<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’insoutenable poids des retraites dans les déficits et la dette publics

1 mai 2025

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L’insoutenable poids des retraites dans les déficits et la dette publics

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Les retraites pèsent de plus en plus dans les déficits publics et la dette. Analyse de Victor Fouquet

Article paru dans le no56 – Trump renverse la table

Auditionné par la commission d’enquête parlementaire sur les causes de l’accroissement de la dette[1] – commission hélas close le 9 juin 2024 avec la dissolution de l’Assemblée nationale –, l’ancien inspecteur des finances, Jean-Pascal Beaufret, s’est évertué à analyser la décomposition des 1 000 Md € de dette publique additionnelle enregistrée entre 2016 et 2024. Contrairement à une opinion répandue, tantôt par la gauche, tantôt par la droite, l’endettement public n’a pour cause principale ni les baisses d’impôts décidées par le président Macron à partir de 2017, ni le fonctionnement de l’État et de ses satellites (quand bien même les quelque 1 200 agences et opérateurs de l’État sont-ils à la fois redondants et coûteux, à hauteur d’au moins 80 Md €). La cause prépondérante à l’envolée de la dette publique, déjà à l’œuvre avant 2016, demeure le financement des retraites, qui à elles seules représentent 50 % de l’endettement supplémentaire sur la période, malgré les crises sanitaire, énergétique et inflationniste.

Les cotisations sociales et les impôts affectés ne couvrant que 80 % des pensions versées par l’ensemble du système de retraites, les administrations publiques (l’État, les collectivités locales, mais aussi les hôpitaux et les autres entités de la sphère sociale employant des fonctionnaires) couvrent le solde restant, soit 20 %. « Depuis 2014, relève ainsi le rapporteur pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) au Sénat, Vincent Delahaye, le montant des subventions des administrations publiques au système des retraites, hors cotisations jugées “normales”, oscille entre 66 et 75 Md €[2]. » Sommes-nous toujours dans un système par répartition quand les déficits et la dette publics financent une part aussi importante des dépenses courantes ? La logique d’un tel système implique normalement d’ajuster le niveau des pensions aux rentrées de cotisations. Or, la France finance le sien à crédit sur le dos des générations futures, par ailleurs privées des bénéfices d’une dose de capitalisation collective complémentaire, comme il en existe dans tous les grands pays industrialisés. Les discours compatissants pour les retraités d’aujourd’hui dissimulent de plus en plus mal une très grande injustice pour les retraités de demain.

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Cette injustice au détriment des actifs d’aujourd’hui est encore renforcée par de criantes inégalités de traitement côté recettes, c’est-à-dire en matière fiscale. Tandis que les revenus d’activité supportent un taux normal de contribution sociale généralisée (CSG) de 9,2 %, les retraités voient leurs pensions imposées à un taux maximal dérogatoire de 8,3 %, sans la moindre justification. Alors qu’ils forment une catégorie plus aisée et moins sujette à la pauvreté que le reste de la population, les retraités bénéficient également d’un avantage indu au regard de l’impôt sur le revenu : un abattement de 10 % sur le montant de leurs pensions (chiffré à plus de 4,5 Md €, ce qui en fait la troisième niche fiscale la plus élevée en montant tous impôts confondus). Lors de sa création en 1977, celle-ci était justifiée par l’accroissement de la pression fiscale l’année suivant la liquidation de la retraite, du fait de la baisse immédiate des revenus pour la majorité des néo-retraités et de l’absence de prélèvement à la source. Or, depuis 2019 et la réforme du prélèvement à la source, les personnes dont les revenus diminuent l’année du départ en retraite peuvent ajuster leur taux d’imposition de façon contemporaine à la baisse des revenus. Plus généralement, cette niche était motivée par la situation économique dégradée des retraités, dans un contexte fortement inflationniste où les pensions étaient sous-indexées, et où donc leur niveau de vie était dans l’ensemble plus faible que celui du reste de la population. La longévité de cette faveur fiscale – au demeurant concentrée sur les retraités les plus aisés – ne tient plus qu’à des considérations d’économie politique : l’offre politique s’adapte en effet à la demande électorale des retraités, seules les personnes âgées continuant de voter en majorité de façon systématique[3]

[1] Commission d’enquête « visant à établir les raisons de la très forte croissance de la dette française depuis l’élection présidentielle de 2017 et ses conséquences sur le pouvoir d’achat des Français » présidée par Philippe Juvin, député LR des Hauts-de-Seine.

[2] Rapport pour avis présenté au nom de la commission des finances sur le PLFSS pour 2025 par Vincent Delahaye, sénateur de l’Essonne, p. 54.

[3] Voir É. Algava et K. Bloch, « Vingt ans de participation électorale : en 2022, les écarts selon l’âge et le diplôme continuent de se creuser », Insee Première, n° 1929, 2022, p. 1-4.

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À propos de l’auteur
Victor Fouquet

Victor Fouquet

Docteur en droit fiscal. Chargé d'étude au Sénat, professeur à l'ICP. Il travaille sur la fiscalité et les politiques fiscales en France et en Europe.

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