Leçon de réalisme à destination des dirigeants américains

2 février 2017

Temps de lecture : 2 minutes
Photo : Kissinger lors des funérailles de Gérald Ford en 2007. (c) wikipédia
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Leçon de réalisme à destination des dirigeants américains

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Henry Kissinger, L'ordre du monde

Henry Kissinger, L’ordre du monde

La traduction française de World Order est parue chez Fayard deux ans après sa publication américaine. Henry Kissinger y met à jour ses réflexions sur la nécessité perpétuelle de reconsidérer l’équilibre des forces, par nature instable. Dans un monde multipolaire, il constate que chaque grand pôle régional a l’intention d’organiser autour de lui sa propre vision de la légitimité et de l’équilibre. Le célèbre ancien professeur de Harvard et conseiller de Nixon, avec la clarté et la profondeur historique qui ont toujours caractérisé ses livres, prend le temps de revenir sur les différentes conceptions civilisationnelles du monde, y compris américaine.

Un peu dans le prolongement de Diplomacy, publié en 1994, Kissinger passe du Japon à l’Inde, et du Moyen-Orient à la Russie avec une même dextérité. Les pages les plus originales de Kissinger sont toutefois dans sa critique de la nouvelle diplomatie occidentale de la communication et des dangers de la démocratie directe sur la pratique de la politique étrangère.

L’auteur suggère que les États-Unis et l’Europe restaurent le système international de l’équilibre des forces sans renoncer à leurs valeurs. Si les valeurs démocratiques sont revendiquées comme universelles, ce principe de légitimité ne peut s’imposer aux partenaires; sans quoi le concert et l’équilibre sont impossibles. Les principes moraux d’un chef d’État ne doivent pas interférer dans la politique intérieure du voisin qui a aussi sa propre interprétation du principe de légitimité. L’intervention militaire est légitime à condition qu’elle se contente de rétablir l’équilibre des forces mondiales. Elle est illégitime lorsqu’elle se donne une mission évangélique. Bref, le principe westphalien de souveraineté l’emporte sur le principe viennois de légitimité. Morale et politique restent distincts. Le droit d’ingérence ou la responsabilité de protéger sont dangereux pour l’équilibre du monde et pour son arbitre américain.

Kissinger tire les leçons de la fin des rêves de l’après-guerre froide. L’avènement d’une société mondiale est illusoire et les diplomaties occidentales ont tout intérêt à prendre en compte le poids des civilisations dans leur analyse stratégique. Kissinger semble ainsi se rapprocher des analyses pessimistes de Samuel Huntington. Mais il croit toujours en la possibilité d’un ordre du monde, un ordre où l’Amérique se contenterait d’un rôle d’arbitre réaliste des équilibres régionaux. Elle seule a encore la possibilité d’exercer ce rôle de balance of power sur chacun des grands pôles stratégiques. Si l’Amérique veut conserver la première place, elle devra se contenter du titre de primus inter pares plutôt que de s’aventurer dans une évangélisation démocratique du monde.

H.D.

[colored_box bgColor= »#DCEDC8″ textColor= »#222222″]Henry Kissinger, L’ordre du monde, Fayard, février 2016, 350 pages, 25 euros.[/colored_box]

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