Guinée : une nouvelle Constitution dans les mains des citoyens

31 juillet 2025

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : CONAKRY //CHINENOUVELLE_XxjpbeE007088_20250429_PEPFN0A001/Credit:CHINE NOUVELLE/SIPA/2504290831

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Guinée : une nouvelle Constitution dans les mains des citoyens

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Au terme d’un processus consultatif de plusieurs mois, un comité d’experts a présenté un projet de Constitution proposant un certain nombre d’innovations et gravant dans le marbre le principe de l’alternance démocratique. Le texte sera soumis à référendum en septembre avant, si le « oui » l’emporte, d’ouvrir la voie à un nouveau processus électoral.

Comment ramener l’ordre constitutionnel dans une Guinée qui n’a, depuis son indépendance de la France en 1958, connu qu’une suite ininterrompue de régimes autoritaires ? Après le renversement, en 2021, d’Alpha Condé, le pays n’a désormais d’autre choix que de se forger une nouvelle Constitution. Une incontournable étape institutionnelle pour espérer, enfin, tirer un trait sur des décennies de dérives autocratiques. Mais aussi pour accélérer le développement de ce pays riche en matières premières, mais à la pauvreté endémique. Et acter la transition d’un modèle post-colonial vers une véritable démocratie moderne.

Les Guinéens appelés aux urnes

Tout un programme. Au terme de travaux et consultations s’étant déroulés sur plusieurs mois, un comité d’experts (composé de sociologues, juristes et politologues) a remis, le 26 juin dernier, un projet de Constitution au président de la transition, le général Mamadi Doumbouya. C’est ce dernier qui, depuis le coup d’État de septembre 2021, assure de facto la direction du pays au cours de la période de transition. Celle-ci étant arrivée à son terme depuis la fin de l’année 2024, la junte militaire se prépare donc, conformément à ses engagements auprès de la communauté internationale – et avec, certes, quelques mois de retard sur le calendrier initial –, à transférer le pouvoir à un président élu.

Encore faut-il, préalablement à ce scrutin présidentiel qui devrait se tenir d’ici à la fin de l’année, que la Guinée se dote entre temps d’une loi fondamentale précisant les modalités de cette élection, comme les prérogatives du futur président et des autres pouvoirs (législatifs et judiciaires). Pour ce faire, les Guinéens seront appelés, le 21 septembre prochain, à se prononcer par voie de référendum sur le projet de Constitution. Avec deux scrutins majeurs prévus en quelques mois, 2025 sera donc une « année électorale cruciale pour parachever le retour à l’ordre constitutionnel », s’est félicité le général Mamadi Doumbouya lors de ses derniers vœux à la Nation.

Préserver les acquis du passé et offrir de nouvelles avancées

Que contient ce texte constitutionnel ? Principale innovation, le projet de Constitution prévoit dans son article 44 le passage du mandat présidentiel de cinq à sept ans, renouvelable une seule fois : l’adoption du septennat est présentée comme l’assurance de pouvoir inscrire les politiques et réformes structurelles dans le temps long. L’article 3 de la nouvelle loi fondamentale réaffirme, quant à lui, le principe d’alternance démocratique. L’article 91 instaure un Parlement bicaméral, avec la création d’un Sénat renforçant la représentativité territoriale. Enfin, l’article 193 inscrit dans le marbre constitutionnel certains principes fondamentaux comme la forme républicaine, la laïcité, le pluralisme politique et syndical ou encore la séparation des pouvoirs.

D’autres avancées sont à relever. Ainsi de la création d’une Haute Cour de justice à même de juger les présidents et membres du gouvernement. De l’obligation de compter au moins 30% de femmes aux postes électifs. Ou encore de l’intégration de droits fondamentaux, tels que la couverture maladie universelle et l’éducation obligatoire jusqu’à 17 ans. En somme, la nouvelle Constitution guinéenne conservera, si elle est adoptée par les citoyens le 21 septembre prochain, les acquis du passé tout en adaptant le cadre institutionnel du pays aux réalités contemporaines. Autant de progrès qui n’ont pas semblé satisfaire les opposants au général Doumbouya, qui ont condamné le texte avant même qu’il ne soit révélé en détail.

Un texte qui met tous les Guinéens à égalité devant l’élection

Les critiques des opposants guinéens se concentrent sur deux aspects en particulier : le passage du quinquennat au septennat, présenté par les rédacteurs du projet de Constitution comme nécessaire à la conduite de réformes d’envergure, et l’ouverture à une possible candidature du général à la future élection présidentielle. Publiée quelques mois après le départ d’Alpha Condé, la Charte de la transition stipulait en effet qu’aucun membre des organes de transition ne pouvait se présenter « ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la transition ». Cette disposition n’étant pas reprise dans le projet de Constitution – et pourquoi le serait-elle, les deux textes n’ayant ni les mêmes auteurs, ni les mêmes objectifs, ni surtout la même nature ? –, certains suspectent Doumbouya de souhaiter concourir à la présidentielle.

De fait, rien n’empêche le général de se présenter, comme tout Guinéen remplissant les conditions d’âge et de résidence fixées dans la loi fondamentale. Contrairement à ce qu’affirment certains de ses adversaires, aucune disposition du texte soumis à référendum n’avantage, de quelque manière que ce soit, Mamadi Doumbouya par rapport à n’importe quel autre candidat putatif. L’intéressé n’est, par ailleurs, à l’heure actuelle, candidat à aucune fonction. « Reconnaissant (le) droit légitime (de l’opposition) de s’exprimer », le gouvernement s’est contenté, dans un communiqué publié le 17 juillet, de « réaffirmer son engagement irréversible pour un retour démocratique et stable à l’ordre constitutionnel ». Dont acte.

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À propos de l’auteur
Etienne de Floirac

Etienne de Floirac

Étienne de Floirac est journaliste

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