<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La pharma suisse.  Les ressorts d’un miracle économique

20 juin 2021

Temps de lecture : 11 minutes
Photo : Daniel Vasella, Chairman and CEO of Swiss pharmaceutical maker Novartis. (AP Photo/Keystone, Georgios Kefalas)/SWITZERLAND_NOVARTIS_BAS113/0703061345
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La pharma suisse. Les ressorts d’un miracle économique

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Avec une valorisation boursière de 328 milliards de dollars, on sait Nestlé être la première société européenne, et 21e mondiale. On sait moins deux autres sociétés suisses, Roche, 26e mondiale (289 milliards de dollars) et Novartis, 38e (216 milliards de dollars) talonner le groupe agro-alimentaire. Tant qu’à s’intéresser à la Suisse, mieux vaut donc s’intéresser à son tissu industriel et retenir le poids non de son secteur bancaire, mais de la pharmacie, déterminant comme on va le voir. 

 

Question chiffres, la pharma suisse donne le tournis. En 2018, avec une croissance annuelle de 9,1 %, l’industrie pharmaceutique pesait 62,1 milliards de francs, soit 9,3 % du PIB suisse. Avec 88 milliards de francs, ses exportations représentaient 38 % du total des exportations suisses (233 milliards de francs). En 2018, la valeur ajoutée de la pharma s’élevait à 36 milliards de francs, multipliée par quatre en vingt ans, une valeur ajoutée de 808 000 francs par poste de travail, et une productivité en hausse régulière de 5,9 % par an, lors de la dernière décennie. La pharma se targue d’être cinq fois plus productive que le reste de l’économie suisse. Au cœur du dynamisme de la pharma, on trouve la R&D et la contribution des hautes écoles (universités, instituts de recherche publics).

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Une implantation géographiquement diversifiée

 

En 2018, la pharma suisse employait directement 46 800 personnes. Dans les secteurs clés de l’innovation et de la recherche, 27 200 personnes ont une formation universitaire. Avec 9 500 ingénieurs, la pharma est le premier secteur R&D de Suisse. En agrégeant les secteurs gravitant dans sa galaxie, elle emploie en Suisse près de 207 000 personnes. Installée en Suisse depuis plus de cent cinquante ans, Novartis, dont le siège est à Bâle, est active dans plus de 140 pays. Sur les 109 000 collaborateurs du groupe, 12 200 sont installés en Suisse, dans ses huit filiales : Bâle, Argovie, Fribourg, Genève, Locarno (Tessin), Zoug et Zurich. Installée à Bâle, active dans plus de 100 pays, Roche (97 000 collaborateurs, dont 10 000 à Bâle) est la première société mondiale de biotech, leader dans les domaines de l’oncologie, l’immunologie, les maladies infectieuses. Même si Bâle est le grand pôle de la pharma en Suisse, en raison du poids des deux géants mentionnés, leurs filiales, fournisseurs et concurrents se répartissent de manière équilibrée entre trois régions. Bâle et la région alentour, qui regroupe Bâle-Ville, Bâle-Campagne, une partie du Jura et les régions du Fricktal et Dorneck-Thierstein, sont le centre névralgique de la pharma suisse. S’y croisent 22 000 personnes directement rattachées à cette industrie. Dans le sillage des deux géants, Bâle recense encore 50 sociétés axées sur les sciences de la vie. 

Le deuxième pôle se concentre autour de Zurich, Zoug, Lucerne et Schaffhausen. S’y sont établis des laboratoires rattachés à AbbVie, Amgen, AstraZeneca, Bayer, Biogen, Janssen, Merck, Pfizer, Sanofi, Takeda, liste longue à laquelle il faut ajouter les filiales des deux géants suisses. Dans la région de Zoug, on recense pas moins de 300 sociétés (8 500 personnes) actives dans le secteur de la pharmacie et des sciences de la vie.

