Livres de la semaine – 28 avril 

28 avril 2023

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Abonnement Conflits
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Livres de la semaine – 28 avril 

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Fermiers, nazisme, relations internationales, espionnage et attentat : tour d’horizon des livres de la semaine. 

Histoire des fermiers 

Jérome Fehrenbach, Les fermiers, la classe sociale oubliée, Passés composés, 27 €, 2023.  

Alors que la tripartition de l’Ancien régime est définie entre noblesse, clergé et tiers état, « les grands fermiers » ont constitué un corps intermédiaire formant une classe à part et singulière. Ces deniers ont assumé une responsabilité économique et sociale de premier plan, incarnée dans une réalité humaine de proximité. 

Dans un ouvrage stimulant, l’historien Jérome Fehrenbach raconte l’histoire d’une véritable classe moyenne qui, bien qu’indispensable à l’organisation économique et sociale, n’a pas connu son heure de gloire dans les récits de l’Histoire de France. L’auteur propose alors d’en finir avec le cliché d’un fossé infranchissable entre une masse paysanne exploitée et inculte, et une noblesse opulente et tyrannisante. Ainsi, durant les trois derniers siècles qui précèdent la Révolution s’intercale entre la plèbe rurale et les deux premiers ordres une authentique classe moyenne avant l’âge : les fermiers. Véritable plaque tournante de l’économie rurale, les fermiers représentent le point de passage entre le monde mouvementé de la ville et celui moins mobile de la campagne. Dans un cadre chronologique de 1680-1830, l’auteur donne un aperçu sur une cinquantaine de familles représentatives de la France de la grande culture. À l’époque, la ferme est une réalité technique, le cœur du système de production de grain de l’Ancien régime.

D’une richesse inédite, cet ouvrage présente une étude complète de l’économie fermière, de la vie quotidienne à la ferme comme le rapport à l’éducation et à la sociabilité ainsi que des conséquences de la Révolution sur la vie des fermiers. Un ouvrage vivant qui vient remettre l’église au cœur du village sur la question des grands fermiers, autour desquels s’est formée l’unité de la société rurale pendant des siècles. 

Heures sombres 

Götz Aly, Les anormaux, Flammarion, 22 €, 2014.

Souvent oubliée parmi les indénombrables horreurs du régime nazi, la décision de la chancellerie allemande au cours de l’été 1939 est radicale : les enfants handicapés physiques et mentaux seront assassinés selon des critères spécifiques. Bientôt, les délinquants, ineptes au travail et les personnes âgées seront ajoutés sur la liste. 

Environ 200 000 Allemands furent victimes entre 1939 et 1945 des meurtres par euthanasie. Les nombreuses personnes impliquées parlèrent par euphémisme de délivrance, d’interruption de vie, de mort miséricordieuse, d’aide à mourir ou bien d’euthanasie. Lhistorien Götz Aly revient sur cette page dramatique de lhistoire allemande. Il mène une enquête dans un récit bouleversant en montrant la lente mise en place au sein dune société lancée dun eugénisme ordinaire. Cet ouvrage rend hommage aux victimes oubliées de ce premier meurtre de masse national-socialiste, nommé « Aktion T4 » en référence à l’adresse du bureau central de l’opération, situé dans les quartiers résidentiels de Berlin.

Un ouvrage qui fait remonter les sous-sols les plus troubles troubles de l’histoire allemande en traitant un sujet difficile auquel il convient de s’atteler dans un devoir de mémoire. 

Leçons de l’Histoire 

Étienne de Gail, L’humiliation, Bouquins, 19 €, 2023.

Les passions mènent le monde. Une en particulier, l’humiliation, est devenue le véritable ressort des relations internationales. Elle permet de justifier les politiques conduites par les États, manipule les peuples et propose une lecture de l’Histoire. 

