<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Sous-marins. Pourquoi l’Australie a rompu le contrat

19 septembre 2021

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Sous-marins. Pourquoi l’Australie a rompu le contrat

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 L’accord, largement salué dans la région alors qu’il fait l’objet de vives critiques en France, va mettre à disposition de l’Australie la technologie nucléaire américaine et britannique pour la construction de huit sous-marins. Cet accord amplifie ceux qui l’ont précédé et auxquels il était reproché de ne pas refléter l’évolution des rapports de force dans la région Indo-Pacifique.

Article de John Power paru dans le South China Morning Post, 16 septembre 2021. Traduction de Conflits.

Le projet australien de construction de huit sous-marins à propulsion nucléaire dans le cadre d’un pacte de sécurité indo-pacifique avec les États-Unis et la Grande-Bretagne a ébranlé le statu quo de la sécurité régionale en renforçant des capacités de coercition qui étaient absentes des accords précédents.

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Peut-être encouragera-t-il aussi à donner davantage d’importance aux alliances défensives et aux groupements de sécurité existants, critiqué pour leurs fonctions et objectifs décrits comme ambigus et ne reflétant pas l’évolution de l’équilibre des pouvoirs dans la région. Pourraient être concernés des groupements tels que le Quad (Dialogue quadrilatéral pour la sécurité ou QSD), l’alliance des services de renseignement Five Eyes et les Five Power Defence Arrangements (FPDA), un groupement de pays d’Asie du Sud-Est anglophones, ou « durian pact », alliance d’un caractère particulier ainsi nommée en référence à l’arbre tropical poussant dans la région.

Ashley Townshend, directeur des études de politique étrangère et de défense au département d’études sur les États-Unis de l’université de Sydney, a salué « un signe de la volonté de l’administration Biden de donner du pouvoir à des alliés proches tels que l’Australie en leur fournissant une assistance technologique de défense particulièrement avancée », un signe « surprenant et extrêmement bienvenu comme Washington a rarement été disposé à en faire ». « C’est la marque d’une approche nouvelle, plus stratégique, quant au travail collectif avec les alliés sur les priorités de défense dans l’Indo-Pacifique ».

Projection australienne

Wu Shang-Su, chargé de recherche à la S. Rajaratnam School of International Studies de Singapour, a parlé quant à lui d’une évolution « remarquable » sur le plan politique et militaire. « Sur le plan militaire, l’étendue et la localisation du territoire concerné permettront de remplir les exigences de la flotte sous-marine de Canberra, qui sera en mesure de se déplacer rapidement sans être limitée par le carburant et les batteries », a déclaré Wu. « L’énergie nucléaire est la technologie dont nous pouvons le plus disposer pour améliorer la flotte de sous-marins australiens. Ainsi, la présence militaire de Canberra à l’étranger aura une portée plus grande et une capacité de réaction plus rapide ».

Le Premier ministre australien Scott Morrisson a décrit le partenariat, baptisé AUKUS, comme la progression la plus importante du pays en matière de sécurité depuis la signature, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, du traité ANZUS entre Australie, Nouvelle-Zélande et États-Unis. L’Australie sera ainsi le second pays à avoir accès à la technologie nucléaire américaine, après la Grande-Bretagne en 1958.

« Nous sommes indubitablement entrés dans une nouvelle ère, où de nouveaux défis se font jour pour l’Australie et nos partenaires, amis et pays de toute la région », a déclaré M. Morrison, qui a parlé de la fin d’un « environnement sans grands risques » pour la sécurité du pays.

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Bien que l’accord ne mentionne pas nommément la Chine, l’ambassade de Pékin aux États-Unis a déclaré que les pays ne devaient pas créer de « blocs d’exclusion », appelant les trois partenaires à « se défaire de leur mentalité de guerre froide et de leurs préjugés idéologiques ».

John Blaxland, ancien officier du renseignement et professeur au Centre des études stratégiques et de la défense de l’Université nationale d’Australie, a déclaré que l’extension des capacités militaires de la Chine et ses déclarations d’intention « troublantes » avaient mis un coup de pied dans la fourmilière de la complaisance du pays concernant la sécurité.

Les nouveaux sous-marins de l’Australie

La première initiative AUKUS verra les États-Unis et la Grande-Bretagne transférer des technologies nucléaires sensibles à l’Australie, pays qui n’est doté ni d’armes nucléaires ni d’une industrie nucléaire nationale. Ce plan, qui fournira à l’Australie une technologie de propulsion nucléaire mais pas d’armes, représente un changement majeur par rapport à la réticence qu’avaient toujours eu les États-Unis au partage de leur savoir-faire nucléaire, réticence motivée par la non-prolifération.

La signature de cet accord signifie l’abandon par Canberra du projet longuement retardé de 90 milliards de dollars américains pour la construction de 12 sous-marins diesel de conception française à Adélaïde. Cette décision a suscité la colère de la France, l’accord ayant encore été confirmé par les dirigeants australiens il y a deux semaines.

Les sous-marins nucléaires sont plus rapides, plus silencieux et capables de fonctionner plus longtemps que leurs homologues diesel, ce qui représente un avantage stratégique d’importance pour les patrouilles de Canberra dans les eaux contestées, notamment en mer de Chine méridionale.

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En effet, Pékin s’adonne aujourd’hui à un renforcement militaire d’ampleur dans cette voie navigable stratégique, où ses revendications d’expansion ont provoqué des frictions avec les pays d’Asie du Sud-Est et Taïwan. En 2019, un rapport du département des études sur les États-Unis de l’Université de Sydney mettait en garde contre la capacité qu’avait la Chine de paralyser les bases militaires et la flotte navale des États-Unis dans le Pacifique avec des missiles balistiques de haute technologie dès les premières heures d’un conflit. La même année, les États-Unis comptaient 69 sous-marins à propulsion nucléaire, tandis que le Pentagone estimait l’an dernier à six le nombre de sous-marins à propulsion nucléaire dont disposerait la Chine, et à 46 leurs engins diesel, un nombre qui devrait augmenter considérablement pendant la prochaine décennie.

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Le South China Morning Post est l'un des plus anciens journal d'Asie. Il a été fondé en 1903 à Hong Kong. La marque possède aujourd'hui de nombreux titres de presse et diffuse en Chine continentale, à Hong Kong et dans le reste de l'Asie. C'est l'un des principaux journaux de langue anglaise de la région.
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