1942. Français dans un monde en guerre

1 avril 2023

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1942. Français dans un monde en guerre

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L’année 1942 est toujours présentée dans les manuels comme le « tournant de la guerre », avec comme repères l’ouverture de la bataille de Stalingrad et le déclenchement de l’opération Torch en Afrique du Nord. Ce nouveau numéro de la Revue historique des armées analyse la présence des Français dans la guerre et leur rôle dans les différentes opérations. 

Revue historique des armées – service historique de la défense – 1942, français dans un monde en guerre. Numéro 307 – année 2022 – 15 €. 

L’année 1942 est toujours présentée dans les manuels comme le « tournant de la guerre », avec comme repères l’ouverture de la bataille de Stalingrad et le déclenchement de l’opération Torch en Afrique du Nord.

 L’objet de ce numéro de la revue historique des armées ne relève pas de cette démarche, mais bien d’une volonté de son comité scientifique de présenter une sorte de point d’étape, spécifiquement consacré aux Français pendant la guerre, ce qu’il faut d’ailleurs différencier de « la France pendant la guerre ». Les deux thématiques se regroupent bien évidemment, mais les travaux des chercheurs qui sont ici présentés apportent un éclairage particulier à cette période.

Géraud Létang, dans son introduction scientifique, prend d’ailleurs de grandes précautions en matière historiographique pour défendre le choix de cette année 1942. C’est le cas de tous les belligérants, mais pour la France et les Français, le cas est un peu particulier. L’année 1942 est marquée par différents événements majeurs, comme les rafles de juillet 1942, le passage à une collaboration plus active, déjà commencée avec l’amiral Darlan, mais qui se renforce avec Pierre Laval, le renforcement de la résistance intérieure. Il ne faut pas oublier non plus l’occupation de la zone sud et la dissolution de l’armée d’armistice. 

Incontestablement ce numéro de la revue historique des armées constitue un tournant dans le traitement de l’histoire de la France pendant la Seconde Guerre mondiale. En élargissant cela aux Français, où qu’ils se trouvent, civils ou militaires, ce numéro redonne tout son sens à la notion d’histoire globale. Peut-être une déclinaison d’un autre ouvrage, celui d’une histoire mondiale de la France, qui a beaucoup fait parler d’ailleurs. Après tout, c’est bien d’une histoire mondiale de la France pendant cette année 1942, qu’il est question.

Éditorial
Professeur Walter Bruyère-Ostells p.1

DOSSIER

1942 : Français dans un monde en guerre

Géraud Létang p. 2-8

Une nouvelle fois oubliée ? L’action du génie à Bir Hakeim. La sous-représentation des armes d’appui et de soutien dans la littérature militaire

Lieutenant-colonel Ivan Cadeau p. 9-18

Si le génie est une arme savante, force est de constater qu’à l’exception des sapeurs de la légion reconnaissable à leur tablier de cuir lors du défilé du 14 juillet, les unités du génie sont souvent les grandes oubliées de l’histoire militaire. L’infanterie et la cavalerie, comme armes de mêlée, sont davantage mises en avant tandis que le sapeur le plus célèbre reste celui qui porte le nom d’un fromage normand. Rien de bien glorieux en effet, d’autant que le personnage se distingue surtout par ces différentes facéties.

Le lieutenant-colonel Cadeau rend justice à cette arme. Il apporte un éclairage particulier lors du récit de la bataille de Bir Hakeim en rappelant que le lieutenant-colonel André Gravier qui commande le génie de la première brigade française libre semble régler des comptes avec le général Koenig à propos de la conduite des opérations. Les sanctions demandées par le général à l’encontre de son subordonné n’ont certainement pas arrangé les choses. La structuration des armées françaises organisées autour de divisions de plus de 15 000 hommes, associant trois régiments d’infanterie, des unités de cavalerie d’appui et de soutien, fait passer le génie au second plan. Une partie des effectifs se trouve également en base arrière, sans participation directe au combat.

Le lieutenant-colonel Cadeau reprend dans le détail la conception du camp retranché de Bir Hakeim qui avait pour vocation de retarder l’adversaire. La résistance de la première brigade qui a ralenti l’offensive germano-italienne avant de se retirer a permis aux Britanniques de se reconstituer et de remporter la victoire d’El Alamein que l’on place souvent parmi les événements militaires décisifs de cette année 1942.

