Palais Barberini : un joyau romain méconnu

26 février 2023

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Dans l'une des pièces du palais

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Palais Barberini : un joyau romain méconnu

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C’est l’un de ces joyaux romains méconnus. Entre le Quirinal et la Trinité des Monts, dans un quartier résidentiel romain, un peu à l’écart de la rue et presque invisible, est pourtant niché l’un des plus beaux joyaux Renaissance de la capitale, le palais Barberini.

L’histoire du palais se confond avec celle de l’Italie. Le terrain appartenait à la famille Sforza, les redoutables condottieres de Milan. Il est acheté en 1625 par Maffeo Barberini, élu pape sous le nom d’Urbain VIII en 1623. Originaire de Toscane, Barberini a fait carrière à Rome, notamment dans le corps diplomatique. C’est l’un des grands esprits du temps, ami de Robert Bellarmin et de Galilée, défenseur des scientifiques, des artistes, des écrivains. Sous son pontificat de 20 ans (1623-1644), Rome brille de nouveau comme l’une des grandes capitales intellectuelles de l’Europe. Le palais Barberini doit symboliser cet éclat romain. La construction débute en 1627, sur le terrain acquis en 1623, confié aux grands architectes de l’époque, Carlo Maderno et son neveu Francesco Borromoni. Lequel travaille ensuite, à la mort de son oncle en 1629, avec Le Bernin, qui en achève la construction en 1633. Six années pour construire un chef-d’œuvre de mesure qui est à l’image de ce que veut être le pape Barberini : l’urbanitas, qui s’oppose à la rusticitas. Urbanité dans les formes, les volumes, les escaliers, admirables, l’agencement des jardins, la décoration intérieure. Loin devant la peinture et la sculpture, l’architecture est le grand art du XVIe XVIIe siècle, celui qui donne forme à l’esprit d’un temps.

Urbain VIII

L’urbanité romaine

Une histoire d’art et de lettres, qui est aussi une histoire politique. À la mort d’Urbain VIII, le palais est confisqué par son successeur, Innocent X, avant d’être rendu à la famille Barberini en 1653. Il demeura propriété de cette famille jusqu’en 1949 et son rachat par l’État italien, même si les descendants conservent un bâtiment à l’arrière du jardin. Parmi les événements notables qui s’y sont déroulés, outre les fêtes et les réceptions, la signature de la Convention européenne des droits de l’homme, en 1950, et le lieu d’exil de Charles IV d’Espagne, entre 1814 et 1819. En 1950, une grande partie des collections de la famille Corsini rejoint le palais Barberini et la Galerie nationale d’art ancien créée par l’État italien, donnant à ce palais quelques-uns des chefs-d’œuvre de l’art classique : Raphaël, Quentin Metsys, Lippi, Le Caravage, Simon Vouet, Titien, etc.

Un palais à la fois écrin d’œuvre d’art et œuvres d’art lui-même, qui est une traversée de l’histoire de la peinture, du XVe au XVIIIe siècle. Un palais où brillent aussi deux escaliers magnifiques, celui du Bernin, dans une cage carrée, et celui de Borromini, en colimaçon. Deux escaliers qui rappellent l’importance majeure de l’architecture et de ce qu’elle dit de son époque. Les jardins ne sont pas encore à la hauteur du palais, toujours en travaux, peu soignés et peu développés. Si les parcs romains sont charmants et évocateurs, la Ville, d’une manière générale, ne maitrise pas l’art des jardins. Autres lieux, autres aptitudes. Dans ce palais néanmoins, et au fil des pièces sont disposées les trois abeilles, héraldiques de la famille Barberini, qui rappellent tout l’art et le savoir d’Urbain VIII et de ses héritiers.

Escalier de Borromini

Escalier du Bernin

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À propos de l’auteur
Mathilde Legris

Mathilde Legris

Journaliste. Terroirs, histoires, voyages.

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