<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Congo RDC : l’énorme impasse

1 novembre 2019

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Tchukudus, des scooters artisanaux en bois permettant généralement aux fermiers de transporter leurs récoles. Goma, Kivu du nord, Congo. Auteurs : Joe Dordo Brnobic/Solent /SIPA Numéro de reportage : 00925260_000012
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Congo RDC : l’énorme impasse

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Entre l’échec de la transition démocratique et les difficultés topographiques, le Congo semble être dans une impasse.

En 1994, le géographe Roland Pourtier pouvait encore placer son analyse du Congo RDC sous un titre rempli d’espérance, « Zaïre, l’immensité des possibles ». Depuis ce temps, ni la mort de Mobutu, ni celle de Laurent-Désiré Kabila, ni l’effroyable bilan de la guerre civile (1996-1998), ni les rébellions armées qui ont agité la présidence de Joseph Kabila (2001-2018) n’ont répondu au développement dont cet immense pays de 2,4 millions de km2 semblait contenir la promesse. Prisonnier de ses fragilités politiques, économiques et sociales, affichant l’un des IDH les plus faibles du monde (0,45), le Congo-Kinshasa semble désormais installé, pour ses 95 millions d’habitants, dans une énorme impasse.

Une transition de pacotille

L’espoir aurait pu venir par le haut de l’élite politique congolaise. Mais le pays sort d’une transition démocratique de façade qui a ravivé les tensions et les violences au sein de la société. Joseph Kabila devait quitter le pouvoir en 2016. Au lieu de cela, sous des prétextes fallacieux, les élections ont été reportées deux années durant et ont finalement permis au clan Kabila de s’accorder avec son adversaire, Félix Tshisekedi, pour se maintenir au pouvoir. De nombreuses et sérieuses réserves ont été émises sur l’intégrité du processus électoral par l’Église congolaise, comme par les observateurs étrangers, notamment français : les uns comme les autres laissent penser que les manœuvres de la Commission électorale auraient permis d’éliminer l’outsider, Martin Fayulu. L’exécutif congolais est donc, depuis décembre 2018, aux mains d’une coalition opportuniste qui peut afficher la transition politique bien qu’elle en fasse l’économie. Fils d’Étienne Tshisekedi, Premier ministre de Mobutu, Félix Tshisekedi préside désormais aux destinées du pays pour les cinq années à venir et, sous pression du clan Kabila, devra compter avec un Premier ministre coutumier du palais de la présidence pour avoir été responsable de plusieurs portefeuilles sous Mobutu puis sous Kabila, Sylvestre Ilunga. Formé à la fin du mois d’août, son gouvernement, composé de 66 ministres, laisse penser que « la politique du ventre », cette culture de la prédation dans les responsabilités politiques, a encore de beaux jours devant elle.

L’État fantôme

Pourtant, le pays ne pourra souffrir plus longtemps des insuffisances de l’État. Cet immense territoire, deuxième pays le plus vaste du continent après l’Algérie, installé dans un bassin forestier difficile d’accès et commandé depuis Kinshasa par une capitale excentrée, est travaillé par des logiques d’enclavement profondes et par des forces centrifuges qui le placent régulièrement au bord de l’implosion.

L’État fantôme n’a pas réglé pour le moment les insuffisances du réseau routier : les routes goudronnées, praticables même en saison des pluies, forment un réseau éparpillé et bien modeste qui s’oppose à la mise en valeur cohérente du territoire comme à l’unité politique du pays. Seules les régions minières du Kivu, à l’est, et du Katanga, au sud, bénéficient de corridors facilitant l’exportation des ressources convoitées par les pays voisins, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, mais surtout par la Chine, devenue désormais le premier partenaire économique du pays.

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Les conséquences de l’État fantôme sont plus graves encore sur le terrain sécuritaire. Les milices et groupes armés insurrectionnels sont loin d’avoir déposé les armes au nord comme à l’est du pays. De l’Ituri au Sud-Kivu, régions frontalières des Grands Lacs où les richesses minières abondent et où les mouvements de réfugiés venus des pays voisins, très importants ces trente dernières années, entretiennent la confusion, l’armée congolaise peine à restaurer l’autorité de l’État. Sa politique de la terre brûlée fait des victimes collatérales, comme l’Église catholique qui déplore des intrusions régulières de l’armée dans ses lieux de culte, et nourrit le ressentiment d’où éclosent de nouveaux groupes armés.

Une société exsangue

Enfin, sous la rhétorique optimiste des élites du pays, la société congolaise semble en réalité exsangue. La poussée urbaine spectaculaire de Kinshasa (1 million d’habitants en 1970, 17 millions aujourd’hui), qui place dans un face-à-face ubuesque une jeunesse nombreuse et désœuvrée et une classe politique figée et corrompue, illustre de façon tragique l’énorme impasse dans laquelle se trouve plongé le Congo RDC.

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À propos de l’auteur
Ambroise Tournyol du Clos

Ambroise Tournyol du Clos

Agrégé d’histoire, Ambroise Tournyol du Clos est professeur au lycée Claude Lebois de Saint-Chamond.
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