Le camp retranché de Bir Hakeim dont les Français prennent possession à la mi-février 1942 est entouré d’une ligne de défense sous forme de champs de mines totalisant 11 900 engins, ainsi que d’un « marais de mines, sur une superficie beaucoup plus étendue, avec plus de 60 000 engins.

Ce dispositif permet de canaliser les offensives ennemies et de les diriger vers les positions antichars des défenseurs. L’action des sapeurs qui ont contribué à l’aménagement du camp, notamment de l’observatoire d’artillerie, semble avoir été essentielle même si la rivalité entre le lieutenant-colonel Gravier et le général Koenig semble avoir terni ce bilan. L’auteur de cet article rend ainsi justice à ces sapeurs en rappelant que dans l’iconographie de Bir Hakeim, ce sont surtout les légionnaires qui sont mis en avant.

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Hitler a provoqué la Seconde Guerre mondiale… mais Staline l’a bien aidé !

Raconter le Normandie-Niémen 1942-2022 : de l’épopée à l’histoire

Claude d’Abzac-Epezy p. 119-36

La constitution de cette escadrille est très clairement le résultat de la volonté du général de Gaulle qui entend affirmer la présence des Français libres partout où l’on se bat. Le choix est d’abord politique avant d’avoir un impact militaire. Pour les Soviétiques, dont on peut supposer qu’ils ne sont pas dénués d’arrière-pensées, la présence de Français directement engagés dans des actions de combat leur permet de renforcer leur image d’allié fiable et résolu, et de faire oublier le pacte germano-soviétique. Quelques mois plus tard, en mai 1943, Staline prend la décision de dissoudre l’internationale communiste, une façon de montrer que le projet de l’Union soviétique n’est plus la révolution mondiale telle que définie lors de la création du Komintern en 1919.

Du point de vue des effectifs, cette escadrille de chasse ne réunit au total que 99 pilotes. Pour autant, même si le bilan en termes de victoires confirmées demeure significatif, il ne change pas le cours de la guerre. L’auteur de cet article n’hésite pas à dire que ce récit héroïque relève très largement d’une reconstruction. Le vocabulaire employé, de l’épopée à la légende, ne fait pas l’économie de superlatifs tout comme la fraternité d’armes entre les Soviétiques et les pilotes français. Les cérémonies commémoratives, notamment celle de 2022 pour le 80e anniversaire de l’unité, contribuent à entretenir cette légende dont la construction a commencé dès 1942. La mission militaire française de Moscou dirigé par le général Petit se fait le relais du moindre événement. Dès 1946 le journal de marche et d’opérations, rédigé par plusieurs anciens de l’escadrille, est publié au profit des caisses de l’association Normandie – Niémen. Dans cet article l’auteur analyse les non-dits de ce récit. Au sein de l’escadrille, la méfiance existait entre les protagonistes, ceux qui haïssaient les communistes et des compagnons de route. Quelques épisodes plus gênants relatés dans l’ouvrage d’Yves Courrière sont également passés sous silence dans le récit dominant. On rappelle cet épisode où le capitaine Léon Cuffaut se serait volontairement éjecté de son appareil pour donner plus de vraisemblance dans un combat aérien qui n’aurait jamais existé.

On lira avec intérêt cet article qui permet de montrer que la falsification de l’histoire est en elle-même un objet d’histoire. Et aussi glorieuse soit l’épopée de l’escadrille Normandie Niémen, elle n’échappe assurément pas au regard de l’historien.

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Livre. Les mythes de la Seconde Guerre mondiale

Rouen, 17 août 1942 : l’US Army Air Force entre en guerre. Doctrine aérienne, expérience combattante et civils français sous les bombes

Jean-Charles Foucrier p. 37-50

C’est effectivement le 17 août 1942, sur le centre ferroviaire de Sotteville-lès-Rouen que l’U.S. Air Force a été engagé pour la première fois sur le front européen. L’objectif des chefs de l’armée de l’air américaine est d’obtenir la création d’une force indépendante des forces terrestres.

