Le 18 octobre 2025, Cheng Li-wun a remporté l’élection à la présidence du Kuomintang (KMT) avec environ 50,15 % des suffrages (65 122 voix). Ce résultat traduit le choix d’un certain renouveau du leadership mais aussi l’affirmation d’une orientation politique privilégiant le maintien de la paix avec la Chine continentale.
Le Kuomintang (KMT) est en situation d’opposition : il a perdu les trois dernières élections présidentielles et tente de se repositionner.
L’élection de Cheng Li-wun s’inscrit dans un cadre de critiques internes fortes : certains observateurs ont souligné que sa victoire « symbolise […] une révolte du discours de base du parti », un désir de « mobilisation émotionnelle » contre l’élite du parti.
Il existe aussi des tensions quant à l’orientation future du parti : face à l’affaiblissement des élites traditionnelles, le parti doit définir s’il opte pour un retour aux anciens piliers (relations avec la Chine, identité « bleue ») ou pour une réforme vers une nouvelle identité. Cheng arrive dans ce contexte avec le pari de relancer le parti.
Les enjeux immédiats : élections locales et 2028
En interne, l’élection de 2025 n’est pas une fin en soi ; Cheng a signalé que l’objectif est de gagner les élections locales de 2026 puis viser le retour au pouvoir pour le KMT en 2028.
Le fait d’avoir un nouveau président de parti impose une dynamique : rassembler les différentes factions (les « traditionnels », les « réformistes »), éviter de s’enfermer dans des logiques partisanes stériles, et connecter le discours du parti avec les attentes de la société. Comme l’a affirmé un cadre du parti : « l’essentiel est maintenant de dialoguer avec la société ».
En ce sens, l’élection marque un tournant potentiel dans la stratégie du KMT : de l’administration interne du parti à la conquête électorale.
La signification pour la politique taïwanaise
L’arrivée de Cheng peut entraîner des changements dans l’orientation politique du KMT. Certains ont relevé qu’elle a annoncé vouloir maintenir la paix et la stabilité du détroit de Taïwan, mais aussi s’engager pour « un principe d’égalité, de respect, de réciprocité » dans les relations extérieures plutôt qu’une posture purement pro-Chine[2].
Le fait que Cheng soit une femme énergique, et relativement plus jeune que certains cadres historiques du parti (elle a 55 ans) rend ce choix symbolique pour le renouvellement générationnel.
Avec un nouveau leadership, le KMT peut redistribuer les cartes dans l’arène politique à Taïwan. Le KMT peut mieux structurer sa préparation pour les élections locales (2026) et la présidentielle (2028), en définissant un programme clair, des alliances stratégiques (par exemple avec le Taïwan People’s Party ou d’autres forces), et un positionnement identifiable.
Cela pose la question de la polarisation politique avec le DPP, notamment sur les questions de l’identité, de la défense, des relations avec la Chine continentale, et de la place de Taïwan dans le monde. Point notable au vu du contexte, Cheng a mentionné qu’elle ne soutient pas une hausse automatique des dépenses de défense, politique menée par l’actuel président, Lai Ching‑te, avec le fort soutien des Etats-Unis.
Le KMT, en tant qu’opposition majoritaire au parlement (avec ses alliés), peut exercer une influence forte sur les débats législatifs, les budgets et la gouvernance locale. Un leadership renouvelé pourrait donc accroître cette influence ou, au contraire, la diluer si le parti ne parvient pas à se remettre en ordre.
L’implication pour la relation entre les deux rives de détroit de Taïwan
Le Kuomintang, le plus grand parti taïwanais d’opposition, a choisi Cheng Li-wun comme nouvelle dirigeante qui a mis en avant sa position pro-chinoise pendant sa campagne.
Cheng Li-wun a autrefois appartenu au Parti démocrate progressiste (PDP), mais elle a ensuite rejoint le KMT. Elle a été députée et porte-parole du gouvernement.
Au cours de sa campagne, Mme Cheng a souligné qu’elle soutenait un rapprochement entre la Chine et Taïwan. Elle s’est engagée à vaincre le PDP en unissant les forces d’opposition[3].
Peu après l’élection de Cheng, le président chinois Xi Jinping a adressé ses félicitations, soulignant que les deux partis (le PCC en Chine et le KMT) devraient « renforcer leur fondation politique commune, unir la majorité du peuple taïwanais pour approfondir les échanges et la coopération, promouvoir le développement commun et faire progresser la réunification nationale »[4].
