Livres de la semaine – 16 décembre

16 décembre 2022

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Abonnement Conflits
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Livres de la semaine – 16 décembre

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États-Unis, stratégie, empire ottoman, tactiques, économie retrouvez les livres de la semaine.

 

Ruée vers l’histoire nord-américaine

Jean-Michel Sallmann, L’Amérique du Nord, de Bluefish à Sitting Bull, Belin, 41€

269 siècles, de 25 000 avant Jésus-Christ au XIXe siècle. C’est la période traitée par Jean-Michel Sallmann et Joël Cornette (directeur de la série Mondes Anciens, publiée chez Belin) pour évoquer la longue histoire de l’Amérique du Nord.

De l’arrivée des premiers hommes (par des routes encore contestées par les historiens) jusqu’à la bataille de Little Bighorne où l’on vit le dernier grand chef indien Sitting Bull, Jean-Michel Sallmann s’attache à retracer l’histoire des différents peuples d’Amérique.

Nomades puis sédentaires pour certains avec le développement de l’agriculture, de nombreuses communautés se sont ainsi installées à travers tout le continent, parfois au gré des éléments, ayant des langues, coutumes et traditions bien différentes.

Bien que de nombreux conflits ont eu lieu entre ces différentes tribus, il y eut également de nombreux échanges, parfois même avec des Européens, bien avant l’arrivée de Christophe Colomb.

Bien évidemment le livre nous plonge dans les bouleversements qui ont suivi l’arrivée des Européens durant le XVIesiècle, tant dans les échanges commerciaux et culturels que dans les violents affrontements et conquêtes de territoire entreprises par les Européens souhaitant déloger de leurs terres ces premiers Américains. Comme pour chaque volume de la collection, l’ouvrage est richement illustré de cartes, de peintures et d’une iconographie qui met ce continent à l’honneur.

Empire ottoman

Olivier Bouquet, Pourquoi l’Empire ottoman ? Six siècles d’histoire, Gallimard, Folio Histoire, 11,20€.

Cette éclairante et inédite synthèse met en lumière les raisons de la longévité (1299-1922) et du long déclin de cet empire à cheval entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Pourtant, rien ne prédestinait cette chefferie semi-nomade, au milieu de nombreuses autres principautés similaires, émergeant au lendemain des croisades à connaître une telle fortune. Les Turcs ont été les derniers à fonder un empire islamique en Occident après les Omeyyades de Cordoue ; un empire pluriethnique et multiconfessionnel qui à son apogée au mitan du XVIIe siècle s’étendait sur trois millions de kilomètres carrés. Du Yémen à la Bosnie, de la Crimée au Soudan, de l’Algérie à l’Irak… exploit inégalé depuis Rome et Byzance, note l’auteur qui fait remarquer que l’histoire ottomane est étroitement liée à celle du continent européen dans la mesure où les Ottomans occupaient un quart de la géographie de l’Europe. De fait, la Roumélie, les Balkans, constituaient le centre névralgique de l’Empire. En 1475 la partie européenne fournissait 81% des recettes du trésor impérial.

La démarche de l’auteur consiste à s’attacher à comprendre les raisons de l’émergence et des évolutions successives de cet immense empire et surtout sa longévité exceptionnelle. Comment ses sultans successifs ont réussi à implanter le règne de l’Islam jusqu’aux portes de Vienne qu’ils ont failli conquérir à deux reprises (1529 et 1683).

Héritier des cultures grecques, balkaniques, centre asiatique, l’empire de Mehmet le Conquérant (1432-1481), qui dans la foulée de la prise de Constantinople (1453) caressait l’idée d’un empire universel inspiré d’Alexandre, se distingue par de multiples singularités et des formes de gouvernance inédites. Outre une armée puissante et un commandement centralisé, l’auteur note que le cœur du système politique ottoman est son État qui « n’est rien d’autre que l’extension de la dynastie ». Un État en mode de fonctionnement grâce aux prélèvements des ressources adaptés aux exigences de la conquête. Mais aussi un régime de dotations fiscales couronné par un système de recensements centralisés des revenus. Surtout, les Ottomans ont su élaborer le premier droit séculier formalisé en territoire musulman (le Kanun) et mettre en place un système de recrutement inédit (le devchirmé).