Lorsque l’on compare les effectifs engagés à cette époque avec les opérations aériennes actuelles, on est surpris évidemment par l’importance des appareils engagés. Le raid a lieu de jours, avec une escorte de près de 300 chasseurs Spitfires, et 12 bombardiers B 17 seulement sont engagés. Les bombes sont lancées à 7000 m d’altitude et provoquent quelques dégâts sur les installations ferroviaires. L’auteur de l’article s’intéresse essentiellement à l’élaboration de cette doctrine du bombardement massif qui a été élaborée pendant les années 20 dans l’Alabama. Il ne faut pas oublier que l’armée américaine n’a pas connu d’expérience du bombardement pendant la Première Guerre mondiale et que tout est à inventer en la matière. Le père de l’U.S. Air Force et le général Billy Mitchell qui passe d’ailleurs en cour martiale pour avoir osé déclarer en 1926 que la défense des États-Unis devait reposer avant tout sur une aviation indépendante. Autour du général Mitchell c’est toute une série d’officiers supérieurs à qui l’on attribue le nom de « bomber mafia » qui développe la théorie du réseau industriel que l’on connaît mieux sous le nom de bombardement stratégique. Le but du jeu est de dérégler le système économique d’une nation en ciblant quelques systèmes productifs clés de son réseau industriel comme ces sources de matières premières et sa production d’électricité. On remarquera le lien inévitable que l’on peut faire avec les attaques russes sur les infrastructures ukrainiennes.

Dès 1941, alors que les États-Unis ne sont pas encore engagés dans la guerre, le projet d’une offensive aérienne prolongée contre le potentiel militaire et industriel de l’Allemagne est envisagé. Les centres de production d’électricité, les industries pétrolières et la gare de triage sont désignés comme des cibles stratégiques. En avril 1942 c’est le général Marshall qui planifie l’arrivée massive des premières forces américaines au Royaume-Uni et il est accompagné d’un autre général, peu connu à l’époque, Dwight Eisenhower. Ce sont ces hommes qui préparent l’offensive alliée en Europe qui porte le nom d’opérations Roundup. (Rien à voir avec le glyphosate ?). 

Les tensions apparaissent rapidement entre les Britanniques partisans d’offensive en Méditerranée et les Américains qui entendent attaquer l’Europe du Nord-Ouest, et notamment les infrastructures portuaires de Brest et de Cherbourg. Les généraux américains doivent s’incliner devant la décision politique de Roosevelt lui-même très influencé par Churchill. Ce dernier considère que les bombardements stratégiques ne suffiront pas à faire capituler le Reich, et il est vrai que l’échec du blitz allemand contre l’Angleterre entre septembre 1940 et mai 1941 est un argument sérieux. Le premier bombardement stratégique de l’U.S. Air Force sur l’Europe a lieu sur les installations pétrolifères de Ploesti en Roumanie dès le 12 juin 1942. Mais c’est le raid sur Rouen qui représente la première opération planifiée et surtout largement médiatisée dans une logique de lobbying entreprise par les chefs de l’U.S. Air Force.

Le débriefing a lieu devant les caméras de la Paramount avec une véritable mise en scène organisée par les généraux Spaatz et Eaker, avec gros cigare et blouson bomber. 

L’auteur de cet article, Jean-Charles Foucrier note qu’à aucun moment on ne se préoccupe des dommages collatéraux sur les populations civiles françaises. Très rapidement les limites de ce modèle apparaissent, car l’aviation de chasse allemande s’adapte rapidement à cette menace diurne en attaquant directement les bombardiers avec des canons de 20 et de 30. Le bombardement sur Lille avec neuf bombes qui tombent à 500 m de la cible et quatre avions abattu est évidemment un échec.

De l’autre côté du viseur, dont la précision est toute relative, ce sont les populations civiles qui subissent les conséquences directes de ces bombardements. Le de bombardement de Rouen génèrent près de 200 morts au total. Bien que le préfet de Rouen soit un ardent soutien de la révolution nationale, on constate que l’opinion publique a assez rapidement la page malgré le nombre élevé de morts. Pourtant il y aura plus de 800 victimes à Rouen le 19 avril 1944. Mais ce qui est observé en réalité, c’est surtout la préoccupation des populations à propos du ravitaillement. Le bombardement semble être ressenti comme une fatalité. Encore une fois le rapprochement peut être fait avec la situation en Ukraine, même s’il ne faut jamais oublier que dans le cas de ce conflit à l’est de l’Europe, la Russie vise délibérément des infrastructures civiles avec des moyens pourtant bien plus précis que ceux dont disposaient les stratèges de l’U.S. Air Force.

