<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Nouvelle-Zélande : l’instructive révolution sociale

10 octobre 2023

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Le Parlement de Wellington (c) wikipedia
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Nouvelle-Zélande : l’instructive révolution sociale

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La révolution libérale qui sévit en Nouvelle-Zélande il y a presque 40 ans constitue le rouage intéressant d’une machine de redressement. Un exemple pour la France d’aujourd’hui ?

Article paru dans le numéro 47 de septembre 2023 – Occident. La puissance et le doute.

La résistance collective au changement constitue un désavantage compétitif croissant par rapport à nos concurrents, et apporte un peu d’eau supplémentaire au moulin de notre déclin. Celui-ci serait-il irréversible ? La réponse est non, en quoi le déclin se distingue de la décadence : celle-ci invite à l’effacement quand celui-là commande l’action. Arrêtons-nous sur une expérience vigoureuse de redressement économique, intéressante à plus d’un titre, mais rarement citée : la révolution libérale néo-zélandaise de 1984.

L’exemple de la Nouvelle-Zélande est d’autant plus parlant qu’il y régnait une forte tradition étatique, et que l’on dût la rupture à un gouvernement… travailliste – lesquels travaillistes furent pourtant à l’origine, cinquante ans plus tôt, du culte voué à l’État-providence. Confronté à une conjoncture économique extrêmement difficile (effondrement des exportations agricoles, creusement des déficits, envolée de la dette et, en fin de compte, dégradation de l’ensemble des indicateurs macroéconomiques), le gouvernement travailliste issu des élections de 1984 définit alors un vaste calendrier de réformes menées à vive allure.

Dès 1984, l’objectif prioritaire fut de réduire le déficit. Après les réformes financière, monétaire, douanière et agricole, le mouvement réformateur se poursuivit au pas de charge avec la restructuration de l’administration et la délimitation de son périmètre d’intervention. Depuis 1988, les cadres administratifs supérieurs sont par exemple recrutés sur la base de petites annonces. S’ils peuvent y répondre au même titre que les cadres du privé, les fonctionnaires d’expérience ne disposent d’aucune priorité d’embauche. Et s’ils sont recrutés, encore doivent-ils souscrire un contrat pluriannuel d’objectifs qu’il leur faut remplir s’ils souhaitent voir leur contrat renouvelé. La culture de la performance est cardinale.

Parallèlement, le champ d’intervention de l’État fut resserré et les monopoles nationaux démantelés[1]. L’appel au secteur privé et la mise en place de structures de gestion rigoureuse permirent d’alléger le poids de l’administration : en dix ans, les effectifs de la fonction publique furent quasiment divisés par deux. L’élan acquis grâce aux réformes conduites par le gouvernement travailliste fut par la suite amplifié par le Parti national, victorieux aux législatives de 1990, prouvant derechef qu’un consensus transpartisan est possible sur la nécessité de diminuer les dépenses publiques.

C’est le Parti national qui, en poursuivant la transformation du secteur public, permit véritablement de rétablir les grands équilibres. Plusieurs réformes de grande envergure furent engagées : parmi elles, le report, dès 1991, mais avec un effet étalé sur dix ans, de l’âge de départ à la retraite de 60 à 65 ans, le transfert au secteur privé de la gestion du parc de logements sociaux détenus par l’État, la transformation des hôpitaux en « entreprises de santé » incitant les établissements publics à une gestion plus rigoureuse ou encore, dans le domaine éducatif, le renforcement de l’autonomie des universités d’État ainsi mises opportunément en concurrence.

Les résultats économiques furent prodigieux : croissance annuelle moyenne du PIB continuellement supérieure à 3,5 % (avec des pics à plus de 6 %), taux de chômage limité à 6 % malgré le net accroissement de la population active, progression de l’investissement industriel de l’ordre de 60 %, exportations redevenues florissantes, explosion du nombre d’entreprises individuelles, excédents budgétaires année après année, la loi de responsabilité fiscale de 1994 (Fiscal Responsability Act) imposant d’ailleurs un surplus budgétaire d’au moins 3 % tant que la dette publique franchissait la barre des 20 % du PIB. Résultat : le ratio d’endettement fut divisé par deux en sept ans : 25 % en 1998, contre 51 % en 1991.

La Nouvelle-Zélande est l’illustration non plus théorique, mais empirique, que le défi auquel est confrontée la France peut trouver des réponses concrètes et que l’effacement de la puissance et de la souveraineté n’est pas inéluctable.

[1] Par exemple, la New Zealand Railways, l’équivalent de la SNCF, vit ses effectifs divisés par cinq (4 500 salariés contre 22 000 auparavant).

À propos de l’auteur
Victor Fouquet

Victor Fouquet

Doctorant en droit fiscal. Chargé d’enseignement à Paris I Panthéon-Sorbonne. Il travaille sur la fiscalité et les politiques fiscales en France et en Europe.
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