Si les premières ambassades ottomanes permanentes sont inaugurées sous le sultan réformateur Sélim III au début du XIXe siècle, la diplomatie de la Sublime porte se distingue par son habileté et son pragmatisme, nouant des alliances répondant aux intérêts de l’État. Exemple le plus connu, l’alliance liant Soliman avec le très chrétien François Ier contre les Habsbourg durera ainsi jusqu’à Louis XVI.

Sur le plan économique, l’Empire ottoman se distingue par sa capacité à opérer une fixation de niveaux de productions et de prix des denrées tout en garantissant un accès privilégié aux matières premières stratégiques. À cela s’ajoute sa propre conception de la propriété qui se manifeste par une non-reconnaissance de tout appareil nobiliaire, contrairement à l’Occident chrétien. Ainsi, les esclaves formés à l’exercice de hautes fonctions bureaucratiques, bien que richement dotées de biens fonciers, ne transmettent pas leur patrimoine à leurs descendants. Par ailleurs, l’État ottoman impose à ses sujets « une raison fiscale » : l’administration faisait correspondre les unités de production à des unités fiscales, distribuant des portions de revenus publics et laissant aux bénéficiaires le soin de répartir les charges fiscales auprès des producteurs. Ainsi, le niveau des taxes personnelles s’établit en fonction de la capacité de travail et de la taille des tenures, les statuts déterminaient les obligations et les exemptions fiscales, ce qui selon l’auteur contribue à nourrir « une rhétorique de la supplique et susciter une production continue de pétitions adressées à la Porte ».

Sur le plan juridique enfin, l’Empire ottoman a innové par sa politique de fonctionnarisation des savants versés dans les sciences religieuses (les oulémas), tandis que les Cadis étaient à la fois juges et agents de l’administration. Immunisé contre tout irénisme, l’auteur se veut dépassionné. Mettant en lumière une alternance de tolérance et de violences, soulignant le retard de développement, le fort taux d’analphabétisme, il explique le génocide des Arméniens de 1915 non pas par l’islam, mais par le darwinisme social dans un contexte de dépeçage inexorable et accéléré d’un Empire à la taille d’une peau de chagrin. En cela, l’idéal d’une citoyenneté ottomane supraconfessionnelle et multiethnique n’aura pas survécu au choc du réveil des nationalismes.

Évitant l’écueil d’une tradition philo-ottomane portée par d’illustres prédécesseurs, comme Robert Mantran et Gilles Venstein, l’historien pose un regard avisé sur le processus non linéaire de réformes initié par les tanzimats en 1839 et de constater l’échec d’un idéal, celui d’une citoyenneté ottomane supranationale et aconfessionnelle. Idéal porté par une élite libérale et ultra minoritaire. En plus de 400 pages, cette synthèse sort de l’histoire événementielle et répond avec brio à l’interrogation initiale. Elle nous éclaire sur les tentatives d’instrumentalisation opérées par le pouvoir turc au sujet de son héritage impérial. Et nous aide à comprendre pourquoi la Turquie contemporaine voulue et conçue par Mustafa Kemal Atatürk s’est construite en opposition absolue vis-à-vis de l’Empire ottoman.

Tigrane Yégavian

Pour une écologie libérale

Jean-Michel Daniel, Redécouvrir les physiocrates – Plaidoyer pour une économie intégrant l’impératif écologique, Odile Jacob, 19,90€

Professeur émérite à l’ESCP et auteur de nombreux ouvrages sur l’économie, tant sur son histoire que sur sa pensée, Jean-Marc Daniel s’attaque ici à un sujet aujourd’hui au cœur du débat public et qui touche de nombreux secteurs, celui de l’écologie.

Constatant une captation de ce sujet par les écologistes, il souhaite ouvrir une voie pouvant allier les intérêts de la nature et de l’économie, afin d’éviter à la fois l’écueil de la décroissance et de la restriction de liberté et celui de la destruction inéluctable du monde tel que nous le connaissons.

