Victoire de Milei et Macri : un frein à la « zone yuan »

21 novembre 2023

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Javier Milei Nov. 19, 2023. (AP Photo/Natacha Pisarenko)/XRM137/23323575470391//2311191702
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Victoire de Milei et Macri : un frein à la « zone yuan »

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La victoire de Javier Milei est aussi celle du bloc « dollar » contre le bloc « yuan » défendu par la Chine. Une élection présidentielle qui s’inscrit dans le cadre de la guerre des monnaies.

Emilio Martínez Cardona. Écrivain Uruguayen et Bolivien. Membre du Comité de Rédaction de la revue Problèmes d’Amérique latine.

Après ses erreurs de campagne au premier tour, où il avait stagné aux mêmes 30% du PASO (élections primaires ouvertes, simultanées et obligatoires), Javier Milei a opéré un virage vers la modération au second tour, qui a manifestement porté ses fruits. Et il ne s’agissait pas de « museler » ou de « changer de position », mais tout simplement d’utiliser plus d’arguments que de vociférations et de mettre de côté les slogans sur la vente d’organes.

L’alliance avec l’ancien président Mauricio Macri[1], qui a finalement été le grand artisan de la réinvention du libertarianisme au second tour, a également été fondamentale pour la victoire. Dans ces conditions, un gouvernement de coalition entre Libertad Avanza[2] et PRO[3] se profile, où cette deuxième force apportera la prévisibilité qui fait défaut au mileisme.

En tout état de cause, le départ du Kirchnerisme du pouvoir, dont la continuité aurait renforcé le bloc populiste autoritaire du XXIe siècle, largement dirigé depuis La Havane, est un grand soulagement pour les forces démocratiques de la région.

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Le changement de signe au sein de la Casa Rosada[4] représente également un frein aux projets de « yuanisation[5] » des économies latino-américaines promus par Pékin, qui auraient été stimulés par la victoire de Sergio Massa. De même, les présidents du Brésil et de la Bolivie, Lula da Silva et Luis Arce, ont parlé de promouvoir l’utilisation de la monnaie chinoise pour les échanges commerciaux dans la région.

Plus encore qu’auparavant, l’Argentine se concentrera sur le dollar, que le plan de dollarisation soit déployé de la manière suggérée par Milei[6] ou qu’elle suive la voie du bimonétarisme sans cours forcé, esquissée par ses alliés des PRO.

Par ailleurs, les échanges commerciaux avec la Chine se poursuivront normalement, mais l’endettement bilatéral onéreux sera évité, et la permanence de la base d' »observation spatiale » exploitée par une société gouvernementale chinoise en Patagonie, qui, selon les experts, risque d’être utilisée à des fins militaires, sera probablement réexaminée.

Une crise diplomatique avec le régime des ayatollahs, l’une des alliances les plus tristement célèbres du kirchnerisme, est également prévisible. La réouverture de l’enquête sur la mort du procureur Alberto Nisman[7], dans laquelle l’Iran pourrait être impliqué, est une question en suspens.

La victoire de l’opposition en Argentine entraînera des répercussions en Amérique du Sud, donnant de l’oxygène à la reproduction de la coalition républicaine au pouvoir en Uruguay, pays dont les élections auront lieu en 2024, et à l’articulation d’un bloc libéral en Bolivie, en vue des élections de 2025.

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[1] Président de 2015 à 2019, il est le premier à avoir été élu sur un programme de rupture avec le péronisme.

[2] Parti de Javier Milei.

[3] Parti de Mauricio Macri : Proposition républicaine.

[4] Siège de la présidence de la République d’Argentine.

[5] C’est-à-dire de développement du yuan, la monnaie chinoise.

[6] Milei veut supprimer le peso (monnaie de l’Argentine) et le remplacer par le dollar. Macri voudrait que les deux monnaies coexistent.

[7] Il est assassiné en 2015 à Buenos Aires. Il enquêtait sur les affaires de corruption de Cristina Kirchner et sur l’attentat de Buenos Aires du 18 juillet 1994. Ce jour-là, une voiture piégée explose devant le bâtiment d’une association juive faisant 85 morts et des centaines de blessés. L’Iran est soupçonné d’avoir planifié l’attentat, via le Hezbollah. Les protagonistes de son assassinat n’ont pas été retrouvés.

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