Analyste en géopolitique, Étienne de Gail décrypte avec précision comment l’humiliation détient un rôle précurseur dans l’Histoire et comment cette dernière continue d’y produire ses effets tragiques. L’auteur analyse de façon théorique, historique et actuelle la force qu’a pu avoir le sentiment d’humiliation et le rôle qu’il a joué dans de nombreuses relations internationales décisives. Parmi elles, Étienne de Gail revient sur la longue histoire tragique des relations franco-allemandes, l’impuissance du Proche-Orient à s’imposer sur la scène internationale ou encore le rapport de la Russie avec l’Occident, sujet d’une brûlante actualité. En effet, c’est bien l’humiliation qui a été à l’origine de ce désir de revanche et d’exigence de reconnaissance, en étant une cause d’innombrables conflits au cours des siècles. 

Un ouvrage éclairant qui expose les ressorts individuels et collectifs de l’humiliation tout en permettant de prendre conscience de ce sentiment qui participe au désordre du monde. L’humiliation intéresse notre temps puisque l’époque moderne la renforce et la rend plus visible. Elle est à la fois un moteur et une conséquence de l’Histoire. 

Retour sur enquête 

Clément Weill-Raynal, Rue Copernic, l’enquête sabotée 1980-2023, L’artilleur, 20 €, 2023.

Le 3 octobre 1980, une bombe explose devant la synagogue de la rue Copernic à Paris. Quatre morts, une dizaine de blessés, c’est le premier attentat contre les juifs depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’attentat antisémite suscite une vive émotion à Paris. 

Depuis, l’enquête n’a jamais été définitivement classée ni élucidée ni résolue. C’est pourquoi le journaliste Clément Weill-Raynal expose dans un nouvel ouvrage tous les éléments du dossier de lattentat de la rue Copernic. Selon l’auteur, l’histoire de l’attentat est aussi celle d’une gigantesque manipulation de l’opinion publique. Une interrogation qui dépasse largement le cadre de l’institution judiciaire et concerne la société française dans son ensemble. Alors que l’accusation est d’abord portée par l’opinion de l’époque envers un groupe de « néo-nazis », policiers et magistrats optent finalement sur une piste palestinienne, bien plus probable. 

Au moment où l’enquête s’ouvre enfin en ce début avril 2023, soit quarante ans après le drame, le journaliste Clément Weill-Raynal apporte des réponses à des questions longtemps restées en suspens. Une enquête minutieuse qui met en lumière les nombreux secrets de cet attentat oublié. 

Aux sources de l’espionnage 

Valentin Baricault, L’espionnage au Moyen Âge, Passés Composés, 19,50 €, 2023.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’espionnage est considéré comme l’un des « plus vieux métiers » du monde. Les premiers espions font en effet leur apparition entre les VIIIe et VIIe siècles avant J-C.

Professeur dans le secondaire, Valentin Baricault nous offre un ouvrage qui retrace l’histoire des espions au Moyen-Âge. Ces derniers agissent soit dans un contexte de guerre, notamment lors des croisades, soit dans un contexte de paix, comme aux côtés de Louis XI dans le cadre d’objectifs diplomatiques. Par un récit captivant, l’auteur explique en détail les différentes fonctions de l’espionnage de l’époque, qui évoluent entre éclaireurs, messagers ou ambassadeurs. En se concentrant sur la France, Valentin Baricault explore la manière dont les lettrés pensent la question de lusage des espions et du secret dun point de vue théorique.

Un ouvrage complet dont le véritable travail d’archives permet de rendre visible les actes invisibles.  En effet, le livre permet de rendre compte de l’hétérogénéité des pratiques et des acteurs du renseignement dans le cadre de la diplomatie de la guerre. Il donne un éclairage sur les moyens mis en œuvre dans l’art de négocier et de combattre sous le prisme du renseignement. Un sujet aussi surprenant que passionnant, traité avec une finesse d’analyse et d’écriture qui rend la lecture palpitante. 

À propos de l’auteur
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Fondée en 2014, Conflits est devenue la principale revue francophone de géopolitique. Elle publie sur tous les supports (magazine, web, podcast, vidéos) et regroupe les auteurs de l'école de géopolitique réaliste et pragmatique.
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