Arménie et Azerbaïdjan se sont entendus sur un traité visant à mettre un terme à la guerre qui sévit entre les deux pays. Un accord qui suscite de l’espoir et des incompréhensions.
Le 13 mars 2025, les ministères des Affaires étrangères de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan ont déclaré avoir conclu les négociations sur le texte d’un traité visant à mettre fin à près de quatre décennies de conflit.
Selon les deux gouvernements, les 17 articles d’un accord de normalisation ont été finalisés. Le texte intégral de l’accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan n’a pas été rendu public. Les informations actuellement disponibles proviennent essentiellement de déclarations officielles selon lesquelles l’accord comprend les points suivants : renonciation aux revendications territoriales, établissement de relations diplomatiques et réouverture de frontières, dissolution du Groupe de Minsk et enfin le retrait des forces tierces : les deux pays s’engagent à ne pas autoriser la présence de forces militaires étrangères le long de leur frontière commune.
Accords sur les frontières
Les derniers obstacles concernaient l’engagement légal de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan à abandonner les poursuites judiciaires internationales l’un contre l’autre, ainsi qu’un accord visant à ne pas déployer de forces tierces le long de leur frontière commune. La concession de l’Arménie sur ce dernier point pourrait marquer la fin de la mission de surveillance de l’Union européenne en Arménie (EUMA) sous sa forme actuelle, à moins qu’elle ne demeure avec un mandat révisé.
Les récents développements dans les négociations de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan marquent une avancée significative, mais il serait prématuré d’attendre un accord de paix définitif à très court terme. Malgré ces avancées, des questions cruciales restent en suspens. L’année dernière, les discussions sur le « Corridor de Zanguezour [1]» ainsi que sur la délimitation des frontières ont été séparées des pourparlers sur les autres dossiers du processus de paix et se poursuivent parallèlement et indépendamment.
Renoncer au Haut-Karabagh
Il reste un point de blocage non négligeable : l’exigence de Bakou que l’Arménie modifie sa constitution en supprimant le préambule faisant référence à la Déclaration d’indépendance de 1990 du pays, qui inclut une revendication territoriale sur le Haut-Karabakh. L’Arménie soutient que sa Cour constitutionnelle a déjà jugé cette disposition obsolète, mais l’Azerbaïdjan reste méfiant. Le problème a une dimension politique importante. Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a exprimé son désir d’apporter des modifications à la constitution, mais il risque d’apparaître aux yeux de l’opinion publique arménienne et de la diaspora comme cédant à la pression de Bakou. Le calendrier électoral rend une telle démarche politiquement délicate, avec des élections nationales prévues pour 2026 (les dernières élections ont eu lieu en juin 2021 et les prochaines devraient avoir lieu au plus tard en juin 2026). Par conséquent, la question constitutionnelle pourrait ne pas être résolue avant ces échéances.
Cependant, la dynamique diplomatique récente a injecté de l’optimisme après des mois de tensions. Des réunions de haut niveau entre responsables arméniens et azerbaïdjanais, assistés de médiateurs internationaux, ont permis d’engager un dialogue constructif. Un accord-cadre pourrait donc être signé dans les mois à venir, ouvrant la voie à un traité de paix complet.
La mise en place de l’accord
La mise en œuvre d’un accord final nécessiterait un travail logistique et des efforts politiques importants, notamment la délimitation des frontières, des mesures de confiance, le retour des personnes déplacées et la question épineuse des personnes emprisonnées et jugées par l’Azerbaïdjan. Les deux parties devront également mobiliser un soutien populaire large à ce traité, ce qui pourrait s’avérer difficile compte tenu des ressentiments historiques exacerbés par la guerre de 2020 et l’exode arménien du Karabakh en 2023.
Des espoirs de paix et de coopérations pour le Caucase
La Turquie, en particulier, pourrait jouer un rôle positif, même si elle n’est pas encore prête à autoriser une réouverture complète de la frontière et à aller plus vite que l’Azerbaïdjan. Dans un entretien accordé à des médias turcs, Nikol Pachinian a déjà signalé sa bonne volonté avec cette déclaration stupéfiante : « Il n’y a pas de vérité absolue en histoire ; toute perception de l’histoire est une perception politique. Cela est vrai en général, mais il existe des forces politiques qui possèdent leurs propres vérités absolues reconnues sur l’histoire, précisément par choix politique. Il y a des sociétés, il y a des États qui ont leurs propres vérités absolues sur l’histoire. Et cela est également indéniable. » En clair, le Premier ministre arménien fournit un effort important pour que la question du génocide arménien ne constitue plus un obstacle aux relations entre Ankara et Erevan.
Par ailleurs, les acteurs occidentaux, qui ont des intérêts stratégiques dans le projet de connectivité régionale, devraient adopter un rôle plus actif pour faciliter le dialogue et la coopération. Le « Corridor de Zanguezour » pourrait ainsi servir de moyen concret de cimenter le nouvel ordre au sud Caucase.
Une étape cruciale vient d’être franchie, mais le chemin reste long et semé d’embûches. Un engagement soutenu des anciens belligérants pourrait aboutir à une résolution durable du conflit plus que centenaire entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. La conclusion d’un accord de paix ne garantirait pas seulement la stabilité du Caucase du Sud, mais elle ouvrirait également des opportunités économiques en établissant une voie de communication terrestre entre la Chine et l’Europe.
[1] Le Corridor de Zanguezour est une route de transit à travers la région du Syunik (le sud de Arménie près de la frontière iranienne) pour connecter l’Azerbaïdjan avec le Nakhitchevan, une république autonome azerbaïdjanaise enclavée entre l’Arménie, l’Iran et la Turquie.