Vient ensuite l’espace Mittelland-Bassin lémanique, soit les cantons de Berne, Fribourg, Neuchâtel, Solothurn, ainsi que le canton de Vaud. On y trouve les branches suisses de Biogen, Bristol-Myers Squibb, Eli Lilly, GlaxoSmithKline, Merck, Sanofi, Takeda, UCB et Vifor Pharma. Les effectifs concernés tournent autour de 6 100 personnes. Enfin, on mentionnera le Tessin, où se sont développées de nombreuses PME liées à la pharma, ainsi que le Valais, dont les médias ont découvert qu’à Viège étaient fabriqués des composants essentiels à la production des vaccins contre la Covid-19.

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Une attractivité fiscale incontestable

 

Pourquoi la Suisse, territoire enclavé et pays longtemps pauvre, est-elle ainsi devenue, tout comme la région de Boston-Cambridge et celle de la baie de San Francisco, un centre mondial de la pharma ? Un centre dynamique qui plus est, et non un décor Potemkine ou un port franc fiscal, comme en témoignent les effectifs affectés à cette activité. À cela, plusieurs raisons. 

Soit Bâle, capitale de la pharma helvétique. Aujourd’hui, la ville est une conurbation de 750 000 habitants, idéalement placée entre les frontières allemande et française, à cheval sur l’ultime partie navigable du Rhin. Mais quantité d’autres villes bénéficient d’un accès fluvial. Il faut donc chercher ailleurs les raisons de l’implantation de la big pharma sur le territoire suisse. Une première raison souvent invoquée est la stabilité politique du pays. Il est vrai que depuis 1959, année où les Suisses optent pour un exécutif fédéral collégial dans lequel cohabitent les quatre principales parties du pays, la Suisse vit au rythme débonnaire d’une démocratie apaisée. Pour les entreprises, le gouvernement de concordance, dit encore formule magique, leur a certes ouvert un avenir marqué par la stabilité politique, mais, surtout, qui dit stabilité politique dit également stabilité fiscale. 

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De longue date, la Suisse est adepte d’une politique fiscale modérée. Avec un impôt moyen sur les sociétés de 17,1 %, la Suisse se place en deuxième position sur le podium européen, derrière l’Irlande à la première place (12,5 %). À titre de comparaison, la Grande-Bretagne affiche un taux d’IS de 19 %, la Suède 21,4 %, l’Allemagne 30 % et la France 31 %. À cet avantage comparatif, celui de l’imposition des personnalités morales, s’en ajoute un second : celui des quotes-parts fiscales (recettes fiscales auxquelles s’ajoutent les contributions de sécurité sociale en pourcentage du PIB). Avec un taux de 27,9 %, la Suisse présente la charge fiscale la plus faible d’Europe continentale, loin devant la Grande-Bretagne (33,5 %), l’Espagne (34,4 %) ou l’Allemagne (38,2 %). Impôts stables, charges sociales sous contrôle : à cette étape du benchmarking, voilà de sérieux arguments militant en faveur d’un établissement en Suisse. 

 

La concurrence fiscale ? Oui, d’abord intercantonale

 

Politique fiscale d’autant plus modérée et sous contrôle que la Confédération helvétique est constituée de 26 cantons qui chacun, chose mal connue à l’étranger, dispose d’une grande latitude en matière fiscale, notamment pour ce qui touche aux taux d’impôts sur les bénéfices. Quand Paris ou Bruxelles reprochent à leur voisin helvétique son dumping fiscal, Paris et Bruxelles se trompent. Ces autorités n’ont pas compris que la Suisse était un État fédéral où, principe de subsidiarité oblige, chaque canton agit comme un État souverain, fixant, selon les compétences qui lui reviennent, ses taux d’imposition, non en relation avec ce que se pratique à Londres, Paris ou Rome, mais par rapport au canton voisin. Pris dans l’étau de la concurrence fiscale, une concurrence fiscale d’immédiate proximité, les taux suisses d’imposition des sociétés demeurent bas, eu égard à ce qui ce pratique à l’étranger. Surtout, la concurrence intracantonale est un gage de stabilité fiscale : aucun canton ne manipule à sa guise ses taux sous risque de voir les entreprises déménager vers des cieux plus cléments. Mieux : si, en matière de fiscalité, les 26 cantons se tiennent à la culotte, les 2 222 communes s’adonnent à une même concurrence. En 2017, l’impôt sur les bénéfices (personnes morales) se partageait à raison de 50 % pour la Confédération, 32 % pour les cantons, 18 % pour les communes. C’est dire le poids de ces dernières. S’estimant fiscalement maltraitées, des sociétés ont ainsi déménagé leurs activités de quelques kilomètres (voir plus loin). Un avertissement que les édiles communaux ont à l’esprit au moment du vote de leur budget : les entreprises sont mobiles et ont démontré qu’elles faisaient leurs cartons si besoin était. 

