Combien de fois l’Église catholique aurait dû disparaître. Avec la mort de son fondateur, à Jérusalem ; avec celle de ses principaux apôtres, Pierre et Paul, à Rome ; avec le schisme arien, apparu à Alexandrie ; avec les grandes invasions des Vikings au nord et celles des Arabes, au sud ; avec l’invasion de Rome par Napoléon et la déportation du pape ; ou face aux régimes totalitaires. L’histoire de l’Église est ponctuée de martyrs et de saints, de persécutions et de victoires mais, deux mille ans après, elle est toujours là.
Article paru dans le N60 de Conflits. Vatican : La puissance du temps long.
Terre de Rome. Non seulement présente, mais surtout fondatrice. Le christianisme a fusionné la Grèce, Jérusalem et Rome pour produire une civilisation originale qui a renouvelé et approfondi les apports des auteurs grecs et bibliques. En mettant son siège à Rome, capitale de l’Empire romain et ville de la mort de Pierre, l’Église s’est installée au cœur d’un empire qu’elle a renouvelé et perpétué. Depuis cette terre de Rome, les chrétiens ont façonné l’Europe et l’Occident d’aujourd’hui, tant dans les arts, la politique, le droit que l’économie. Les grandes expéditions ont non seulement exporté Rome dans le monde, mais, en diffusant la foi chrétienne, elles ont propagé le christianisme et sa civilisation. C’est la terre de Rome à l’échelle mondiale.

Un garde suisse se tient sur la place Saint-Pierre, cité du Vatican. Novembre 2025. (C) SIPA
« Aucune institution ne dure deux mille ans si elle n’a pas le sens du combat »
Regards vers Rome. La mort du pape François fut un événement planétaire, qui toucha beaucoup plus que la sphère chrétienne. À ses funérailles étaient présents tous les grands de ce monde, y compris des dignitaires non chrétiens, en faisant une grande réunion diplomatique. Comme Jean-Paul II avant lui, la mort de François fut l’occasion d’une réunion internationale que le pape seul peut produire. Puis, dans une séquence de près d’un mois, survint le conclave et son déroulement médiéval, qui intrigue et fascine. La liturgie romaine, faite de grandeur et de simplicité, de couleurs et de chants, associe des gestes, des paroles, des postures héritées de Rome et de Byzance. Quand le nouveau pape Léon XIV fut officiellement intronisé, il portait la férule de Paul VI, symbole du bon pasteur, le pallium aux croix noires, serties d’épingles, symbole de son pouvoir et de sa charge, un anneau à la main droite, l’anneau du pêcheur, symbole de son autorité et de sa juridiction. Tout, dans les vêtements, les couleurs, les objets, est symbole et chacun d’eux dispose d’une signification qui renvoie à la longue histoire antique et médiévale. Par ces vêtements portés, ce pape du xxie siècle se rattachait ainsi à la longue suite de ses prédécesseurs, aux empereurs romains, aux rois d’Israël. Une forêt de signes et de symboles qu’il revient de décrypter et de connaître pour comprendre le rôle et le poids du Saint-Siège dans les relations internationales et la géopolitique mondiale.
Poids de Rome. Le Saint-Siège est ainsi l’un des États au monde qui a le plus de relations diplomatiques. Il dispose de relais d’influence et d’informations dans toutes les régions mondiales, des mégapoles aux villages reculés. Le pape peut se rendre dans des pays et des zones où certains chefs d’État occidentaux ne se risquent pas. François s’est rendu en Irak, où il rencontra l’un des hauts dignitaires chiites, en Mongolie, pour visiter la très petite communauté catholique, et il œuvra pour le rapprochement diplomatique entre Cuba et les États-Unis. Le pape n’est pas l’aumônier de l’Occident. Bien que son siège soit à Rome, il parle pour tous les hommes et à tous les hommes, sans exclusive politique et religieuse. C’est cette neutralité active qui lui donne un poids diplomatique hors du commun, faisant de Rome un lieu d’échanges, de discussions et de rencontres. Ce poids est parfois lourd à porter tant on attend d’un pape une parole qui pourrait mettre un terme à la guerre et édifier la paix. La répétition de la dénonciation des atrocités de la guerre a quelque chose de désespérant. Le pape peut parler aux hommes, mais il ne peut pas changer la nature humaine. Mais c’est cette parole, cette connaissance du monde, ce détachement des affaires immédiates qui lui donnent cette influence incomparable qui continue à faire de Rome la ville au cœur du monde.