Ce message reflète l’intérêt de Pékin à voir un KMT plus aligné ou du moins plus ouvert aux propositions chinoises. Cela met en lumière la dimension internationale de cette élection : elle n’est pas seulement interne à Taïwan.
L’élection de Cheng pose la question : dans quelle mesure le KMT sous sa présidence va-t-il adopter une ligne plus conciliante vis-à-vis de la Chine ou au contraire renforcer son autonomie et sa crédibilité auprès de l’électorat taïwanais ?
Certains médias évoquent un possible recentrage vers un rapprochement avec la Chine. Mais Cheng elle-même a formulé des propos mesurés, insistant sur le principe « deux rives du détroit sont membres de la même nation chinoise (中华民族) », sans pour autant appeler à l’unification politique immédiate.
Le message de Pékin montre que la Chine attend un interlocuteur au KMT qui soit plus favorable à ses propositions. Le nouveau président du parti devra donc arbitrer entre cette pression extérieure et les contraintes intérieures taïwanaises.
Les réactions de la société taïwanaise
Les électeurs & la participation
Le taux de participation interne au parti pour cette élection est relativement faible (~ 39,46 %) selon les chiffres officiels. Une participation de cette ampleur suggère un certain désengagement parmi les membres du parti.
Les électeurs semblent manifester une certaine lassitude face à la polarisation politique et à l’image du KMT, notamment en matière de ses relations avec la Chine. Un article note que « près de 60 % des Taïwanais » priorisent « l’évitement de la guerre » plutôt que des objectifs partisans[5].
Chez les jeunes, il ressort que l’image du KMT comme « parti pro-Chine » pèse fortement — ce qui constitue un frein à gagner des voix auprès des générations montantes.
Les médias & le débat public
Dans son discours de victoire, Cheng a elle-même dénoncé l’usage des « étiquettes rouges » (red labels qualifiant le KMT de « pro-Chine ») comme une arme politique.
Un article de fond note également que le KMT est « hors phase avec l’électorat » ; sa structure et sa base de soutien vieillissante.
Jeunes, société civile et opinions sur les relations avec la Chine
Une partie non négligeable de la société taïwanaise (et encore plus parmi les jeunes) rejette l’idée d’un rapprochement non conditionné avec la Chine ou une sortie rapide vers la réunification. L’élection de Cheng, qui proclame vouloir « que tous les Taïwanais puissent fièrement dire ‘je suis chinois’ », suscite donc des réactions partagées[6].
Le signal envoyé par Cheng d’une forte priorité à la paix et à la coopération plutôt qu’à une hausse rapide des dépenses de défense est aussi critiqué par ceux qui jugent que Taïwan doit renforcer sa posture militaire.
Implications et attentes
Beaucoup attendent de Cheng qu’elle réunisse un KMT fracturé et captive un électorat plus large, mais également qu’elle clarifie l’orientation du parti vis-à-vis de la Chine, ce qui semble être une grande attente populaire.
Le contexte plus large, avec des élections locales prochaines (2026) et l’élection présidentielle de 2028 à l’horizon, signifie que son mandat commence sous forte pression.
Enfin, le défi est double : mobiliser une base interne démobilisée et reconquérir un électorat extérieur plus jeune, plus « progressiste » sur l’identité taïwanaise — ce qui implique des ajustements stratégiques.
Pour l’avenir, ce qui compte ne sera pas seulement son élection, mais les réalisations concrètes : capacité à rassembler le KMT, à mobiliser de nouveaux soutiens, à définir un programme clair, à gagner les prochaines élections, et à gérer les défis de la relation avec l’autre rive du détroit de Taïwan.
[1] Ex-legislator Cheng Li-wun elected as KMT chair, By Shih Hsiao-kuang and Jake Chung / Staff reporter, and staff writer, with CAN, Taipei Times, Oct 19, 2025.
[2] 帶領KMT靠攏中? 鄭麗文政策取向受矚/鄭麗文當選黨主席 投票數超過6萬「得票率破5成」
記者|鏡新聞 綜合報導
[3] Taïwan : le plus grand parti d’opposition choisit une nouvelle dirigeante, NHK World, Dimanche 19 octobre.
[4] Xi congratulates Cheng Li-wun on election as KMT chairperson, Xinhua, October 19, 2025.
[5] 2025 KMT Chair Race: Balancing Peace and Peril in Taïwan, Geopolitical Monitor, Situation Reports – Meng Kit Tang, October 17, 2025.
[6] Ex-legislator Cheng Li-wun elected as KMT chair, By Shih Hsiao-kuang and Jake Chung / Staff reporter, and staff writer, with CAN, Taipei Times, Oct 19, 2025.