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Les niveaux de salaires en Suisse sont stratosphériques. Avec un salaire médian de 6 502 francs suisses (5 698 euros) en 2020, la Suisse est sans conteste l’Eldorado européen. Attractifs, ces salaires attirent les meilleurs, notamment chercheurs et ingénieurs, et les retiennent. Régulé au niveau des entreprises, le marché du travail offre encore la particularité d’être souple. La Suisse bénéficie d’un « accès non bureaucratique à un vaste réseau d’experts, de professionnels spécialisés et de cadres dirigeants étrangers ». Les conventions collectives du travail (CCT) qu’organisent les articles 356 à 358 du Code des obligations sont pour la plupart conclues pour une durée limitée et assortie d’une clause de paix sociale imposable aux deux parties contractantes. Sa souplesse, le marché du travail suisse l’a ainsi montrée quand, en 2012, Novartis est revenu sur sa décision de fermer son site de Prangins dans le canton de Vaud, annulant par là même les 320 licenciements annoncés. En contrepartie, la moitié des personnels acceptait de passer d’un rythme hebdomadaire de travail de 37,30 à 40 heures, et à un rythme de rotation des équipes plus astreignant, l’autre moitié étant déjà soumise à la semaine de 40 heures. À quoi s’ajoutait une micro-diète salariale : l’augmentation de 1,5 % négociée dans la CCT était rognée de 0,25 %. Les autorités vaudoises n’étaient pas en reste, elles consentaient en effet à Novartis un allégement temporaire non dévoilé, ainsi que la revalorisation des terrains sur lesquels la société bâloise était installée. Où l’on voit donc que les syndicats de salariés et les autorités cantonales savent faire preuve de pragmatisme. Où l’on voit aussi que Novartis tient à sa présence en Suisse. 

 

Des talents venus de partout

 

Productivité élevée, souplesse réglementaire, pragmatisme des collaborateurs, fiscalité modérée, facilités de communications, restait l’essentiel : les talents. Certes, ils sont achetables et les niveaux de salaires suisses sont attractifs au point de les attirer des quatre coins du globe. Mais l’industrie du médicament ne saurait fonctionner avec le seul talent de mercenaires, ingénieurs, médecins ou chimistes, se posant à Bâle le temps d’une expérience. La pharma est une activité à temps long, d’une imprévisibilité quasi complète. En 2015, la division pharmaceutique de Novartis conduisait de front 140 programmes de recherche et un demi-millier d’essais cliniques. Ambitieux, ces chantiers peuvent annoncer une thérapie miracle, mais, dans l’immense majorité des cas, ils débouchent sur des échecs répétés. La formule est connue : sur 10 000 molécules testées, une seule donne naissance à un médicament mis sur le marché. Dans la pharmacie, on travaille donc sur le temps long avec des équipes larges et diversifiées. Et surtout bien formées à chacune des étapes de la longue entreprise de recherche et tâtonnements, depuis le laborantin appliqué à respecter les formules, jusqu’au docteur en chimie qui travaille sur les mélanges. Et sur le terrain crucial de la main-d’œuvre qualifiée, tous les pays n’offrent pas les mêmes disponibilités. La Suisse dispose là encore d’un précieux atout.

