Attaque à la bombe au Balouchistan. Plusieurs policiers blessés et tués
Le 15 avril 2025, un attentat à la bombe a visé un bus transportant des policiers dans le district de Mastung, à une quarantaine de kilomètres au sud de Quetta, capitale de la province pakistanaise du Baloutchistan. L’attaque, probablement un engin explosif improvisé placé en bordure de route, a tué trois policiers et en a blessé seize autres, dont deux grièvement. Le bus transportait environ quarante agents. Aucun groupe n’a revendiqué l’attaque à ce stade, mais les autorités soupçonnent l’un des mouvements séparatistes baloutches actifs dans la région.
Une zone instable
Le Baloutchistan est depuis longtemps une zone instable du Pakistan. Peuplée majoritairement de Baloutches, une ethnie répartie entre le Pakistan, l’Iran et l’Afghanistan, la province est le théâtre d’une insurrection intermittente depuis les années 2000. Les groupes séparatistes y dénoncent la marginalisation économique et politique de leur population, malgré l’importance stratégique du territoire pour le pays.
Riche en ressources naturelles, le Baloutchistan possède d’importants gisements de gaz naturel (Sui), de charbon, de cuivre, de fer et d’or (notamment à Reko Diq), ainsi que des réserves de terres rares et de minéraux stratégiques. Ces ressources alimentent des projets d’infrastructure majeurs, en particulier dans le cadre du Corridor économique Chine–Pakistan (CPEC), pierre angulaire des nouvelles routes de la soie chinoises. Le port en eau profonde de Gwadar, situé sur la mer d’Arabie, constitue un point d’entrée crucial pour Pékin vers le Golfe et l’océan Indien.
Ce positionnement met le Baloutchistan au cœur de rivalités régionales. L’Iran, qui partage une longue frontière avec la province pakistanaise, suit de près les événements de l’autre côté de la frontière, en raison de sa propre minorité baloutche, concentrée dans la province du Sistan-et-Baloutchistan. Téhéran est régulièrement confronté à des attaques de groupes armés baloutches, certains soupçonnés d’opérer depuis le territoire pakistanais. De ce fait, la coopération sécuritaire entre l’Iran et le Pakistan reste fragile et sujette à des tensions ponctuelles.
Par ailleurs, les autorités pakistanaises soupçonnent certains groupes séparatistes baloutches d’entretenir des liens avec des puissances extérieures, ce qui complexifie considérablement la réponse sécuritaire de l’État. Le plus souvent, ces accusations visent l’Inde, que les responsables pakistanais accusent régulièrement de financer ou de soutenir logistiquement les insurgés via ses services de renseignement, notamment le Research and Analysis Wing (RAW). Ces allégations sont anciennes mais ont été ravivées à la suite de l’arrestation en 2016 de Kulbhushan Jadhav, ancien officier de la marine indienne accusé d’espionnage et d’activités de sabotage au Baloutchistan. Bien que New Delhi ait nié toute implication, cet épisode alimente, côté pakistanais, une rhétorique persistante sur un “complot extérieur” visant à déstabiliser les zones frontalières stratégiques, en particulier celles traversées par le CPEC.
La diaspora
À cela s’ajoutent les réseaux de la diaspora baloutche, notamment en Europe (Royaume-Uni, Allemagne, Norvège) et en Amérique du Nord, qui participent à des campagnes internationales de sensibilisation sur les droits humains au Baloutchistan et, selon Islamabad, pourraient également servir de relais financiers ou politiques à certains groupes insurgés. Si ces accusations demeurent difficiles à prouver de manière concluante, elles alimentent un climat de suspicion et de justification sécuritaire dans les cercles dirigeants pakistanais.
De son côté, l’Iran suit avec inquiétude la montée des violences au Baloutchistan pakistanais. La province frontalière du Sistan-et-Baloutchistan iranien abrite une importante population baloutche sunnite, culturellement proche de celle du Pakistan, mais marginalisée sur le plan socio-économique et religieux dans un État majoritairement chiite. Téhéran a été confronté à plusieurs attaques sur son sol attribuées à des groupes armés baloutches tels que Jaish al-Adl, parfois accusés par l’Iran de bénéficier d’une base arrière en territoire pakistanais. Cette configuration rend toute instabilité durable au Baloutchistan pakistanais potentiellement contagieuse : une escalade du séparatisme de part et d’autre de la frontière pourrait éroder davantage le contrôle étatique iranien dans cette région périphérique.
C’est pourquoi l’Iran et le Pakistan coopèrent de manière intermittente en matière de sécurité frontalière, tout en se soupçonnant mutuellement de laxisme, voire de duplicité. Ainsi, les tensions dans le Baloutchistan ne peuvent être comprises uniquement à l’échelle intérieure : elles s’inscrivent dans un échiquier régional plus large, où les logiques de rivalité, d’instrumentalisation et de contagion sécuritaire rendent toute stabilisation plus difficile à atteindre.