Face à ses voisins indiens et chinois, le Pakistan a développé une industrie de défense complète et bien organisée. Un atout de poids pour un pays qui veut peser.
À l’indépendance, en août 1947, le Pakistan disposait de forces terrestres, aériennes et navales bien équipées d’armes modernes issues de la partition des forces militaires de l’Inde britannique d’avant l’indépendance. Cependant, bien que l’Inde britannique ait disposé d’une industrie de défense ainsi que d’une structure de maintenance, de réparation et de révision générale (MRO pour Maintenance, Repair and Overhaul), ces actifs n’avaient pas été partagés entre les deux États et restèrent la propriété exclusive de l’Inde. Le Pakistan était donc dans l’obligation de lancer la création de bases industrielle et technologique de défense nationale (BITD).
Les débuts de l’industrie de défense
Pour le faire, le Pakistan collabora avec les Royal Ordnance Factories (ROF – usines royales d’armement) au Royaume-Uni pour fonder les premières usines de ce qui allait devenir les Pakistan Ordnance Factories (POF – usines d’armement du Pakistan). La production de munitions pour armes légères, puis de fusils (Lee Enfield) démarra en 1952.
Au cours des années 1950, le Pakistan se rapprocha des États-Unis et rejoignit l’Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est (Southeast Asia Treaty Organization, SEATO) ainsi que l’Organisation du traité central (Central Treaty Organization, CENTO).
SEATO fut fondée en 1954 sous l’impulsion des États-Unis, dans le but de contenir l’expansion du communisme en Asie du Sud-Est, selon un modèle inspiré de l’OTAN. Elle regroupait les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, la Thaïlande et le Pakistan. Toutefois, à la différence de l’OTAN, la SEATO ne disposait pas de forces militaires intégrées. Elle fut finalement dissoute en 1977.
CENTO fut créée l’année suivante, en 1955. Elle rassemblait principalement le Royaume-Uni, la Turquie, l’Iran, l’Irak (jusqu’en 1959) et le Pakistan, avec un soutien important des États-Unis, bien que ces derniers n’en fussent pas membres à part entière. Cette alliance avait pour objectif de contenir l’influence soviétique au Moyen-Orient. CENTO fut dissoute en 1979, à la suite de la révolution iranienne.
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Le recours à deux traités distincts répondait à la nécessité, pour les puissances occidentales, de structurer leur stratégie d’endiguement du communisme sur plusieurs axes régionaux. SEATO visait spécifiquement l’Asie du Sud-Est, région où les mouvements communistes étaient actifs, notamment au Vietnam, au Laos et en Indonésie. CENTO, quant à elle, se concentrait sur le flanc sud de l’Union soviétique, couvrant le Moyen-Orient et l’Asie centrale, zones perçues comme vulnérables à l’influence soviétique. Le Pakistan, situé au carrefour de ces deux espaces stratégiques, fut l’un des rares pays à être membre des deux alliances.
En mai 1954, le Pakistan signa également un accord d’assistance mutuelle en matière de défense avec les États-Unis, ce qui entraîna la livraison d’une aide militaire substantielle. Cette aide transforma profondément les capacités militaires pakistanaises dans les années 1950 : chars, artillerie de 105 mm, 155 mm et 203 mm, ainsi que des avions F-86 Sabre pour l’armée de l’air pakistanaise (Pakistan Air Force, PAF).
Coopération avec les États-Unis
La coopération en matière de défense avec les États-Unis était perçue comme procurant au Pakistan un moyen de dissuasion conventionnelle efficace contre son voisin bien plus vaste, mais pas encore nucléaire, l’Inde. Les livraisons américaines se poursuivirent au début des années 1960, mais, à la suite de la guerre indo-pakistanaise de 1965, l’assistance militaire américaine fut suspendue et un embargo fut imposé. Cette rupture conduisit à la recherche de nouveaux partenariats et à une volonté renforcée de développer une BITD nationale. Dans les deux cas, la Chine s’imposa comme un choix incontournable.
Troubles avec l’Inde
Dès le départ, la principale menace stratégique perçue par le Pakistan était l’Inde, pays avec lequel la Chine connaissait également des tensions, comme en témoigne la guerre frontalière sino-indienne de 1962. Un Pakistan fort et opposé à l’Inde était donc dans l’intérêt stratégique de Pékin, tandis que le Pakistan trouvait en la Chine un fournisseur d’équipements de défense plus fiable que les puissances occidentales, États-Unis en tête. En quelques années, l’armée de terre pakistanaise se tourna de plus en plus vers les plateformes chinoises.