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D’abord, il y a les hautes écoles universitaires (HEU), soit les dix universités cantonales et les deux écoles polytechniques fédérales de Zurich et de Lausanne. Le classement de Shanghai, lancé en 2003, puis les multiples benchmarkings qui l’ont suivi ont révélé puis n’ont cessé de marteler le prestige scientifique des hautes écoles universitaires suisses. L’École polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ) continue de figurer en tête de toutes les universités sur le continent européen, devant les établissements allemands, français, hollandais, italiens, etc. Pour apprécier objectivement l’intensité de la recherche dans les domaines du biomédical et des sciences de la santé, on peut comparer par exemple les volumes de publications des universités, tels que les recense l’université de Leiden, auteur de son propre classement. Dans le domaine biomédical et sciences de la santé, les cinq premières universités suisses (Zurich, Berne, Bâle, Lausanne, Genève) ont un volume de publications scientifiques (16 495 articles) supérieur aux 75 universités publiques françaises confondues : moins de 11 000 articles. Le budget par étudiant de l’université de Bâle (776 millions de francs) est comparable à celui de l’université de Paris, premier établissement français pour le taux de citation par article (10 % du total des articles publiés en France). À Bâle, le budget par étudiant est cinq fois plus élevé que celui de l’établissement français le plus prestigieux sur le plan scientifique. L’enjeu n’a rien d’anecdotique. Dans les matières scientifiques notamment, l’argent est le nerf de la guerre : il attire les meilleurs professeurs, qui attirent les meilleurs étudiants, et notamment les meilleurs thésards. Le CWTS Leiden Ranking souligne que dans les domaines se rapportant à l’industrie pharmaceutique, les hautes écoles suisses sont des pôles d’attraction mondiaux. Le bassin lémanique se classe deuxième juste derrière Boston-Cambridge et devant la région de la baie de San Francisco ou encore Singapour pour ce qui est de la qualité du cluster universitaire.

 

L’université de Bâle, la plus ancienne du pays, compte 13 000 étudiants (un quart d’étrangers), dont 2 800 doctorants. Se prévalant de dix prix Nobel, l’établissement et ses sept facultés bénéficient d’un incontestable prestige international, et le budget de fonctionnement laisse imaginer qu’étudiants et enseignants-chercheurs disposent de conditions d’études et de travail optimales. En 2012, une étude de la NZZ am Sonntag révélait que les professeurs d’université en Suisse « étaient les mieux payés au monde », soit un salaire mensuel brut de 17 000 francs (15 400 euros), vs 8 700 euros en Allemagne, salaires culminant à 23 400 francs (21 200 euros) dans les Écoles polytechniques de Zurich et Lausanne.

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La collaboration entre universités et entreprises privées ne va pas forcément de soi, comme la crise de la Covid-19 l’a révélé en France. En Suisse, la recherche académique a vu le profit qu’elle pouvait tirer de ses liens avec le monde industriel. Pas d’exclusion, pas de repli sur soi, ouverture préconisée. À quoi tient l’osmose entre les deux mondes, osmose qui, en France notamment, semble difficile ? À l’ETHZ, les professeurs sont invités à travailler un jour par semaine au service des entreprises privées. « Nos professeurs ont tous l’autorisation de consacrer un jour par semaine dans une entreprise. Nous les invitons même à le faire. Considérant que nous leur demandons de se comporter comme une entreprise, il ne nous paraît pas illogique de les inviter à se confronter avec l’extérieur. » En 2019, à Zurich, pas moins de 30 spin-offs ont éclos dans l’écosystème de l’École polytechnique fédérale, dont six dans les domaines des biotechnologies, de la pharmacie et des techniques médicales. Ces spin-offs sont du pain béni pour les grandes firmes de la pharma, qui viennent y chercher idées et talents, et y injecter les fonds de démarrage.

 

Toute la chaîne de production est bien formée

 