Il s’attache ainsi à remettre au goût du jour l’un des premiers courants économiques : celui des physiocrates, qui avaient déjà entrevu l’importance de la nature et surtout l’importance de sa préservation. L’auteur se penche surtout sur l’application de leurs idées adaptées à l’état actuel de nos économies et technologies, prônant ainsi à la fois une économie environnementale davantage compatible avec l’économie libérale, la concurrence et l’entrepreneuriat.

Redécouvrez donc les grands penseurs comme Cantillon, Quesnay, Malthus et Pigou dans le but de rendre l’avenir plus sûr tout en évitant les écueils idéologiques dramatiques et parfois inconscients d’aujourd’hui.

Tactiques

L’École de Guerre – Terre, 101 tacticiens redoutables, Éditions Pierre de Taillac, 29,90€

L’École de Guerre rassemble des officiers de l’armée française qui reprennent leur scolarité pour se préparer durant leur seconde partie de carrière à accéder aux plus hauts postes de commandement et de responsabilité, et donc peut-être à conduire de grandes unités au combat. L’histoire des plus grands chefs militaires de l’Histoire est donc une source importante d’apprentissage.
L’ouvrage s’évertue donc à présenter une sélection d’hommes aux qualités militaires tactiques indéniables et ayant marqué l’histoire par de grandes victoires, et ce dans différents types de guerres. Classés à la fois en différentes catégories et par ordre chronologique, vous trouverez ainsi les guerriers tels Ramsès II ou Hannibal Barca, les chevaliers comme Guillaume le Conquérant ou Subotaï-bagatur et les révolutionnaires que sont Mikhaïl Koutouzov et Simon Bolivar, mais aussi les planificateurs hors pair comme Foch et Leclerc ou encore les irréguliers tels Che Guevara et les talibans, la guerre ne se faisant pas toujours sur une ligne où deux armées se battent de front.

L’art de la tactique ne sortant pas toujours de l’esprit de chefs aguerris, les auteurs ont pris la liberté de s’attarder également sur quelques personnages de fiction dont les actions paraissent tout de même d’un certain intérêt, à l’image du capitaine Némo de Jules Vernes ou de Gandalf chez Tolkien.

Retrouvez donc pour chaque personnage une courte biographie ainsi que le récit d’une de ses importantes victoires, accompagnés d’une illustration du plan de bataille et de son artisan.
L’École de Guerre-Terre reverse l’intégralité de ses droits d’auteurs à l’association Terre Fraternité.

Une collection de victoires

Collection Les grandes batailles de l’histoire de France, Plein vent, 15,90€

Une nouvelle collection de bandes dessinées fait son apparition sur la scène littéraire, traitant des grandes victoires parfois très célèbres, parfois moins, voire oubliées, remportées par les armées de France.

Accessibles pour tous les âges, plongez au cœur de ces grandes batailles qui méritent à elles seules un ouvrage, des évènements qui les ont provoqués aux manœuvres qu’elles ont amenées. Les illustrations d’une grande qualité vous font (re)découvrir les personnages les plus importants de ces morceaux de l’histoire de France. Revivez ces heures de la grandeur française aux côtés de Bonaparte et Kœnig, de Davout, Lannes et Larminat, ou encore de Ney, Murat et Amilakvari.

Les deux premiers tomes de cette collection sont dédiés à la bataille de Bir Hakeim (27 mai au 10 juin 1942) où les hommes du général Kœnig tenirent tête aux armées de Rommel en plein désert libyen à dix contre un, et à la bataille d’Austerlitz (2 décembre 1805) menée par l’empereur face à une coalition austro-russe savamment financée par une Angleterre qui cherchait à déstabiliser le continent.

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Fondée en 2014, Conflits est devenue la principale revue francophone de géopolitique. Elle publie sur tous les supports (magazine, web, podcast, vidéos) et regroupe les auteurs de l'école de géopolitique réaliste et pragmatique.
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