L’Union soviétique livra également certains équipements au Pakistan, mais cette relation ne pouvait aller très loin, car Moscou avait misé sur l’Inde, dont il allait devenir le principal fournisseur d’armes. En conséquence, la Chine devint un partenaire essentiel pour le Pakistan en matière d’équipements de défense – une position qu’elle occupe encore aujourd’hui.
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Essentiel, mais non exclusif. En 1966, le Pakistan se tourna vers la France pour acquérir des sous-marins et des avions Mirage. Une diversification logique d’un point de vue stratégique, mais qui posa un véritable casse-tête en matière de logistique, de maintenance et d’interopérabilité.
Production de munitions
L’afflux d’équipements chinois et soviétiques utilisés parallèlement à ceux de l’OTAN ou d’origine américaine obligea le Pakistan de produire une grande variété des munitions sur son territoire. Les POF commencèrent par produire des munitions de petit calibre britanniques, puis passèrent aux calibres standards de l’OTAN ainsi qu’aux calibres soviétiques et chinois. Aujourd’hui, la gamme de produits des POF couvre la majorité des calibres d’artillerie de l’OTAN et soviétiques ainsi que l’ensemble des autres types de munitions.
À la suite de la guerre indo-pakistanaise de 1971 et de la perte de ce qui constituait alors le Pakistan oriental (aujourd’hui le Bangladesh), le Pakistan se retrouve dans une situation géostratégique difficile. La conséquence la plus immédiate de la guerre fut la perte du Pakistan oriental, qui devint l’État indépendant du Bangladesh. Cette séparation entraîna non seulement une réduction territoriale significative, mais aussi la perte d’une part importante de la population pakistanaise, provoquant une crise d’identité nationale profonde. La défaite militaire infligée par l’Inde mit en évidence la supériorité conventionnelle de cette dernière, obligeant le Pakistan à repenser sa doctrine de défense. La nécessité d’un moyen de dissuasion crédible s’imposa alors, ce qui mena à l’accélération du programme nucléaire militaire pakistanais, désormais considéré comme essentiel à la survie stratégique du pays.
Sur le plan géopolitique, le Pakistan réalisa les limites de ses alliances avec les puissances occidentales, en particulier les États-Unis, dont le soutien espéré ne se matérialisa pas. Ce constat favorisa un rapprochement stratégique durable avec la Chine, perçue comme un partenaire plus fiable.
Pouvoir et industrie
À l’interne, la guerre provoqua une réorganisation du pouvoir : la chute du régime militaire du général Yahya Khan et l’arrivée au pouvoir de Zulfikar Ali Bhutto, qui initia des réformes politiques et stratégiques d’envergure.
Enfin, la défaite de 1971 déclencha une volonté de renforcement de l’autonomie militaire du Pakistan. Cela se traduisit par une intensification du développement industriel de défense, avec la consolidation des Pakistan Ordnance Factories (POF), la création du Pakistan Aeronautical Complex (PAC) et le renforcement du rôle de Heavy Industries Taxila (HIT). Parallèlement, Le Pakistan chercha également à diversifier ses fournisseurs d’armement, s’orientant vers la France, la Chine et d’autres partenaires non occidentaux afin de ne plus dépendre d’une seule source en temps de crise.
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La nécessité d’une refonte en profondeur de la défense nationale se fit encore plus pressante lorsque l’Inde procéda, le 18 mai 1974, à l’explosion d’un engin nucléaire. Cet événement rendit manifeste, aux yeux du Pakistan, l’impératif de développer ses propres capacités nucléaires militaires. Ce qu’il entreprit par la suite — preuve en fut donnée en mai 1998, lorsque le pays mena six essais nucléaires —, mais au prix de lourds embargos imposés par de nombreux fournisseurs d’équipements militaires. Cette situation ne fit que renforcer la nécessité de consolider la BITD locale et de diversifier les sources d’approvisionnement.
Programme nucléaire
Les inquiétudes des États-Unis à propos du programme nucléaire pakistanais conduisirent à l’arrêt de l’aide militaire américaine en 1990. Une conséquence immédiate fut l’embargo sur la livraison des avions F-16 qui devaient être fournis à l’armée de l’air pakistanaise (Pakistan Air Force, PAF). Le fait que la PAF ne reçoive pas les F-16 prévus constitua un coup dur. Raison de plus de développer sa propre BITD.
