Pharmacie centrale de France : « De l’officine laboratoire à l’officine comptoir »

17 juillet 2021

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Pharmacie centrale de France : « De l’officine laboratoire à l’officine comptoir »

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En 1858, François Dorvault crée une coopérative d’achat et de production entre pharmaciens, la Pharmacie centrale de France (PCF), qui se propose de se substituer aux pharmaciens d’officine dans la préparation et la fabrication de certains médicaments. La coopérative offre rapidement toutes les matières premières chimiques et végétales nécessaires à la fabrication des préparations magistrales, certains médicaments et même des pansements, dont les célèbres bandes Velpeau. En 1859, Dorvault rachète l’hôtel des ducs d’Aumont rue de Jouy dans le Marais (aujourd’hui tribunal administratif de Paris), véritable coup de communication pour rallier les pharmaciens indécis comme clients ou sociétaires. L’hôtel se dote notamment d’une machine à vapeur et d’un générateur à vapeur, symboles de l’industrialisation. En 1867, la PCF acquiert l’usine Menier située dans la Plaine Saint-Denis pour soutenir la croissance des ventes de médicaments. L’industrie pharmaceutique est désormais de plus en plus le fait d’une main-d’œuvre ouvrière.

En cinquante ans, la PCF devient la première fabrique et la plus grande maison de vente de produits chimiques et pharmaceutiques français. Au début du XXe siècle, elle emploie 630 personnes, traite avec plus de 10 000 pharmaciens clients et compte 1 701 actionnaires. Mais après la Première Guerre mondiale, quand le marché pharmaceutique évolue en donnant de l’importance aux spécialités plutôt qu’aux préparations magistrales, la PCF reste figée sur ses anciennes positions et débute alors fatalement un long déclin. En 2008, la dernière usine de la PCF à La Voulte-sur-Rhône est mise en liquidation judiciaire et cédée l’année suivante par Orion Chemical qui produit toujours du sel de bismuth.

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En créant cette entreprise coopérative, Dorvault affirmait « vouloir sauver le laboratoire du pharmacien en s’appuyant sur l’industrie ». Cette logique s’inscrit clairement dans la dynamique sociale et culturelle du Second Empire autour d’un socialisme utopique. En effet, la PCF est finalement conçue comme un moyen de résister contre le pouvoir ascendant des droguistes et de leur production industrielle en défendant le monopole des pharmaciens sur la production et la distribution des médicaments. Dorvault voulait tout à la fois accompagner le mouvement d’industrialisation et défendre le maintien du laboratoire officinal contre le commerce de gros. Paradoxalement, la concentration et l’industrialisation de la production ont exigé d’importants capitaux, qui, au lieu de rallier davantage de pharmaciens au projet coopératif comme Dorvault le souhaitait, a concentré les actions dans les mains de quelques-uns.

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La PCF a néanmoins ceci de singulier qu’elle n’accepte parmi son actionnariat que des pharmaciens diplômés. Finalement, Dorvault a fondamentalement accéléré la mutation du métier de pharmacien : « De préparateur, le pharmacien se transforme en débitant de produits dont il ne maîtrise plus la fabrication. En renforçant l’industrialisation du secteur en amont, et le monopole du pharmacien en aval, l’entreprise redéfinit l’identité professionnelle du pharmacien : une activité commerciale articulée autour d’un diplôme. » On passe de « l’officine laboratoire à l’officine comptoir ».

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À propos de l’auteur
Louis du Breil

Louis du Breil

Louis du Breil est journaliste.
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