Sahara marocain : le Conseil de sécurité de l’ONU change son fusil d’épaule

7 novembre 2025

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Sahara marocain : le Conseil de sécurité de l’ONU change son fusil d’épaule

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Le conseil de sécurité de l’ONU a voté en faveur de la résolution 2797 portée par les États-Unis, le 31 octobre. Cette résolution soutient le plan marocain pour le Sahara occidental, reconnu comme la solution la plus réalisable pour clore ce différend territorial vieux de cinq décennies.

Sur les 15 États membres du Conseil de sécurité de l’ONU, dont 5 sont permanents (Chine, États-Unis, Russie, France et Royaume-Uni), 11 ont voté pour l’adoption de cette résolution et 3 se sont abstenus. De son côté, l’Algérie a refusé de prendre part au vote. Pour Amar Bendjama, le représentant permanent d’Alger auprès des Nations Unies, ce texte « ne reflète pas suffisamment la doctrine onusienne en matière de décolonisation ».

Bien que l’Algérie soit membre des dix États élus par l’Assemblée générale pour siéger au Conseil de sécurité pendant deux ans, son retrait au moment du suffrage à main levée n’a en rien changé l’issue du vote. Si la majorité des 15 États présents approuve un texte sans qu’un droit de véto ne soit déposé par un des 5 membres permanents, alors, il est adopté conformément aux dispositions prévues dans la Charte des Nations Unies.

Ce que prévoit la résolution 2797

Le texte est historique dans le sens où il s’appuie pour la première fois sur le plan marocain pour le Sahara, qui prévoit une autonomie placée sous la souveraineté de Rabat. Dans le détail, il appelle le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et son émissaire au Sahara à mener des négociations sur la base de cette proposition pour parvenir à un accord mutuellement acceptable entre toutes les parties.

La résolution 2797 proroge également d’un an la mission de maintien de la paix de l’ONU au Sahara dont le mandat originel a été modifié à la suite de ce vote. De son nom complet, la « Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental » est originellement chargée, comme son titre l’indique, d’organiser un plébiscite auprès des habitants de la zone disputée en vue de déterminer l’avenir du Sahara. En clair, l’indépendance ou l’intégration au Maroc.

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Dans les faits, cette consultation n’a jamais vu le jour depuis la création de la mission onusienne le 24 avril 1991. Les difficultés rencontrées pour définir un corps électoral étant trop grandes, s’est ajouté en 2002 le refus du Maroc d’opter pour une solution référendaire. Position qui a été formulée par le souverain Mohammed VI dans un discours royal à l’occasion du 27ème anniversaire de la Marche Verte.

De son côté, le Front Polisario continue de réclamer l’organisation de ce référendum. Option désormais écartée par l’ONU comme l’a annoncé Mohamed Cheikh Biadillah, ex-président de la Chambre marocaine des Conseillers, auprès du Maroc Diplomatique quelques jours avant le scrutin au Conseil de sécurité : « les 15 membres qui composent le Conseil ne peuvent pas ne pas tenir compte du mouvement qui consolide l’intégrité territoriale du Maroc sur son Sahara. D’ailleurs, l’option référendaire a été écartée. » Quant à la dynamique autour de la souveraineté du Maroc sur cette partie du désert, elle fait (quasiment) consensus à l’international. Aujourd’hui, 120 États sur 193 à l’ONU considèrent désormais le plan de Rabat comme la base la plus sérieuse pour régler ce différend territorial.

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Scènes de liesse au Maroc

Dans un discours retransmis en direct à la radio et à la télévision suite au vote, le  Roi Mohammed VI a déclaré que « nous (les Marocains) vivons une étape charnière et un tournant décisif dans l’histoire du Maroc moderne : désormais, il y aura un avant et un après 31 octobre 2025 [désormais jour de fête nationale, NDLR]. Le temps est venu pour un Maroc uni, s’étendant de Tanger à Lagouira, où personne n’osera bafouer ses droits ou transgresser ses frontières historiques. »

Pour fêter l’événement, les Marocains sont sortis en nombre dans les rues, brandissant des drapeaux verts et rouges. Selon la presse chérifienne, ils étaient des milliers à célébrer cette historique.

Dans cette même allocution royale, le souverain Mohammed VI s’est également adressé aux populations des camps de Tindouf, au sud-ouest de l’Algérie en appelant « sincèrement nos frères (…) à saisir cette opportunité historique pour retrouver les leurs et profiter de l’Initiative d’autonomie, qui leur offre la possibilité de contribuer à la gestion des affaires locales, au développement de leur patrie et à la construction de leur avenir, dans le giron du Maroc uni. »

Selon les derniers chiffres du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés datant de 2018, ces camps rassemblent plus de 173 000 civils originaires du Sahara qui ont fui les affrontements entre le Front Polisario et l’armée marocaine et mauritanienne à partir de 1975, au lendemain des Accords de Madrid partageant entre Nouakchott et Rabat l’administration territoriale de la région alors sous occupation espagnole.

Nouvelle main tendue du Maroc vers l’Algérie

Toujours lors de sa déclaration, le Roi Mohammed VI a adressé un message au pouvoir algérien en appelant le Président Abdelmadjid Tebboune à un « dialogue fraternel et sincère (…) pour jeter les bases de relations nouvelles fondées sur la confiance, la fraternité et le bon voisinage. »

Une sortie en direction de son voisin dans la même veine que celle prononcée lors de la Fête du Trône le 29 juillet dernier où le souverain marocain rappelait déjà la position du Royaume vis à vis d’Alger en exhortant les « Marocains à préserver l’esprit de fraternité, de solidarité et de bon voisinage qui les anime à l’égard de nos frères algériens. »

Cependant, malgré cette volonté affichée d’apaisement, le rejet de la résolution 2797 par Alger laisse planer l’incertitude sur l’avenir des relations bilatérales maroco-algériennes. Cette tension survient alors qu’un espoir d’apaisement semblait poindre. Le 20 octobre 2025, Steve Witkoff, envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient, avait annoncé que Washington travaillait à un “accord de paix” entre le Maroc et l’Algérie dans un délai de soixante jours. Aujourd’hui, cette perspective paraît compromise en raison de la position inchangée de la République algérienne sur le dossier sahraoui.

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Paul-Lionel Quiviger

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