La solution fut de lancer un vaste programme de modernisation des avions existants de la PAF. Créé dans les années 1970, le Pakistan Aeronautical Complex (PAC – complexe aéronautique du Pakistan) avait été initialement conçu comme centre de maintenance, réparation et révision (MRO) pour les F-6 chinois. L’étape suivante fut l’ouverture de la Mirage Rebuild Factory (MRF – usine de reconstruction des Mirage), qui assurait la prolongation de vie et les services MRO pour la flotte de Mirage de la PAF.
L’expérience acquise dans la maintenance des F-6 et des Mirage, ainsi que les efforts de modernisation, servirent de base au PAC pour se lancer dans la co-développement et la production, avec l’aide de la Chine, de l’avion de combat, aujourd’hui produit en grand nombre pour la PAF.
Avant cela, le Pakistan avait obtenu les droits de production de l’avion d’entraînement de base suédois MFI-15, produit localement sous le nom de Mushshak ; le PAC en développa ensuite une version améliorée appelée Super Mushshak. Initialement acquis pour répondre aux besoins nationaux, le Super Mushshak connut ensuite des ventes à l’exportation, avec des clients tels que l’Azerbaïdjan, l’Iran, l’Irak, le Nigéria, Oman, le Qatar, l’Arabie saoudite, la Syrie et la Turquie.
Avions de chasse
Les ventes du JF-17 à l’étranger représentent un défi bien plus complexe, mais des accords ont d’ores et déjà été conclus avec l’Azerbaïdjan, le Myanmar et le Nigeria. En outre, une éventuelle commande de l’Irak a suscité de nombreuses spéculations. À plus long terme, au-delà du programme JF-17, l’objectif est que le Pakistan soit en mesure de concevoir, développer et produire un avion de combat avancé entièrement indigène.
La question des plateformes aériennes revêt une importance particulière pour le Pakistan : au-delà des missions traditionnelles, elle constitue un pilier central de sa doctrine nucléaire, surtout quand la première arme produite par le Pakistan fut une bombe nucléaire à chute libre, portée par des F-16 et Mirages.
Cependant, le pays devait également acquérir d’autres moyens de livraison, tels que des missiles, qui offriraient à la fois une capacité de dissuasion stratégique et une option de frappe conventionnelle à longue portée. L’armée pakistanaise s’était engagée dans le développement d’un missile balistique tactique (TBM pour Tactical Ballistic Missile) appelé Hatf, doté d’une ogive conventionnelle et d’une portée de 70 km. Les progrès furent lents, mais l’urgence s’accrut après le tir d’essai du missile balistique indien (Prithvi) en février 1988, avec une portée de 150 km.
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La National Engineering & Science Commission (NESCOM – Commission nationale pour l’ingénierie et la science), créée en 2001 comme autorité chargée des grands programmes de défense nationaux, a supervisé le développement d’une vaste famille de missiles : missiles balistiques tactiques, de courte portée (SRBM – Short-Range Ballistic Missile), de moyenne portée (MRBM – Medium-Range Ballistic Missile), y compris des capacités de missile à ogives multiples indépendamment guidées (MIRV – Multiple Independently targetable Reentry Vehicle). En plus de missiles elle supervise et coordonne les programmes de développement en matière de technologies de défense avancées dans les domaines nucléaire, aérospatial et cybernétique.
Missiles de croisière
Le développement de la famille de missiles de croisière Babur, destinée à l’armée pakistanaise et à la marine pakistanaise (Pakistan Navy, PN), a suivi. Ces missiles existent en versions à ogive conventionnelle ou nucléaire. Le missile Babur-1 lancé depuis le sol a été suivi du Babur-1A avec une portée de 450 km et du Babur-1B avec une portée de 900 km, tous deux testés en 2021. On compte également le Babur-2, donné pour une portée de 750 km, et le Babur-3, une version lancée depuis sous-marin, avec une portée de 450 km, pouvant emporter une ogive nucléaire.
La NESCOM a également développé le missile de croisière lancé par avion Ra’ad (ALCM – Air-Launched Cruise Missile), d’une portée de 350 km pour la PAF, capable d’être équipé d’une ogive conventionnelle ou nucléaire. Le Ra’ad 2, version ultérieure, atteint une portée de 600 km. Les deux missiles peuvent être lancés depuis les avions JF-17 ou Mirage de la PAF. Parmi les autres armements aériens issus de la NESCOM, on trouve les bombes planantes guidées et des drones.