Les savoir-faire tactiques à l’épreuve d’un choc opératif : l’opération « Jubilee » (Dieppe, 19 août 1942)

Lieutenant Aurélien Renaudière p. 51-68

L’opération de débarquement sur Dieppe le 19 août 1942 est parfois présentée comme une sorte de préparation du débarquement de Normandie en 1944. Pourtant, en dehors d’une certaine ressemblance à propos du lieu d’intervention des troupes canadiennes, les objectifs et la finalité sont fondamentalement différents. Ce sont près de 6000 hommes et 230 navires qui ont été engagés. Face à la défense allemande, en fin de matinée, les troupes débarquées repartent sous le feu allemand en ayant perdu près de 10 % de l’effectif engagé. Le lieutenant Renaudière qui a rédigé cette étude aborde à propos de l’opération « jubilée », la problématique historiographique dans le traitement de cet événement. Les autorités militaires canadiennes ont très rapidement repris à leur compte les éléments de cette intervention. Pour la Grande-Bretagne, le contexte de cette année 1942, au moment où ce débarquement est envisagé n’est d’ailleurs pas très favorable. Les succès à venir de la fin de l’année 1942 ne se sont pas encore produits. L’état-major britannique envisage toujours une stratégie indirecte contre la forteresse Europe avec des actions de contournement. Le but de la manœuvre relève du harcèlement des positions adverses imposant à l’ennemi l’immobilisation des troupes sur le littoral français dans une perspective d’action périphérique sur un autre front. D’après l’auteur de cet article, cette opération militaire relève plutôt d’une action d’influence au moment où la situation britannique n’est pas favorable avec la chute de Singapour en février 1942 et celle de Tobrouk en juin. Après l’échec de Moscou, la reprise de l’avancée des troupes allemandes pendant l’été 1942 vient entamer le moral des alliés. En réalité, dès le départ, cette opération militaire ne vise pas à installer une tête de pont permanente pour acheminer des troupes et reconquérir un territoire, mais plutôt à marquer les esprits, y compris au sein du Commonwealth, en associant des troupes canadiennes déjà présentes sur le territoire britannique. Le niveau des troupes canadiennes engagées et celui d’unités de réserve appuyées par des commandos qui préparent le débarquement par des sabotages. Le renseignement britannique considère que les troupes allemandes présentes dans le secteur sont de faible valeur, largement dégarnies par les besoins sur le front de l’Est. En réalité leur position défensive et la valorisation des points de défense avec des réseaux de barbelés et des mitrailleuses très positionnées les rendent particulièrement aptes à mener le combat face à des troupes débarquées.

L’échec final a tout de même été largement étudié et a peut-être permis d’envisager différemment le débarquement en Afrique du Nord ont novembre 1942. Des leçons ont été également été tirées pour la préparation des blindés dont il faut nécessairement prévoir l’adaptation au milieu amphibie. 

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Opération Husky (10 juillet 1943) Débarquement en Sicile

Alger, novembre 1942 : de l’improbable champ de bataille à l’impossible capitale. La construction d’un espace anglo-américain en Afrique du Nord

Kamil Perrussel p. 69-82

Cet article conséquent du fait de sa longueur m’amène à évoquer ce film réalisé en 1982 par Alexandre Arcady dans lequel jouent, entre autres, Roger Hanin et Philippe Noiret. Le titre est : « le grand carnaval ». Il s’agit entre autres d’une évocation de l’impact du débarquement allié en Algérie et au Maroc sur les populations locales, et tout particulièrement les Européens d’Algérie. Ce sont essentiellement les Américains qui apparaissent comme « exotiques » dans cette société qui semble immobile depuis le début de la guerre.

L’auteur de l’article traite essentiellement de l’impact de la présence des troupes anglo-américaines sur la ville d’Alger qui devient le lieu d’élaboration et d’expérimentation de la politique française des États-Unis. C’est à Alger que se déroulent les tensions entre De Gaulle et Giraud, c’est dans la ville blanche que s’organise l’appareil administratif et militaire des forces alliées en Méditerranée, et c’est également à partir des rives de l’Afrique du Nord que les forces américaines veulent s’installer pour mener des opérations préliminaires à la libération de l’Europe.

