Élections honduriennes de 2025 : la fin d’une illusion et le retour du pragmatisme conservateur

25 décembre 2025

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Presidential candidate Nasry Asfura of the National Party arrives to his party's headquarters in Tegucigalpa, Honduras, Wednesday, Dec. 10, 2025. (AP Photo/Moises Castillo)/XMC101/25344769493822//2512102230

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Élections honduriennes de 2025 : la fin d’une illusion et le retour du pragmatisme conservateur

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L’élection générale du 30 novembre 2025 a marqué un nouveau revirement dans l’histoire politique du Honduras. Quatre ans après l’arrivée au pouvoir de la gauche de refondation incarnée par le parti LIBRE, le pays a en effet choisi un retour à droite, sous l’effet conjugué de la désillusion économique, de l’usure du pouvoir, de scandales internes et d’une ingérence étrangère inédite. Décryptage d’un basculement aux lourdes conséquences nationales et régionales.

La rupture de 2025 : une alternance sous haute tension

L’élection présidentielle de 2025 n’a pas seulement renouvelé les élites politiques au Honduras. Elle a acté l’échec du projet porté par la présidente Xiomara Castro (LIBRE), élue en 2021 sur la promesse de rompre avec la « narco-dictature » mise en place, selon elle par le Parti national (PNH) et de refonder l’État. Avec 19,2 % des suffrages seulement pour sa dauphine Rixi Moncada cette année, le parti LIBRE a subi une déroute historique, tandis que le Parti National a retrouvé le pouvoir par l’entremise de Nasry Asfura.

Ce basculement traduit une fatigue profonde de l’électorat face à un discours révolutionnaire jugé inefficace dans un pays où l’urgence sociale, la sécurité et la stabilité économique priment désormais sur les promesses idéologiques.

Un bilan gouvernemental miné par l’économie et la corruption

Sur le plan économique, l’administration Castro a tenté de conjuguer rhétorique anti-néolibérale après la présidence très controversée de Juan Orlando Hernández (2014-2022) et contraintes structurelles. Les subventions à l’énergie et aux carburants lancées par la dirigeante n’ont pas empêché l’érosion du pouvoir d’achat, tandis que l’incertitude fiscale liée à la Loi sur la Justice fiscale a refroidi l’investissement privé. La gestion de l’entreprise publique ENEE (Empresa Nacional de Energía Eléctrica) est restée emblématique des limites de l’action gouvernementale : infrastructures vétustes, délestages fréquents et promesses non tenues.

Plus grave encore, l’échec de la mise en place de la Commission internationale contre l’Impunité au Honduras (CICIH), pourtant présentée comme la pierre angulaire de la lutte contre la corruption et les abus de pouvoir, a profondément déçu la société civile et les classes moyennes urbaines. Aux yeux de nombreux électeurs, LIBRE est passé du statut de solution à celui de problème supplémentaire.

Sécurité et népotisme : le double piège

Face à la violence des maras (gangs violents qui touchent une grande partie de l’Amérique centrale), la présidence Xiomara Castro a instauré un état d’exception inspiré du modèle du président salvadorien, Nayib Bukele. Si la mesure a d’abord rassuré, sa prolongation sans résultats spectaculaires a accentué les critiques, tant à droite qu’au sein des organisations de défense des droits humains.

Parallèlement, la concentration du pouvoir autour du clan (surnommé el Familión, soit « la grande famille ») formé par la cheffe de l’État et son époux, Manuel Zelaya (2006-2009), ancien président renversé par un coup d’État, a fracturé le camp présidentiel. Cette perception de népotisme a sapé la crédibilité morale d’un gouvernement élu pour tourner la page des pratiques du passé.

Trois candidats, trois visions irréconciliables

Le scrutin présidentiel de 2025 a opposé trois trajectoires politiques distinctes. Pour le Parti national Nasry « Tito » Asfura, ancien maire de la capitale, Tegucigalpa, a incarné un pragmatisme rassurant, promettant sécurité, investissement et retour à une alliance stratégique avec les États-Unis d’Amérique.

De son côté, Salvador Nasralla (premier vice-président du Honduras de 2022 à 2024 avec Xiomara Castro) s’est rallié au Parti libéral et a misé sur un discours technocratique et anticorruption tout en défendant un ralliement clair à Taïwan dans la dispute diplomatique qui oppose ce pays à la République populaire de Chine.