Une autre entité publique pakistanaise active dans les missiles, roquettes et armements aériens est Global Industrial Defence Solutions (GIDS – Solutions industrielles de défense mondiales). Elle a développé le missile de croisière lancé par avion Taimur, d’une portée de 290 km, et produit le Takbir Range Extension Kit (REK – kit d’extension de portée), qui transforme les bombes conventionnelles en bombes planantes guidées par GPS (comme l’AASM — Armement Air-Sol Modulaire français). L’entreprise produit également la famille de systèmes de défense aérienne portables (MANPADS), le missile antichar guidé (ATGM – Anti-Tank Guided Missile) Baktar Shikan et que les systèmes de roquettes guidées à lancement multiple (GMLRS – Guided Multiple Launch Rocket Systems) Fatah I (140 km) et Fatah II (400 km). L’entreprise fabrique aussi des drones.
Un programme important actuellement en développement chez GIDS est le système de missile Faaz. Basé sur le missile air-air à moyenne portée guidé radar chinois SD-10, le Faaz sera décliné en plusieurs versions : le Faaz-RF (autodirecteur radar actif) et le Faaz-IIR (autodirecteur infrarouge imageur) pour des applications air-air, tous deux avec une portée supérieure à 100 km, ainsi que le Faaz-SL pour les applications sol-air. GIDS propose également le missile air-air plus récent Faaz-2 qui selon l’entreprise, atteindra une portée de 180 km. Autre développement chez GIDS : le système de défense aérienne autonome monté sur camion LOMADS (Low to Medium Altitude Air Defence System).
Construction navale
Dans le secteur naval pakistanais, l’actif stratégique central, tant pour la construction navale militaire que commerciale, est le Karachi Shipyard & Engineering Works (KSEW – Chantier naval et atelier d’ingénierie de Karachi). L’objectif du Pakistan est d’améliorer les capacités du KSEW en intégrant des transferts de technologies et des exigences de production locale dans les programmes navals. Par exemple, au début des années 1990, la marine pakistanaise (PN) passa commande de trois sous-marins de classe Khalid (Agosta–90B) auprès de DCNS (désormais Naval Group). Le premier fut construit en France, le second assemblé au KSEW, et le troisième entièrement fabriqué au Pakistan. En 2011, le KSEW réalisa les travaux de rétrofit qui ajoutèrent une capacité de propulsion indépendante de l’air (AIP – Air Independent Propulsion) aux trois unités.
En 2015, la PN décida d’acquérir une nouvelle classe de sous-marins d’attaque à propulsion diesel-électrique (SSK – Submarine, Diesel-electric), à savoir huit unités de la version d’exportation (S26) dérivée du modèle chinois Type 039B. Quatre unités sont construites en Chine et quatre au KSEW. La quille de la première unité pakistanaise fut posée en décembre 2022, et celle de la deuxième en février 2024. D’autres programmes en coopération avec la Chine incluent la classe de frégates Zulfiquar.
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La relation navale entre le Pakistan et la Turquie représente un développement important. Un exemple est le pétrolier ravitailleur de flotte PNS Moawin, d’un déplacement de 17 000 tonnes, mis en service en 2018. Ce navire fut construit au KSEW sur la base d’un design fourni par l’entreprise turque STM.
Le programme naval futur le plus ambitieux entre la Turquie et le Pakistan est celui des frégates de classe Jinnah. Ces frégates seront conçues conjointement par ASFAT, organisme turc responsable des corvettes MILGEM, et une équipe de conception de la PN. Au total, la PN prévoit d’acquérir six frégates polyvalentes de cette classe, toutes devant être construites au KSEW.
Partenariat turc
Enfin, L’entreprise turque de défense Repkon a conclu un partenariat stratégique avec Wah Industries Limited (WIL), filiale des POF, en vue de la création d’une installation de production de pointe dédiée aux obus d’artillerie de 155 mm au Pakistan. Cet accord représente une avancée majeure dans la coopération industrielle de défense entre la Turquie et le Pakistan, avec des implications potentielles pour les chaînes d’approvisionnement mondiales en armement, notamment dans le contexte du conflit russo-ukrainien.
Le partenariat prévoit la mise en place d’une ligne de production automatisée de bout en bout, capable de produire 120 000 obus de 155 mm par an, accompagnée d’une ligne moderne de chargement explosif. Ce dispositif vise à renforcer les capacités de production nationales du Pakistan et à réduire sa dépendance aux importations étrangères.
