A la suite d’un entretien réalisé avec des forestiers, nous publions un autre article, qui apporte d’autres points de vue sur les forêts, afin de contribuer au débat et à la réflexion.
Une forêt n’a pas besoin d’être exploitée pour exister
Votre article ouvre sur l’idée que la forêt doit être « entretenue, aménagée, protégée ». Si cela peut s’entendre pour des forêts d’exploitation, cela ne vaut pas pour les forêts naturelles, qui savent évoluer, se régénérer, s’adapter sans intervention humaine. La présentation selon laquelle les forestiers seraient les seuls à assurer l’avenir des forêts est scientifiquement infondée et idéologiquement orientée.
Les ONG ne sont pas contre les forestiers, elles dénoncent des pratiques destructrices
Vous relayez l’idée que les associations s’en prendraient aveuglément aux forestiers. C’est faux. Ce que dénoncent les ONG et les collectifs citoyens, ce sont des pratiques industrielles lourdes, comme les coupes rases suivies de monocultures résineuses, l’usage de pesticides, ou encore l’accaparement de la parole publique par certains acteurs économiques.
Nombreux sont les techniciens forestiers, scientifiques et même propriétaires privés qui soutiennent cette critique légitime. Des organisations comme le Réseau pour les Alternatives Forestières, ASKAFOR, INRAE, ou encore le GDR Sylva, rassemblent des experts dont la compétence ne peut être balayée par l’accusation de militantisme idéologique.
Non, la filière n’est pas aussi encadrée qu’on le prétend
Contrairement à ce qu’affirme M. Bazin, les infractions au Code forestier sont fréquentes : coupes non déclarées, défaut d’affichage réglementaire, saucissonnage de chantiers pour éviter les procédures d’autorisation, abus de requalification de peuplements pour bénéficier de subventions à la plantation.
Nous pourrions citer de nombreux cas documentés, en particulier dans des départements comme la Dordogne, la Creuse, ou le Limousin.
Une économie subventionnée et spéculative
Votre article ne remet jamais en question les mécanismes de subvention qui accompagnent certaines pratiques industrielles. À titre d’exemple, un projet de coupe rase à Vaunac (24), sur 5 hectares, permet à une coopérative de raser un taillis et de planter du pin maritime, tout en touchant jusqu’à 80% de subventions, et de vendre des crédits carbone avant même que la plantation ne soit achevée. Cela mérite un minimum d’investigation.
Le cas de la Creuse : protéger, ce n’est pas saboter
Concernant l’action menée en Creuse pour stopper une coupe, vos interlocuteurs parlent de « manipulateurs » et de « préméditation nuisible ». Or, il s’agissait d’une intervention légale visant à protéger une forêt de feuillus abritant des espèces protégées. L’association Canopée a publié une vidéo transparente et documentée de cette action. Loin de nuire, elle a permis d’alerter sur un chantier problématique. Accuser des citoyens de manipulation sans apporter la moindre preuve est non seulement diffamatoire, mais indigne du débat démocratique.
Du bois d’œuvre ? Non, du bois énergie
Enfin, affirmer que le bois exploité sert à la construction ou à la transition écologique est une généralisation trompeuse. Dans de nombreux cas, le bois coupé part en bois énergie, avec des impacts carbone très discutables, comme l’ont démontré plusieurs études récentes. Brûler du bois n’est pas neutre pour le climat, surtout quand il provient de coupes rases de forêts vivantes.
Muriel Simon
Co-présidente
SOS FORÊT Dordogne