Livre – Atlas des Etats-Unis. Un colosse aux pieds d’argile

2 mars 2021

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Livre – Atlas des Etats-Unis. Un colosse aux pieds d’argile

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Sortie en janvier, cette deuxième édition de l’Atlas des États-Unis, imprimée cinq ans après la première, tombe à point nommé, juste au moment de l’inauguration  de Joe Biden. Éloquents sont ces deux sous-titres : le pays peut-il se réinventer ? et l’ Amérique  fait -elle encore rêver ? Ce sont bien là deux des objectifs du nouvel occupant de la Maison Blanche.

 

Bien entendu les dernières péripéties de la bien inhabituelle présidence de Donald Trump n’ont pu être prises en compte. Mais bien  des « maux » du système social et politique sont passés en revue. On savait que les États-Unis étaient une Gun Nation, un pays armé jusqu’aux dents, avec 270 millions d’armes en circulation, chiffre qui depuis doit approcher les 300 millions ! On connaissait bien l’importance du complexe carcéral américain, sous-produit de la violence, mais précisons qu’avec plus de 2,2 millions d’ Américains derrière les barreaux, le pays  des « libertés » compte le quart de la population carcérale mondiale ! Opinion politique polarisée, renforcement des extrêmes politiques, démocratie en panne autant de tendances profondes qui nous ont sauté aux yeux. Si l’Amérique est riche ( 65 100$ de PIB/PPA en 2019  au quatrième rang derrière l’Irlande, la Suisse, et la Norvège, si l’on exclut les micro États), elle reste très inégalitaire, ces inégalités étant accentuées selon l’appartenance ethnique. Ainsi le patrimoine net des Asiatiques en 2017, de 157 400 $, plus élevé que celui des Blancs (136 400 $) est seize fois plus élevé que celui des Noirs (9600 $).En feuilletant cet Atlas qui contient tant de cartes, schémas et encarts on est  frappé par une série de  faits ou de données. Les victimes du Covid-19 ont ainsi dépassé celles de la Seconde guerre mondiale (405 500). Avec 4,25% de la population mondiale en 2020, les États-Unis consomment 17,5% de l’énergie mondiale. Bien qu’ils ne soient plus le premier consommateur mondial d’énergie, la Chine les ayant dépassés en 2011, ils restent le premier consommateur de pétrole avec 20%.

Les relations sino-américaines : une Amérique prédominante

Qu’en est-il des facteurs de puissance, puisque l’affrontement sino-américain en cours portera largement sur les technologies d’avenir et l’innovation ? On appelle les « activités avancées » tout ce qui infuse les secteurs de l’économie (logiciels où  ils occupent le premier rang mondial, mais aussi automobile, avec Tesla, devenu la première capitalisation mondiale dépassant Amazon, aéronautique, biotechnologies, on l’a vu avec les vaccins, la santé, en passant par l’énergie, General Electric). Ce secteur, qui représente 9% de l’emploi (20% avec les emplois induits) réalise 17% du PIB. Au sein de ce secteur d’innovation les universités américaines, encore de loin les plus performantes et attractives du monde occupent une place à part, et occupent aussi beaucoup d’espace !

Stanford, situé proche de la Silicon Valley s’étend sur un campus de 33 km2 que l’on peut comparer à Monaco (9,3 km2) ou Tuvalu, (26  km2) dans le Pacifique, un des plus petits Etats du monde qui dispose d’un siège à l’ONU et dont le revenu annuel de 45 millions de $ est bien inférieur aux revenus annuels de bien des dirigeants de hedge fund de Wall Street. Quant à Google, qui n’emploie que 114 000 personnes, elle est en train de construire un nouveau siège (Googleplex) plus large que le Pentagone, qui passe pour l’un des plus grands édifices du monde. Qui gagnera la course au gigantisme ? La Chine en effet, n’a pas dit son dernier mot. Toutefois, le poids de l’armée américaine reste considérable. Son budget, dont ils ne donnent que le chiffre de 2018, 649 milliards de $ est 2,6 fois plus important que celui de la Chine, et représente 38% des dépenses mondiales. Depuis, il a atteint les 706 milliards de $. Les chiffres donnent parfois le tournis : les 513 bases militaires, réparties sur le sol américain s’étendent sur 10 000 km2, 1% du territoire, une superficie supérieure à une bonne trentaine d’États ! A elle seule la base de Fort Bragg s’étend sur 650 km2, elle rassemble 110 000  personnes, dont 57 000 militaires actifs. Pourtant la part de la défense dans le PIB reste contenue, 3,2%, bien loin  des recors de l’ Arabie Saoudite (8,8%), Oman ( 8,2%) Algérie ( 5,3%), Koweït (5,1%), Liban ( 5%). De même les États-Unis ne dépassent que d’une courte tête la France en terme du nombre de militaires pour 1000 habitants (4 contre 3) loin derrière les records mondiaux : Érythrée (50), Corée du Nord (50), Israël (19), Soudan du Sud (17) et Brunei (17). Contrairement à une idée reçue, le déploiement à l’étranger ne concerne qu’une minorité des forces actives et diminue depuis 2010 : 177 000 militaires américains (13,5% en 2019). On verra si Joe Biden suivra son prédécesseur sur la voie de leur diminution, surtout en Allemagne, où la base aérienne de Ramstein , dans le district de Kaiserlautern avec plus de 9000 soldats est le plus  grand site en dehors du sol américain.

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On  trouvera finalement peu de choses sur la politique extérieure des États-Unis. Une entrée sur la diplomatie de Trump, dont certains acquis demeureront, quoiqu’on en dise : antagonisme avec la Chine, pacte    d’Abraham, reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël. L’immigration restera au cœur des relations avec le Mexique, même si depuis 2015 les flux se sont inversés : il y a plus de départs de Mexicains des États-Unis que d’entrées, mais 36 millions d’Américains se déclarent d’origine mexicaine, et 11,2 millions de résidents en ont la nationalité. On verra si les relations avec Cuba reprendront.

L’ Amérique fait-elle donc toujours rêver, ou sa culture et ses valeurs sont elles en perte de prestige ? Sur ce point, le débat reste ouvert. Joe Biden, le représentant d’une génération qui a été pétrie par la conviction d’un exceptionnalisme américain, y croit fermement. La tâche à accomplir reste immense, mais pas impossible, d’autant plus qu’il est aidé par le comportement trop affirmatif et individualiste de la Chine.

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À propos de l’auteur
Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.

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