Cet accord pourrait également avoir des répercussions géopolitiques, en particulier à la lumière des récentes activités d’exportation du Pakistan. En 2022, Islamabad a signé un contrat de 364 millions de dollars avec les entreprises américaines Global Military et Northrop Grumman pour la fourniture de munitions à destination de l’Ukraine. Ces livraisons ont été assurées par les Britanniques, via des bases militaires situées à Chypre Sud, avant d’être acheminées vers l’Ukraine.
Quant à HIT, elles constituent une capacité majeure dans le secteur des systèmes terrestres de la défense pakistanaise. Dans les années 1990, HIT a produit sous licence le char chinois Type 85. L’étape suivante consista à produire un char plus avancé, mieux adapté aux besoins de l’armée pakistanaise, avec pour base le Type 90-II chinois, qui donna naissance au char Al Khalid. Il convient également de mentionner le programme Al Zarrar, un projet complet de modernisation du char Type 59, avec plus de 500 unités modernisées.
Le Pakistan avait également assemblé un certain nombre de véhicules blindés M113 à partir de kits fournis par les États-Unis ; après l’arrêt de ces livraisons pour cause d’embargo, HIT développa sa propre version, le véhicule blindé de transport de troupes (APC – Armoured Personnel Carrier) Talha. D’autres variantes furent dérivées du Talha : le Sakb (véhicule de commandement), le Maaz (variante antichar équipée d’un missile Baktar-Shikan), et le Mouz (variante de défense aérienne, armée d’un lanceur de missile RBS 70). HIT développa également une sous-famille allongée avec six roues porteuses. HIT mène également des programmes de remise à neuf pour les M113 et M109 pakistanais, et possède une capacité de fabrication de tubes de canon allant de 105 mm à 203 mm, y compris des canons à âme lisse de 125 mm.
Peu d’exportations
Le Pakistan joue un rôle relativement modeste sur le marché mondial de l’exportation d’armements. Selon les données de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), le pays ne figure pas parmi les dix premiers exportateurs mondiaux. Pour la période 2019-2023, les principaux exportateurs sont les États-Unis (42 % des exportations mondiales), la France (11 %), la Russie (11 %), la Chine (5,8 %) et l’Allemagne (5,6 %).
Malgré cette position marginale, le Pakistan s’efforce d’accroître sa présence sur le marché international de la défense. Il a développé et exporté plusieurs équipements militaires codéveloppés avec la Chine. Ces produits sont proposés à des prix compétitifs, ce qui a permis d’établir des partenariats avec plusieurs pays du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie du Sud.
Dans la perspective d’une autonomie stratégique à long terme, le Pakistan poursuit ses investissements dans son industrie de défense, en modernisant ses capacités, en explorant de nouveaux marchés et en renforçant ses partenariats stratégiques. Par ailleurs, l’exportation de systèmes d’armement confère une dimension supplémentaire à la portée de sa politique étrangère et à la consolidation de ses alliances. Pour ce qui concerne la France, l’âge d’or des relations défense entre Paris et Islamabad est révolu.
L’évolution de la politique d’exportation d’armement française en Asie du Sud s’inscrit dans une logique diplomatique marquée par le renforcement du partenariat stratégique avec l’Inde. Historiquement, la France avait maintenu une coopération ponctuelle, mais significative avec le Pakistan, notamment à travers la fourniture de sous-marins de type Agosta, de radars et de divers équipements militaires. Toutefois, ce lien s’est progressivement distendu à partir des années 2000, dans un contexte de tensions régionales croissantes et de préoccupations liées à la prolifération nucléaire.
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Un tournant décisif est intervenu en mai 2011, lorsque le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, annonça lors d’une visite officielle à New Delhi que la France cesserait la vente d’équipements militaires lourds au Pakistan. Cette déclaration, relayée par The Economic Times, visait explicitement à rassurer l’Inde et à préserver les liens stratégiques qui unissent Paris et New Delhi. Elle traduit une orientation claire de la politique française : privilégier la relation avec l’Inde, considérée comme un partenaire majeur dans la région indo-pacifique, au détriment d’une coopération avec le Pakistan devenue politiquement et diplomatiquement plus risquée.
Cette dynamique a conduit le Pakistan à diversifier ses partenariats en matière de défense, en se tournant notamment vers la Chine, la Turquie ou encore les pays du Golfe pour compenser le retrait progressif de la France et d’autres puissances occidentales.