La violence politique est constante aux Etats-Unis. Analyse à travers des cartes et à travers le temps.
Article paru dans le no56 – Trump renverse la table
L’arrivée au pouvoir d’une nouvelle administration offre une bonne occasion de faire le point sur l’état de la violence politique aux États-Unis. Malgré une énorme bibliographie, peu nombreux sont les travaux qui s’attachent à fournir une sorte de diagnostic d’ensemble de la question. À cet égard, cette contribution actualise partiellement une étude géographique parue en 2009, également fondée sur la Global Terrorism Database[1], et dont les conclusions sont largement similaires aux observations que l’on peut faire à partir des documents que nous présentons ici.
Trois constats majeurs s’imposent concernant la distribution et la temporalité de la violence politique aux États-Unis.
D’abord, contrairement à une opinion assez répandue, la violence politique et le terrorisme sont des composantes permanentes de la réalité étatsunienne. Ce fait, dont l’histogramme qui représente les actes répertoriés comme terroristes entre 1970 et 2021 rend bien compte, se manifeste d’abord par un déclin très net après 1971, avec la fin des attentats d’extrême gauche (Weathermen, etc.) et raciaux (principalement les Black Panthers). Ensuite, on a jusqu’en 2021 une moyenne d’une cinquantaine d’actes par an, avec des oscillations qui correspondent au surgissement et au déclin des diverses causes motivationnelles dont il sera question plus loin. Il est également à noter que cette violence est relativement peu meurtrière, avec seulement deux cas dépassant les 50 morts (environ 3 000 morts à New York le 11 septembre 2001 et 169 morts à Oklahoma City le 19 avril 1995).
Ensuite, la distribution des actes est remarquable, car elle épouse les grandes lignes de la géographie du peuplement du pays. Certes, comme il faut s’y attendre, une prééminence des grandes agglomérations est évidente, elle correspond à la nature urbaine du terrorisme, mais l’incidence non négligeable des cas ruraux et de l’Amérique profonde attire l’attention.
Car enfin, et c’est là un élément explicatif important, au fil des ans les motivations de la violence (et donc les lieux où elle se produit) varient. Ainsi, après les campagnes d’attentats gauchistes, on aura des attaques venant des intégristes chrétiens contre des cliniques pratiquant l’avortement, des actions de la Ligue de défense juive, l’écoterrorisme des écologistes radicaux et des animalistes et, à partir du début des années 1990, diverses variantes d’islamisme djihadiste[2].
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En réponse à cette menace permanente, quoique de faible intensité, un dispositif antiterroriste de plus en plus intrusif a vu le jour, notamment après 2001, sans modifier toutefois l’allure des tendances générales exposées ici.
[1] J. J. Webb ; S. L. Cutter, « The Geography of U.S. Terrorist Incidents, 1970-2004 », Terrorism and Political Violence, vol. 21, n° 3, 2009, p. 428-449.
[2] Voir : C. Hewitt, Understanding Terrorism in America, Routledge, London/New York, 2003.