La pensée et l’action de Donald Trump ne viennent pas de nulle part. Elles s’appuient notamment sur des principes édictés par certains de ses prédécesseurs, notamment la doctrine Monroe.
Article paru dans le no56 – Trump renverse la table
Le 47e président des États-Unis a souvent cité certains de ses prédécesseurs comme modèles. Ainsi, lors de sa première mandature (2017-2021), Donald Trump parlait volontiers du 7e président des États-Unis, Andrew Jackson (1829-1837), considéré comme le fondateur du populisme américain, se présentant comme le champion des « gens ordinaires » contre les élites politiques et économiques. Pendant sa campagne de 2016, Trump a fait référence à Jackson comme une source d’inspiration. En 2017, il a placé un portrait de Jackson dans le Bureau ovale, symbolisant leur similitude en termes de style populiste et d’opposition aux élites.
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Le 20 janvier 2025, dans son discours d’investiture, Donald Trump a rendu hommage à William McKinley (1843-1901), 25e président des États-Unis, annonçant qu’il allait « restaurer le nom d’un grand président, William McKinley, qui nous a rendus très riches », en redonnant son nom au plus haut sommet des États-Unis, en Alaska, qui culmine à 6 190 mètres d’altitude[1]. On peut en effet voir des similitudes dans les actions des deux présidents au niveau du protectionnisme et du nationalisme économique, de l’expansion économique internationale et, peut-être surtout, le fait que McKinley était le champion de l’augmentation des droits de douane. Aujourd’hui, lorsque Donald Trump affiche nettement ses prétentions sur le Canada, le Groenland et le canal de Panama, peut-on dire qu’il s’inspire de la célèbre doctrine Monroe, du nom de James Monroe (1758-1831), 5e président des États-Unis ?
La doctrine Monroe
Le 2 décembre 1823, devant le congrès, James Monroe déclarait : « Aux Européens, le Vieux Continent, aux Américains, le Nouveau Monde. » Ainsi donc, il y a environ deux cents ans que le président Monroe a prononcé son allocution, coécrite avec le secrétaire d’État John Quincy Adams. Il fixe pour la première fois, sans aucune concertation préalable avec les pays concernés, la politique des États-Unis envers toute forme de menace émanant d’une puissance extérieure au continent et vise à protéger l’hémisphère occidental des ingérences européennes. Cette doctrine repose sur deux principes clés : l’opposition à l’intervention européenne, mais aussi que les États-Unis ne se mêleront pas des affaires européennes tant que ces puissances ne tentent pas de s’étendre ou d’influencer les pays d’Amérique. La doctrine Monroe sera utilisée par la suite pour justifier diverses interventions américaines en Amérique latine et dans les Caraïbes. Il y aura une extension de la doctrine Monroe qui est le corollaire Roosevelt, énoncé par Theodore Roosevelt en 1904. Il visait à justifier et à renforcer l’intervention des États-Unis en Amérique latine et dans les Caraïbes afin de maintenir l’ordre et de stabiliser la région. Le corollaire est né dans un contexte où les États-Unis cherchaient à éviter que des puissances européennes ne se mêlent des affaires de l’hémisphère occidental, en particulier en raison de dettes impayées de certains pays latino-américains.
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La doctrine Monroe réactualisée ?
En 1845, le journaliste John L. O’Sullivan utilise le terme « destinée manifeste » (Manifest Destiny). Il écrivait alors que les États-Unis étaient destinés par la Providence à annexer tout le territoire entre l’Atlantique et le Pacifique, avec trois principes : expansion territoriale moralement justifiée, supériorité culturelle (démocratie et économie) et mission divine (« civilisation des territoires et des populations »). Bien que la destinée manifeste soit historiquement liée au xixe siècle, on peut retrouver certaines de ces idées dans le slogan « Make America Great Again ». Mais c’est bien la doctrine Monroe réactualisée qui prévaut aujourd’hui. Alors que l’idée de destinée manifeste semble sans limites, la doctrine Monroe s’applique, a priori, au seul continent américain. Les États-Unis de Donald Trump entendent rester maîtres de leur zone d’influence autour de chez eux, d’abord et avant tout au nom de leur sécurité. L’idée de l’exceptionnalisme américain continue d’influencer les visions politiques des nouveaux dirigeants américains, adaptées aux enjeux contemporains., plus particulièrement en matière de tech et d’intelligence artificielle. À partir de là, existe-t-il une vraie stratégie géopolitique ? Il semble qu’on ait plus affaire à des dealmakers qu’à des diplomates confirmés. L’impact est donc difficile à cerner, mais il sera brutal. Tout dépendra des réactions des autres pays concernés et en particulier l’Union européenne.
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William McKinley
William McKinley, né le 29 janvier 1843 à Niles (Ohio) et mort assassiné le 14 septembre 1901 à Buffalo (État de New York). 25e président des États-Unis. Il était un fervent défenseur du protectionnisme. Il croyait que les tarifs douaniers élevés protégeraient l’industrie américaine et favoriseraient la croissance économique. Sous sa présidence, le Dingley Tariff Act (1897) a instauré les droits de douane les plus élevés de l’histoire américaine à cette époque. Pendant son mandat, McKinley a défendu les intérêts des ouvriers et des industries américaines en affirmant que des politiques protectionnistes créeraient des emplois et soutiendraient la classe ouvrière. Sous McKinley, les États-Unis ont commencé à jouer un rôle plus important sur la scène mondiale, notamment après la victoire dans la guerre hispano-américaine (1898), qui a marqué le début de l’expansion impériale américaine (Philippines, Porto Rico, Guam, etc.). Son successeur fut son vice-président Theodore Roosevelt (1901-1909), qui augmentera la présence américaine sur la scène mondiale.
Containment
En 1947, le diplomate George Kennan (1904-2005) propose une doctrine dite de containment (endiguement) visant à limiter l’expansion et l’influence de l’Union soviétique pendant la guerre froide sans déclencher une guerre totale. Le « bouclier » nord-américain peut être considéré comme un élément du containment contre les Russes, même si certaines positions de Donald Trump à ce sujet peuvent paraître ambivalentes.
En ce qui concerne la Chine, la guerre commerciale avec Pékin, le soutien aux alliés régionaux (Japon, Corée du Sud, Philippines) en Asie-Pacifique, et la position ferme sur la question de Taïwan peuvent être vus comme des actions visant à limiter l’influence croissante de la Chine.
Bien que Donald Trump ne suive pas explicitement le containment de Kennan, ses actions en matière de politique étrangère vis-à-vis de la Russie et de la Chine montrent une certaine continuité dans l’idée de limiter l’influence des puissances rivales, même si les approches et les motivations peuvent différer.
[1] Le sommet de l’Alaska a été officiellement nommé McKinley en 1917. En 2015, Barack Obama l’a débaptisé pour le nommer Denali, en référence aux tribus d’origine en Alaska. Donald Trump a donc décidé de lui redonner le nom de l’ancien président.