Un sommet à Samarcande pour les relations UE – Asie centrale

2 avril 2025

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Flag of Uzbekistan President s car at the Elysee palace in Paris on March 12, 2025.//01ACCORSINIJEANNE_PRUZ.0023/Credit:JEANNE ACCORSINI/SIPA/2503121401

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Un sommet à Samarcande pour les relations UE – Asie centrale

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Les 3 et 4 avril 2025, Samarcande accueillera un événement diplomatique majeur : le tout premier sommet entre l’Union européenne (UE) et les pays d’Asie centrale. L’occasion de tisser des relations économiques et politiques avec ces anciens pays d’URSS et donc de s’immiscer dans l’étranger proche de la Russie.

Présidé par le président ouzbek Shavkat Mirziyoyev, le sommet réunira les dirigeants du Kazakhstan, du Kirghizistan, du Tadjikistan, du Turkménistan ainsi que les hauts représentants de l’UE, Antonio Costa et Ursula von der Leyen. Cette rencontre historique vise à intensifier la coopération, en particulier économique, entre les deux régions.

Un partenariat ouzbéko-européen bien ancré

Depuis l’indépendance de l’Ouzbékistan, la relation avec l’UE s’est structurée progressivement. Dès 1992, un protocole d’accord a été signé avec la Commission européenne, et des relations diplomatiques formelles ont été établies en 1994. L’ambassade ouzbèke à Bruxelles représente également le pays auprès de l’UE depuis 1995. En 1996, l’Accord de partenariat et de coopération (APC) a été signé, puis est entré en vigueur en 1999.

Avec les réformes engagées par Shavkat Mirziyoyev à partir de 2017, la coopération s’est intensifiée. L’UE a alors qualifié l’Ouzbékistan de « partenaire stratégique », et les deux parties ont élargi le cadre juridique de leurs relations. L’un des tournants majeurs a été l’octroi, en 2021, du statut de bénéficiaire du SPG+ (Système de préférences généralisées), puis la signature en 2022 d’un accord de partenariat renforcé.

Une dynamique commerciale en forte croissance

Entre 2017 et 2024, le commerce bilatéral Ouzbékistan–UE a plus que doublé, atteignant 6,4 milliards de dollars. Les exportations ouzbèkes vers l’UE ont été multipliées par 3,6, atteignant 1,7 milliard de dollars, et les importations ont progressé de 2,2 fois pour atteindre 4,7 milliards. En 2024, l’UE représentait 9,7 % du commerce extérieur ouzbek, devenant son 3e partenaire commercial après la Chine et la Russie.

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Cette évolution est attribuable à la montée en compétitivité de l’économie ouzbèke et aux avantages du SPG+. En 2024, 59 % des exportations vers l’UE ont bénéficié des préférences douanières du SPG+, dont le taux d’utilisation atteint 84 %, un signe d’efficacité.

Les principaux produits exportés sont les produits chimiques (52,1 %), suivis des textiles, des métaux, des minéraux et des produits agricoles (fruits, légumes, épices, etc.). La France est le premier importateur européen de produits ouzbeks (47,2 % des exportations vers l’UE), suivie de la Lituanie et de la Lettonie.

Les investissements européens en forte hausse

L’investissement direct étranger en provenance de l’UE a connu une croissance spectaculaire. En 2024, ils ont atteint 4,1 milliards de dollars (contre 2,3 milliards en 2023), soit une augmentation de 77 %.

Le sommet de 2025 à Samarcande pourrait devenir un catalyseur de développement économique régional. Plusieurs axes stratégiques sont identifiés :

Intégration industrielle : Renforcer l’intégration de l’Ouzbékistan dans les chaînes de valeur mondiales, notamment via des projets communs avec la France dans les domaines de l’énergie, des matières premières, des infrastructures et du transport (6,5 milliards d’euros).

Corridors logistiques : Face à l’éloignement géographique et aux restrictions de transit via la Russie, la mise en place de la route multimodale transcaspienne devient cruciale. Elle s’inscrit dans le cadre de l’initiative « Global Gateway » de l’UE, qui prévoit 340 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures d’ici 2027.

Optimisation du SPG+ : Le SPG+ ouvre des opportunités dans les exportations de fruits secs, textiles et produits industriels. Une assistance technique européenne est souhaitée pour certifier les produits ouzbeks selon les normes de l’UE et soutenir le processus d’adhésion à l’OMC.

Développement du tourisme : L’accueil d’entreprises européennes dans le secteur touristique ouzbek permettrait de renforcer les flux en provenance de l’UE, notamment grâce à l’exemption de visa.

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Le président du Conseil européen, Antonio Costa, a souligné la nécessité d’un engagement collectif pour la paix, la prospérité et le développement durable dans un monde multipolaire. Samarcande, symbole d’échanges culturels et commerciaux depuis la Route de la Soie, est ainsi appelée à redevenir un carrefour stratégique entre l’Europe et l’Asie.

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