Développement : quand Dubaï mise sur Andry Rajoelina et Madagascar

5 novembre 2024

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : SOCHI, RUSSIA - OCTOBER 22, 2019: Andry Rajoelina en 2019.

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Développement : quand Dubaï mise sur Andry Rajoelina et Madagascar

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Entre sommets communs, ouvertures d’ambassades et investissements par milliards de dollars, les relations entre les Emirats arabes unis et Madagascar n’ont jamais été aussi prolifiques que depuis le début du second mandat d’Andry Rajoelina. Dernier signal fort attestant de ce rapprochement : la participation d’une importante délégation émiratie à la première édition du Forum du Programme d’échanges d’Expériences Gouvernementales (GEEP), qui s’est tenue le 25 octobre à Antananarivo.

Après Londres et Paris, Antananarivo serait-elle la nouvelle terre d’élection des investisseurs du Golfe ? Les relations entre Madagascar et les Émirat arabes unis (EAU) ont en effet connu, ces derniers mois, une nette accélération, les dirigeants des deux pays multipliant voyages, rencontres de travail et annonces communes. Une coopération bilatérale sur laquelle semblent beaucoup miser les diplomaties malgache et émiratie, et qui se nourrit de chaudes déclarations d’amitié, de gestes hautement symboliques et d’avancées concrètes.

Des relations diplomatiques au beau fixe

La plus notable est sans doute l’ouverture, courant septembre, d’une première ligne aérienne opérée par Emirates entre Dubaï et Antananarivo. Véritable joyau du soft power des Émirats à travers le monde, la prestigieuse compagnie émiratie avait initialement tablé sur quatre vols par semaine. Avant d’annoncer, face au succès de l’initiative, un cinquième vol hebdomadaire entre les deux pays, rendu nécessaire par les taux de remplissage des avions reliant la capitale économique des EAU à la Grande Île. Un succès qui n’a pas échappé à Mohammed Alabbar, président-fondateur du groupe Emaar, renommé pour avoir été un des grands acteurs de la montée en gamme de Dubaï, et développeur du fameux Burj Khalifa, le plus haut gratte-ciel du monde. M. Alabbar a en effet  multiplié les visites ces derniers mois, et aurait décidé d’investir dans le formidable potentiel touristique du pays.

Des initiatives qui impliquent aussi la diplomatie.  A l’occasion d’un déplacement aux EAU en marge du World Governments Summit 2024, le président malgache, Andry Rajoelina, a en février dernier transmis une lettre au ministre émirati des Affaires étrangères formalisant la demande d’ouverture d’une ambassade de Madagascar à Abu Dhabi. En retour, le chef d’État malgache s’est officiellement vu remettre, à la fin du mois d’août, les lettres de créances du tout premier ambassadeur des EAU à Madagascar, le docteur Salim Ibrahim Bin Ahmed Mohamed Alnaqbi. Un signe, parmi bien d’autres, des attentes que les deux pays placent dans le renforcement de leurs relations.

Les EAU aident Madagascar à devenir « la vitrine du développement africain »

Mais l’entente entre deux pays n’est pas qu’affaire de symboles ; elle se nourrit d’actes, de promesses… et bien évidemment d’argent. Invité d’honneur du sommet Annual Investment Meeting (AIM) tenu à Abu Dhabi, Andry Rajoelina a en mai dernier invité la communauté d’investisseurs émiratie à miser sur les nombreuses opportunités ouvertes à Madagascar. Un message semble-t-il reçu cinq sur cinq par les intéressés, si l’on en juge par l’importance de la délégation émiratie (dirigée par le vice-ministre Abdulla Nasser Lootah) qui s’est rendue le 25 octobre à Antananarivo pour assister à la première édition du Forum du Programme d’échanges d’Expériences Gouvernementales (GEEP).

L’occasion pour les officiels des deux pays d’échanger autour de préoccupations stratégiques et très concrètes pour le développement de la Grande Île : énergies renouvelables, éducation, transformation agricole, tourisme durable, innovation, technologies, amélioration de la gestion de l’État, etc. Et pour le président malgache d’affirmer que les EAU « incarnent un modèle de développement économique planétaire. La transformation d’un désert en métropole économique mondiale […] prouve qu’avec une vision […] on peut transformer un rêve en réalité ».

« Nous avons besoin de partenariats solides avec les EAU », a appuyé Andry Rajoelina à l’occasion de ce même forum, « pour que Madagascar devienne la vitrine du développement africain », notamment dans les domaines des services publics, de la technologie et des politiques publiques. Un volontarisme pleinement encouragé par le vice-ministre émirati des Echanges, qui avait fait le déplacement à Antananarivo et selon qui « Madagascar est l’un des pays les plus stratégiques pour le programme d’échanges initié par les EAU ».

Dix milliards de dollars investis par les EAU sur la Grande Île

Des promesses aux actes, il n’y a qu’un pas que les deux pays s’empressent de franchir. Afin de soutenir l’État malgache dans la réalisation des trois piliers du développement que sont le capital humain, l’industrialisation et la bonne gouvernance, les autorités émiraties prévoiraient ainsi d’investir pas moins de dix milliards de dollars à Madagascar. Une enveloppe colossale, dont les crédits pourraient être affectés, par exemple, à la construction de la centrale hydroélectrique de Sahofika : un projet structurant dans un pays où sept habitants sur dix n’ont pas accès à l’électricité, dont le développement sera assuré par la société émiratie MASDAR.

Les investissements émiratis pourraient également financer des projets de réhabilitation des routes, de construction d’infrastructures, de production de sucre, de protection du littoral ou encore de raffinage local d’or. Mais aussi bénéficier à des projets dans la haute technologie, la cybersécurité, la gestion de l’eau, l’éducation ou l’agriculture. De quoi faire dire au ministre émirati des Echanges que « nous sommes engagés à travailler avec nos amis ici, pour moderniser les opérations gouvernementales, assurer une meilleure efficacité, améliorer les services publics et améliorer la vie de la population ».

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À propos de l’auteur
Helena Voulkovski

Helena Voulkovski

Helena Voulkovski travaille sur les risques pays pour un cabinet international d’assurances.

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