leur population. C’est le cas du Brésil, dont São Paulo vit en stress hydrique, quand ce pays est pourtant un immense château d’eau et est traversé par l’un des plus grands fleuves du monde. Idem en Afrique tropicale : si l’eau tombe du ciel, elle ne coule pas dans les robinets. À l’inverse, l’Andalousie, pourtant région aride, a su très tôt maîtriser son adduction et son irrigation pour devenir un verger de l’Espagne. Avec leurs aqueducs encore visibles, les Romains ont été les maîtres de l’approvisionnement en eau. En matière aquatique, il n’y a pas de pays privilégié et de pays délaissé, il y a des pays qui savent maîtriser et développer les techniques, et ceux qui sont restés en deçà. L’Arabie saoudite et le Qatar développent des usines de désalinisation, Singapour recycle ses eaux usées pour les rendre propres à la consommation, quand il est encore déconseillé, dans une ville comme Moscou, de boire l’eau du robinet.

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L’eau potable n’est pas gratuite.

Traiter les eaux, les transporter, les recycler, a un coût. De grandes entreprises savent très bien faire cela, dont en France Suez et Veolia. Ce sont des métiers techniques, exigeants, spécialisés, qui supposent une haute maîtrise technologique. Pour ne pas avoir entretenu leurs canalisations et leurs barrages, Le Cap et Rome ont été victimes de manque d’eau et de coupure. Il est trop facile de mettre cela sur le compte du changement climatique, alors que les véritables responsables sont les politiques imprévoyants et les démagogues court-termistes. Ne pas entretenir les canalisations permet de réaliser quelques brèves économies et donc de baisser les tarifs. Politiquement habile à court terme, cette tactique aboutit à des drames dix ans plus tard quand les canalisations et les infrastructures deviennent vétustes et obsolètes.

La véritable guerre de l’eau est donc d’abord technologique. Eaux recyclées, dessalées, pompées en profondeur, détournées ou réservées, il y a de nombreuses façons de pouvoir abreuver les mégapoles, en s’appuyant sur des entreprises performantes qui maîtrisent ces métiers complexes. Pour avoir fait le choix d’une centralisation administrative de l’eau, les États américains sont régulièrement placés en stress hydrique, notamment en Californie. Les canalisations sont vétustes, souvent en plomb, ce qui engendre des problèmes sanitaires graves, comme à Flint dans le Michigan. C’est un débat majeur, quoique occulté, que Joe Biden prendra peut-être au sérieux, lui qui dispose d’un « Monsieur Eau » dans son équipe. La Chine aussi est confrontée à des manques d’eau, du fait d’une population nombreuse et de territoires arides. Apporter l’eau des plateaux tibétains vers les territoires du nord et de la côte sera l’un de ses grands travaux des années à venir. Une occasion peut-être de coopération mondiale, qui ferait de l’eau non plus un agent belliciste, mais un facteur de paix.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.
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