27 ans de prison contre Jair Bolsonaro, l’ancien président brésilien. Ses partisans y voient un coup d’État contre l’opposition, ses opposants une victoire de la justice. Dans tous les cas, le Brésil se révèle fracturé et ne semble pas parvenir à dépasser ses antagonismes.
Le Tribunal suprême fédéral brésilien a condamné ce jeudi l’ancien président conservateur Jair Bolsonaro, âgé de 70 ans, à une peine de 27 ans et trois mois de prison pour tentative de coup d’État. Par une décision prise à 4 contre 1, les juges ont reconnu Jair Bolsonaro coupable d’avoir cherché à assurer son « maintien autoritaire au pouvoir » et d’avoir été le chef d’une « organisation criminelle » destinée à atteindre cet objectif à la suite de l’élection perdue en 2022 face au président actuel, Luiz Inácio Lula da Silva.
Cette décision s’inscrit dans un contexte de fracture sociale, mais vient aussi attiser les tensions entre Brasilia et Washington, Donald Trump y voyant le symbole d’une chasse aux sorcières menée contre la droite à l’échelle mondiale.
Opération « Poignard vert et jaune »
En novembre 2024, à l’occasion de la tenue du G20 à Rio de Janeiro, la police brésilienne procédait à l’arrestation de quatre militaires et d’un policier soupçonnés d’avoir fomenté un coup d’État afin de permettre le maintien au pouvoir de Jair Bolsonaro. L’opération « Poignard vert et jaune », nommée ainsi en référence aux couleurs nationales du Brésil, prévoyait l’assassinat du président da Silva, mais également celui de Geradlo Alckmin, vice-président, et du juge du Tribunal suprême fédéral Alexandre de Moraes. L’opération reposait sur un plan élaboré par le général Mário Fernandes, présenté comme un proche de l’ancien président.
Les avocats assurant la défense de Jair Bolsonaro, qui clame son innocence, ont déclaré que leur client n’avait eu aucune connaissance de ce plan et qu’il s’agissait d’une initiative du général concerné. La chronologie rapportée des évènements rend cependant cette version des faits délicate à défendre. Le général Fernandes a rédigé puis imprimé le plan le 9 novembre 2022 à 17h au palais présidentiel de Brasilia, le Palácio do Planalto. À 17h48, il s’est rendu au Palácio da Alvorada, résidence présidentielle également située à Brasilia. Bien que le général Fernandes ait nié que quiconque ait pu avoir connaissance du plan, (« Je l’ai bien imprimé, mais uniquement par habitude, je préfère ne pas lire de longs documents à l’écran »), le juge de Moraes a déclaré que l’implication de Jair Bolsonaro avait était « largement établie » [1]. Le juge Luiz Fux a cependant voté en faveur d’un acquittement au motif qu’aucune preuve ne permettrait de relier l’ancien-président à l’organisation du coup d’État.
Une société fracturée, Donald Trump irrité
Cette décision polarise l’opinion brésilienne. La composition du panel des juges suscite la controverse, en partie en raison de la présence d’Alexandre de Moraes, directement visé par le complot. Les avocats de Jair Bolsonaro avaient demandé, sans succès, la récusation de ce dernier[2]. Le profil de deux autres juges vient nourrir les doutes des partisans de Bolsonaro quant à l’impartialité de la procédure. Flávio Dino était en effet l’ancien ministre de la Justice de da Silva, le juge Cristiano Zanin était son conseiller juridique.
La société brésilienne a réagi diversement au verdict. Les soutiens de l’ancien président parlent ainsi d’un procès « politique »[3] quand son fils, Flávio Bolsonaro, dénonce un procès « dont tout le monde connaissait le résultat avant qu’il ne commence », une « suprême persécution »[4]. Le journal O Estado de Sao Paolo estime au contraire que le jugement constitue « un grand honneur » pour la démocratie brésilienne[5]. Le président chilien, Gabriel Boric, a quant à lui estimé que la « démocratie en ressortait renforcée »[6].
La réaction la plus attendue était probablement celle du président américain Donald Trump. Considérant le procès comme une « chasse aux sorcières » révélatrice d’une campagne judiciaire menée contre la droite à l’échelle mondiale, le républicain avait fixé des droits de douane à hauteur de 50% sur les exportations brésiliennes. L’administration américaine avait également retiré le visa du juge de Moraes et de certains membres de son entourage et de sa famille. Donald Trump avait également évoqué l’hypothèse de sanctions supplémentaires si cette « exécution politique » devait se confirmer. Une menace de nouveau brandie par Marco Rubio, le secrétaire d’État américain, qui déclarait après avoir pris connaissance de la décision du Tribunal que « les États-Unis réagiront en conséquence à cette chasse aux sorcières »[7].
Alors que les conseils de Jair Bolsonaro disposent d’un délai de cinq jours à compter de la publication du jugement pour faire appel[8], des députés de l’opposition tentent de faire adopter une loi d’amnistie[9].
[1] https://www.wsj.com/world/americas/two-presidents-one-assassination-plot-brazils-trial-of-the-century-3d7c5fb7?mod=Searchresults&pos=3&page=1
[2] https://www.ft.com/content/f07c7a49-b876-4008-9d38-bdde1a5795a5
[3] https://www.lefigaro.fr/international/bresil-la-majorite-des-juges-de-la-cour-supreme-en-faveur-d-une-condamnation-de-jair-bolsonaro-20250911
[4] https://www.lemonde.fr/international/article/2025/09/11/bresil-une-majorite-des-juges-de-la-cour-supreme-vote-pour-condamner-l-ancien-president-jair-bolsonaro_6640471_3210.html
[5] https://www.france24.com/en/tv-shows/press-review/20250912-bolsonaro-s-sentencing-excessive-or-a-triumph-for-brazilian-democracy
[6] https://www.theguardian.com/world/2025/sep/12/brazilians-take-to-the-streets-to-celebrate-bolsonaro-conviction
[7] https://www.ft.com/content/f07c7a49-b876-4008-9d38-bdde1a5795a5
[8] https://www.lesechos.fr/monde/ameriques/jair-bolsonaro-condamne-a-27-ans-de-prison-pour-tentative-de-coup-detat-2185816
[9] https://www.lefigaro.fr/international/bresil-la-majorite-des-juges-de-la-cour-supreme-en-faveur-d-une-condamnation-de-jair-bolsonaro-20250911