Il est cependant douteux que, livrés à eux-mêmes, les chercheurs de haut vol obtiennent les succès pharmaceutiques qu’on leur attribue. Sans le concours des innombrables collaborateurs qui les secondent, ils ne pourraient conduire les expériences de laboratoires à la base de leurs percées pharmaceutiques. Sur la question des personnels moins exposés médiatiquement, mais nécessaires à la recherche, la Suisse, avec son système d’apprentissage, présente un autre avantage comparatif. À l’âge de 15 ans, deux collégiens sur trois s’orientent ici vers l’apprentissage, un apprentissage dit dual qui se déroule non dans une école fermée, mais au sein de l’entreprise. Trois jours et demi par semaine, le jeune se forme sur la paillasse, encadré par un maître de stage, puis termine sa semaine en école de formation (entre un jour et un jour et demi). Dans les cantons de Suisse alémanique, comme à Saint-Gall, le pourcentage de jeunes en entreprise dès la fin de la scolarité obligatoire grimpe à 80 %. En permanence, Roche annonce former 420 apprentis dans 14 métiers différents en rapport avec les activités de la pharmacie, soit près de 4 % du total de ses effectifs en Suisse. Les filières d’apprentissage dans les pharmas sont assistant de laboratoire en chimie, technologue en chimie et pharmacie, assistant de laboratoire en biologie, technicien animalier laboratoire, toutes formations d’une durée de trois années et que couronne un certificat fédéral de capacité (CFC). La maturité professionnelle que prolonge possiblement ce long parcours en entreprise donne accès aux hautes écoles spécialisées (HES), où les jeunes peuvent poursuivre leur formation jusqu’au niveau master, qualification souvent requise pour travailler dans la recherche et l’industrie. À ces niveaux, les collaborations sont nombreuses et nécessaires avec les spécialistes en chimie, biochimie, biologie, biotechnologie, médecine, etc., toutes qualifications que la Suisse produit en quantité. Et la qualité n’est pas négligée : selon le World Economic Forum, la Suisse dispose à la fois du meilleur système de formation au monde, mais également du meilleur système de formation continue. La proportion des personnes actives diplômées du tertiaire a progressé de 43 % en 2010 à 58 % en 2017. Dans la même période, la proportion des collaborateurs titulaires d’un diplôme inférieur au niveau secondaire 2 a baissé de 12 à 9 %. La pharma est le secteur qui compte le plus grand nombre de personnes diplômées du tertiaire.

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Propriété intellectuelle et thérapies très onéreuses

 

Bref, pour la Suisse, la pharma « c’est tout bon », comme on dit au pied des pistes lorsque la neige poudreuse est là. La réciproque est vraie. Pour la pharma, la Suisse, c’est d’abord une clientèle potentielle de plus de 8 millions de consommateurs, tous dotés d’un très fort pouvoir d’achat, tous exigeants en matière de qualité de soins et tous adossés à des assureurs de santé pas forcément généreux dans leurs remboursements mais facturant au prix fort leurs couvertures. Les médicaments représentent 13,2 % de la dépense médicale. En 2018, la Suisse était le pays de l’OCDE ayant dépensé le plus en soins de santé, derrière les États-Unis. Elles ont atteint 7 317 dollars par habitant dans la Confédération, soit 12,2 % du PIB, contre une moyenne de 8,8 % dans l’OCDE. En 2017, les produits génériques n’ont représenté que moins d’un quart du volume des produits vendus en Suisse ou au Luxembourg, contre plus des trois quarts dans des pays comme le Chili, l’Allemagne, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Ainsi les Suisses sont-ils bien soignés, les compagnies d’assurances bien grasses et les pharmas contentes. 

Une dernière bonne raison pour les pharmas de ronronner en Suisse est la protection stricte de la propriété intellectuelle prévue dans le droit suisse. On a pu s’en rendre compte récemment avec les polémiques nées des vaccins contre la Covid-19 : jamais il n’a été ici question de génériquer massivement les formules vaccinales, au cas où les pharmas ou leurs filiales maîtriseraient le virus. Si les pharmas suisses sont prêtes à discuter avec certains pays en voie de développement pour leur garantir certains traitements de soins primaires à prix coûtant, il n’en est pas question pour les thérapies de spécialité, couvrant des maladies dites orphelines. La poule aux œufs d’or n’est donc pas promise à l’abattoir. Ne s’en chagrine que les ignorants du gigantisme des investissements en R&D du secteur pharmaceutique. Généralement, ils ne sont pas les derniers à courir derrière les vaccins et thérapies, fabriqués justement par lesdites pharmas. 

À propos de l’auteur
François Garçon

François Garçon

Docteur en histoire, HDR, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Derniers ouvrages parus : Le Génie des Suisses, (Tallandier, 2018), France, démocratie défaillante. Il est temps de s’inspirer de la Suisse, (L’Artilleur, 2021).
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