Une biographie du troisième Dumas pour comprendre la vie de cet écrivain et la vie intellectuelle de son temps.
Le troisième Dumas, de Thérèse Charles-Vallin – Éditions La BisquineL
Cette biographie consacrée à l’auteur de La Dame aux camélias est la cinquième des recensions que je consacre à Thérèse Charles-Vallin qui s’est consacrée à ce genre exigeant depuis plus de 20 ans.
En 2017, la parution des biographies croisées d’Abdelkader et du duc d’Aumale, sur fond de conquête de l’Algérie, avait permis de découvrir un auteur exigeant, associant une belle élégance de plume et un corpus scientifique solide. Cela s’était poursuivi en 2020 avec Thérèsia/Robespierre et en 2022 avec les Chénier.
Cette biographie du troisième Dumas, écrivain comme son père, et petit-fils du général – les trois Dumas portent le même prénom, Alexandre –, confirme la maîtrise du genre par Thérèse Charles – Vallin. Le troisième Dumas est évidemment le personnage central de cette biographie, mais comme pour ses précédentes publications, l’auteur remonte très en amont pour comprendre l’environnement intellectuel dont l’académicien de cette dynastie est issu.
Sans parler du général Dumas, dont le nom a été choisi pour servir dans l’armée française, il faut lire avec beaucoup d’attention les pages consacrées aux relations entre Dumas père, l’auteur des trois mousquetaires, et le fils. Elles sont visiblement complexes, surtout lorsque des femmes dans l’entourage du père cherchent à éloigner le fils. À l’évidence, Madame Ida semble peu appréciée par son beau-fils.
Une vie d’écrivain
Au passage, lors du voyage en secondes noces d’Alexandre Dumas en Italie Dumas père entretient d’excellentes relations avec le compositeur Rossini, mais au-delà de la musique, c’est plutôt la gastronomie qui fait le lien entre les deux hommes. On pourra trouver page 39 une recette de macaronis avec une sauce associant jambon cru, truffes et parmesan, qui semble avoir été l’étendard culinaire de Rossini. On ne dit rien par contre du tournedos éponyme sur lequel, nous l’espérons, Thérèse Charles Vallin saura nous apporter les éclaircissements nécessaires.
En attendant, les relations entre le père et le fils se dégradent, même si le succès du père ne se dément pas, aussi bien au niveau littéraire qu’au niveau financier. Pour autant Alexandre Dumas (père) ne sera jamais élu à l’Académie française.
Pendant ce temps le fils fait la fête, consomme quelques paradis artificiels, avec le club des consommateurs de haschisch dans lequel il rencontre Baudelaire et Delacroix, Gérard de Nerval et Flaubert, Balzac et Baudelaire, entre autres. C’est pourtant à la même époque que le père confie au fils la rédaction de quelques pièces littéraires, qu’il signera de son nom, mais dont les revenus permettront de calmer les créanciers du jeune Alexandre.
C’est évidemment le cadre dans lequel le roman et le drame de la dame aux camélias a été rédigé qui retient l’attention, et le personnage de cette demie mondaine, Alphonsine Plessis qui se faisait appeler Marie Duplessis, est évidemment central.
Courtisane entretenue, Marie Duplessis suscite pourtant la passion du jeune Alexandre. Elle n’en demeure pas moins la maîtresse d’un certain nombre d’hommes en vue, qui lui permettent un certain train de vie. La rupture aura pourtant lieu entre les deux amants, à l’initiative de Dumas fils, à la fin de l’été 1845. La courtisane meurt en 1847, alors que les deux Dumas reviennent d’un voyage en Algérie, nouvellement conquise.
C’est au retour de ce voyage, et alors qu’il fait dans une certaine mesure le bilan de cette passion amoureuse qu’il rédige la Dame aux camélias, mais également la Dame aux perles, tandis que l’ombre de la Dame de Nohant, George Sand, commence à se manifester dans la vie du jeune écrivain.
Le succès est au rendez-vous, mais au-delà de la place occupée dans le Tout-Paris, c’est peut-être au niveau de la réflexion sur la question de la femme qu’Alexandre Dumas fils s’inscrit dans une incontestable modernité. L’influence de George Sand sera évidemment déterminante, même si les actrices qui ont joué ces pièces ont occupé dans cette évolution une place essentielle. Progressivement ces textes revendiquent haut et fort la liberté pour les femmes, comme en 1877 avec la préface de Monsieur Alphonse dans laquelle il affirme : « nous voulons liberté pour nous, nous sommes forcés de le vouloir pour la femme et elle passera par toutes les portes que nous aurons ouvertes ou enfoncées. Le sexe féminin n’est pas un sexe faible. Il n’a pas si grand besoin qu’on le protège ; il peut se conduire, se surveiller, se protéger lui-même ; il n’a besoin pour cela que de l’éducation qui lui convie, qu’il est digne de recevoir, qu’il est capable de mettre à profit et qu’il est grand temps qu’on lui donne. »
C’est sans doute cet aspect qui est le plus déterminant dans cette nouvelle biographie de Thérèse Charles-Vallin qui a su, comme à son habitude, trouver dans les personnages qu’elle a pu présenter des éléments d’une surprenante modernité. Il y avait la tolérance dans les biographies croisées d’Abdelkader et du duc d’Aumale, la rationalité chez Theresia/Robespierre, on rencontre chez le troisième Dumas un goût de liberté que l’on peut savourer.