La dauphine de Castro, Rixi Moncada (ancienne secrétaire à la Défense nationale), enfin a assumé une ligne idéologique dure, défendant l’approfondissement du projet socialiste de son prédécesseur malgré un contexte économique défavorable.

L’onde de choc Trump et la grâce accordée à Juan Orlando Hernández

L’élection hondurienne de 2025 a également été marquée par l’intervention directe du président américain Donald Trump, qui a cherché à donner un coup de pouce décisif au PNH dans le scrutin. De fait, la grâce accordée à l’ex-président Juan Orlando Hernández, condamné aux États-Unis pour trafic de drogue en 2024, a bouleversé le récit politique local. En qualifiant cette condamnation de « montage », le locataire de la Maison-Blanche a en effet fragilisé le principal argument moral de la gauche hondurienne et mobilisé un électorat conservateur en quête de réhabilitation.

Son soutien explicite à Nasry Asfura a aussi transformé le scrutin en référendum sur la relation avec Washington, facteur déterminant dans un pays dépendant des remesas (transferts financiers provenant de ses émigrés aux États-Unis) et de la coopération sécuritaire américaine.

Une élection fragilisée par le chaos institutionnel

Au-delà des choix politiques des uns et des autres, le processus électoral hondurien a été terni par la débâcle du Conseil national électoral (CNE). Pannes du système de transmission des résultats (et notamment du TREP, méthode d’annonce anticipée desdits résultats), absence de communication officielle pendant vingt-sept longues heures et dépouillement manuel sous tension ont nourri soupçons et désinformation, avec un cortège de manifestations et mobilisations plus ou moins nourries. La victoire finale de Nasry Asfura (40,26 %), acquise avec moins de 1 % d’avance sur Salvador Nasralla (39,54 %), lui confère certes une légitimité juridique, mais aussi une fragilité politique immédiate. C’est particulièrement le cas dans un pays où l’élection présidentielle ne se joue qu’à un seul tour et que c’est le candidat arrivé en tête, quel que soit l’écart avec son premier rival, qui est proclamé chef de l’État.

Un nouvel équilibre régional

Quoi qu’il en soit, la victoire du Parti National inscrit le Honduras dans une dynamique régionale marquée par le recul de la gauche et l’affirmation d’une droite décomplexée. Aux côtés du Salvador (Nayib Bukele), de l’Argentine (Javier Milei), du Chili (José Antonio Kast) ou encore de la Bolivie (Rodrigo Paz), pour ne citer que quelques exemples récents, Tegucigalpa pourrait privilégier la sécurité, le libéralisme économique et l’alignement stratégique avec Washington, au détriment des forums régionaux promus par la gauche latino-américaine.

La question de la relation avec la Chine et Taïwan, ouverte par la reconnaissance de Pékin comme seule dépositaire de la légitimité chinoise sous la présidence de Xiomara Castro, reste un des dossiers les plus sensibles du nouveau mandat qui devrait normalement s’ouvrir de manière officielle le 27 janvier 2026.

Un pays à stabiliser plus qu’à refonder

Au lendemain de Noël 2025, le Honduras ne célèbre donc pas une refondation, comme avec le parti LIBRE, mais espère plus que tout une stabilisation. Le rejet massif de Rixi Moncada sanctionne quatre années de promesses non tenues et de contradictions internes. Pour Nasry Asfura, le défi est immense, puisqu’il lui faut gouverner un pays divisé, restaurer la crédibilité institutionnelle et répondre à des attentes sociales pressantes, le tout dans un contexte géopolitique où le Honduras demeure un acteur périphérique, mais stratégique au sein de l’isthme centre-américain.

L’alternance hondurienne de 2025 n’a pas refermé les fractures. Elle a simplement ouvert un nouveau chapitre, plus pragmatique, mais tout aussi incertain.

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À propos de l’auteur
Nicolas Klein

Nicolas Klein

Nicolas Klein est agrégé d'espagnol et ancien élève de l'ENS Lyon. Il est professeur en classes préparatoires. Il est l'auteur de Rupture de ban - L'Espagne face à la crise (Perspectives libres, 2017) et de la traduction d'Al-Andalus: l'invention d'un mythe - La réalité historique de l'Espagne des trois cultures, de Serafín Fanjul (L'Artilleur, 2017).

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