Sapmer : les défis de la pêche dans l’océan Indien

30 avril 2022

Temps de lecture : 3 minutes
Photo :
Abonnement Conflits
Abonnement Conflits

Sapmer : les défis de la pêche dans l’océan Indien

par

Langouste et légine des mers australes, thon tropical, autant d’espèces pêchées dans l’océan Indien, soit dans les eaux françaises, soit dans les eaux internationales ou dans les eaux de pays tiers. Dans cet océan entre Afrique et Asie, la pêche affronte les défis de la gestion des stocks, de la délimitation des frontières maritimes, de la concurrence des armateurs qui viennent dans ces eaux depuis l’Asie ou l’Europe en passant par le Moyen-Orient.

Du fait de ses nombreuses possessions territoriales, la France est aux premières loges des défis de la pêche, y confrontant ses autorités et ses entreprises. C’est le cas de Sapmer, fondé en 1947 à La Réunion par trois entrepreneurs désireux de faire bénéficier La Réunion des mers poissonneuses du sud de l’océan Indien. Ils arment un voilier trois-mâts pour pêcher la langouste dans les eaux des îles Saint-Paul et Amsterdam. Le début d’une aventure qui fait aujourd’hui de Sapmer une entreprise de 1 000 personnes, munie d’une flotte de 13 navires et disposant d’installations (de soutien à la flotte, de stockage ou encore de traitement des espèces pêchées) à La Réunion, en métropole, aux Seychelles et à Maurice, exportant sa pêche dans plus de 33 pays que ce soit en Asie, en Amérique ou en Europe. Sapmer est l’un des nombreux exemples de ces entreprises françaises ancrées dans un territoire et ouvertes à l’international.

Le défi des ressources et de la fraîcheur

La ressource en poisson est la raison même de l’activité. Chez Sapmer, elle se divise en deux catégories : la pêche australe et la pêche au thon tropical. Dans la première, on trouve la langouste des mers froides pêchée par le caseyeur emblématique de l’entreprise (L’Austral) et la légine, pêchée par quatre palangriers congélateurs. La pêche à la légine s’effectue à la palangre entre 500 et 1 500 mètres de fond, pour des campagnes qui durent deux mois et demi. L’activité est organisée dans les eaux françaises des TAAF, contrairement à la pêche au thon tropical, située dans les eaux internationales et les eaux des Seychelles principalement. Le thon pêché à ces latitudes tropicales impose pour en préserver toute sa qualité une maîtrise essentielle de la chaîne du froid. Les six senneurs surgélateurs de Sapmer disposent ainsi de capacité de surgélation et de stockage à – 40 °C à bord. Les thons ainsi surgelés sont ensuite, grâce à une chaîne logistique éprouvée, débarqués puis acheminés pour être préparés pour la vente auprès de clients internationaux ou bien pour de la valorisation complémentaire à terre avant la vente en produits finis à l’international également.

À lire également

Pêche : l’impossible « révolution néolithique » ?

Pour les activités australes (légine et langouste) conduites dans les eaux sous juridiction françaises, les stocks sont évalués par les scientifiques du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, qui émettent des avis et propositions de TAC (total admissible de capture) au gestionnaire des pêcheries des TAAF dont le préfet est décisionnaire. Ces TAC sont ensuite réparties en quotas par armement éligible.

Pour les activités thonières, c’est la Commission thonière de l’océan Indien (CTOI) et ses 30 pays membres qui définit les mesures de gestion et les quotas éventuellement applicables. Face aux intérêts divergents, les décisions sont difficiles à prendre et les enjeux géopolitiques peuvent supplanter les avis scientifiques. C’est ici qu’interviennent les actions des lobbies, dont les lobbies verts, très actifs au Parlement européen. En plaidant sans cesse pour la réduction des prises et l’augmentation des contraintes sur les flottes européennes, pourtant exemplaires dans leurs standards environnementaux et sociaux, sans tenir compte de la réalité des stocks et des pressions exercées par des concurrents sans aucun de ces standards et pouvant pourtant entrer librement et parfois même sans aucun droit de douane sur le marché européen, ils fragilisent les entreprises de pêche européennes mais favorisent également le dumping environnemental et social. Les flottes pêchant le thon ne disposent pas partout des mêmes standards et les contrôles et certifications ne sont pas uniformisés. Au sein même de la flotte européenne, les réglementations n’ont parfois pas toujours été respectées.

Un enjeu pour La Réunion

Après le sucre, la pêche australe est la seconde activité économique exportatrice de La Réunion et la première non subventionnée. Une grande partie de l’activité industrielle de l’île dépend des accès à la ressource qui fluctuent en fonction des quotas alloués et des captures variables suivant les conditions environnementales. Si l’entreprise a son siège, son histoire et une part importante de ses activités à La Réunion, elle a su se tourner vers l’extérieur et développer des activités complémentaires dans les îles sœurs de Maurice et des Seychelles ainsi qu’en métropole. L’essentiel du chiffre d’affaires se fait à l’exportation dont plus de la moitié en Asie et en Amérique du Nord sur des marchés fortement concurrentiels. De cette activité dépend une partie du futur de La Réunion et de la présence française dans l’océan Indien.

À lire également

La pêche : entre enjeux de souveraineté et gouvernance partagée

Mots-clefs : ,

À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.
La Lettre Conflits
3 fois par semaine

La newsletter de Conflits

Voir aussi

Pin It on Pinterest