L’offensive de Koursk : l’Ukraine sur le point de perdre un atout majeur dans les négociations

10 mars 2025

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : A Russian serviceman poses for a photo on the American M1 Abrams main battle tank captured amid Russia's military operation in Ukraine, in Kursk Krasilnikov/SPU/SIPA/2503101536

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L’offensive de Koursk : l’Ukraine sur le point de perdre un atout majeur dans les négociations

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L’offensive russe, mêlant drones, missiles et tactiques audacieuses via des pipelines, met les forces ukrainiennes en grande difficulté dans la poche de Soudja. Alors que Kiev perd un atout stratégique et que Moscou renforce sa position avant d’éventuelles négociations, la reconquête de Koursk révèle les limites d’une Ukraine à bout de souffle face à un adversaire implacable.

Le 10 mars 2025 marque un tournant dans le conflit russo-ukrainien, avec l’offensive russe dans la région de Koursk qui semble sceller le sort des forces ukrainiennes dans cette poche stratégique. Ce qui avait débuté comme une incursion audacieuse de Kiev pour reprendre du terrain à l’été 2024 s’est transformé en un piège mortel, les forces russes exploitant méthodiquement leur supériorité logistique et technologique pour reprendre le contrôle. À l’heure où les drones et les missiles redessinent les champs de bataille, Koursk illustre la brutale réalité d’une guerre d’usure où l’Ukraine, malgré son courage, ploie sous le poids d’un adversaire implacable.

Une offensive méthodique

L’opération russe, qui a atteint son apogée entre le 7 et le 9 mars, repose sur une combinaison de bombardements massifs et d’avancées terrestres coordonnées.

Les frappes du 7 mars, utilisant missiles Iskander et drones variés, ont ciblé les infrastructures critiques ukrainiennes, notamment les réserves et les systèmes de transport de gaz dans les régions de Poltava, Ternopil et Ivano-Frankivsk. À Koursk, l’objectif était clair : neutraliser les points de déploiement temporaires et les lignes d’approvisionnement ukrainiennes, en particulier autour de la poche de Soudja (Sudzha). Selon des sources pro-russes, près de 90 % des infrastructures stratégiques entourant la route N07, artère vitale pour les Ukrainiens, ont été détruites, paralysant toute tentative d’évacuation ou de renfort.

Une innovation tactique a émergé : l’utilisation de pipelines pour infiltrer les lignes ennemies

Le succès de cette offensive ne repose pas uniquement sur la puissance de feu. Une innovation tactique a émergé : l’utilisation de pipelines pour infiltrer les lignes ennemies. À l’image des opérations menées à Avdiivka en 2024, des unités russes ont traversé 16 kilomètres de conduits souterrains pour surgir derrière les défenses ukrainiennes, prenant de court une armée déjà épuisée. Les vidéos diffusées le 9 mars montrent des soldats russes émergeant de ces tunnels près de Soudja, consolidant rapidement leurs positions. Cette manœuvre, bien que risquée – certains soldats auraient succombé aux résidus de gaz –, a permis de contourner les fortifications ukrainiennes et de semer la panique.

Selon le canal Telegram russe Военный Осведомитель, la manœuvre aurait été réalisée par l’ODSHBR « Vétérans », une brigade d’assaut aéroportée. Cette unité appartient aux forces aéroportées russes (VDV) et est spécialisée dans les opérations d’infiltration, d’assaut rapide et de combat rapproché. Une telle opération avait été menée auparavant en janvier 2024 lors de la bataille d’Avdiivka, où un groupe d’assaut russe avait utilisé des canalisations inondées pour infiltrer les positions arrières ukrainiennes.

c Военный Осведомитель

L’effondrement ukrainien

La défense antiaérienne ukrainienne, qui n’intercepterait pas plus de 50 % des projectiles russes, a révélé ses limites face à la diversité des drones et missiles employés.

À Soudja, les forces ukrainiennes, estimées entre 4 700 et 6 300 hommes, se sont retrouvées encerclées. Les ponts minés, initialement prévus pour ralentir l’avance russe, ont été détruits par des drones FPV. Des images du 9 mars montrent des convois ukrainiens calcinés, victimes d’une combinaison d’artillerie et de drones qui ont transformé les routes en pièges mortels.

Le moral des troupes ukrainiennes est fragile. Des rapports font état de soldats en état de choc (code 500 dans le jargon militaire ukrainien), alimentant une hémorragie de désertions déjà bien identifiée.

À Malaya Loknya, bastion clé de la poche de Soudja, les drapeaux russes flottent désormais, symbolisant une victoire imminente. Pour Kiev, la perte de Koursk n’est pas seulement un revers militaire : elle sape l’idée d’une présence durable dans la région, un atout que Zelensky espérait brandir dans d’éventuelles négociations de paix.

Les implications stratégiques

Pour Moscou, la reprise de Koursk est une démonstration de force à un moment crucial. Alors que Donald Trump appelle à un règlement rapide du conflit, Vladimir Poutine consolide ses gains territoriaux pour peser dans les discussions. La Russie rejette toute mission de paix impliquant l’OTAN ou l’Union européenne, mais se dit ouverte à des contingents chinois, indiens ou brésiliens – une manière de réaffirmer son influence auprès des puissances non alignées.

L’Ukraine, elle, paie le prix de son isolement croissant et d’alliés européens de moins en moins crédibles. Les États-Unis, qui réclament désormais 100 % du contrôle des ressources minières ukrainiennes (contre 50 % auparavant), semblent conditionner leur soutien à des concessions économiques majeures.

Une guerre qui s’éternise

Koursk n’est pas une fin en soi. Les forces russes, désormais à proximité de la région de Soumy, pourraient poursuivre leur offensive, menaçant de déstabiliser davantage le nord-est de l’Ukraine. Pour Kiev, la question n’est plus seulement de tenir le terrain, mais de préserver une armée affaiblie face à un ennemi qui, malgré ses pertes, conserve une bonne capacité d’adaptation soutenue par une industrie d’armement puissante. À l’aube de pourparlers incertains, la Russie semble avoir repris l’initiative, laissant à l’Ukraine un choix amer : poursuivre la lutte avec des moyens réduits ou trouver un moyen de mettre un terme à cette guerre.

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