La stratégie de l’opération Torch qui commence le 8 novembre 1942 repose sur quatre débarquements simultanés au Maroc et en Algérie. Le contingent est composé de 100 000 hommes transportés par 800 navires et la ville d’Alger est conquise par 20 000 hommes. Il n’y a pas de combats significatifs dans ce secteur et le général Juin transfère le contrôle de la ville aux forces alliées dans la journée. Ce n’est pas le cas à Oran comme au Maroc où les forces de Vichy opposent une certaine résistance. Le renseignement américain considérait que les Français d’Afrique du Nord n’opposeraient aucune résistance à ce débarquement.

Pour l’ensemble de l’opération, le bilan des pertes alliées se situe entre 1149 et 2235 victimes.

L’article est illustré très largement et l’on trouve la reproduction du tract avec le message du président des États-Unis reproduit recto verso en français et en arabe.

Avec l’occupation anglo-américaine, la ville change de statut. Des pouvoirs nationaux cohabitent avec des administrations militaires et la place d’Alger devient un centre de commandement. L’état-major du général Eisenhower emploie plus de 4 000 militaires, dont près de 1 000 officiers.

La question de la cohabitation avec la population locale qui réunit des Européens et des colonisés n’est pas spécialement simple à gérer. Par ailleurs la ville sert de plate-forme logistique pour permettre le réarmement français, mais également la poursuite des opérations militaires en direction de la Tunisie. D’après l’auteur de l’article, la ville se transforme en entrepôt géant à ciel ouvert un avec une appropriation de l’espace public en incluant les lieux de loisirs comme les huit stades, mais aussi 110 écoles sur 130 que compte la ville. Les espaces occupés par les troupes britanniques et américaines sont d’ailleurs différents, y compris pour les lieux de détente et de loisirs. La pression se retrouve également dans le domaine de l’immobilier avec une forte demande de logements pour les officiers qui se traduit par une flambée des prix.

Par ailleurs il ne faut pas oublier qu’Alger devient la capitale provisoire de la France en guerre avec tous les rapports de force qui peuvent s’exercer au niveau du personnel politique local dans les interactions avec les représentants de la France libre. Pendant la période 1942-1944, la ville d’Alger a pu constituer une zone grise en termes de logique concurrente avec un statut juridique qui n’est pas clairement défini. En réalité on assiste à une superposition d’administration, au sens premier du terme qui a pu désorienter les habitants de la ville blanche. Certains ont pu tirer profit de cette situation, notamment les brasseurs qui se sont mis à produire sous licence du Coca-Cola, sous contrôle étroit de l’administration militaire américaine, tandis que les Européens d’Algérie découvraient un nouveau mode de vie, quelques mois avant même que les Français de métropole ne rencontrent leurs libérateurs.

Vers la révolution nationale… Et au-delà ? Ou comment la Légion française des combattants survit à l’année 1942

Anne-Sophie Anglaret p. 83-90.

Au-delà du coup de projecteur sur l’année 1942, cet article présente l’immense intérêt de fournir une mise en perspective sur cette organisation qui est née en août 1940 et qui avait pour objectif de se substituer à toute la nébuleuse des organisations d’anciens combattants qui s’étaient développées pendant l’entre-deux-guerres. La légion française des combattants est intimement associée au maréchal Pétain et à l’idéologie de la révolution nationale qu’elle souhaite promouvoir. Le retour au pouvoir de Pierre Laval en avril 1942 semble mettre fin à l’apogée de la légion française des combattants. Elle constituait pourtant la seule organisation de masse du régime avec plus de 1 100 000 membres en zone sud et 1 425 000 dans l’ensemble de l’empire et des territoires sous domination française.

Cette organisation est très largement présente sur l’ensemble du territoire français, dans les villes comme dans les campagnes, car elle s’appuie sur le réseau associatif des associations d’anciens combattants qu’elle a remplacés. Regroupant au départ des anciens combattants, elle de se transforme, à partir d’août 1941, en légion française des combattants et des volontaires de la révolution nationale. Elle aurait pu représenter une sorte de parti unique sur le modèle de ce qui pouvait exister dans les régimes totalitaires. En réalité le régime de Vichy, même s’il entretient le mythe de l’ancien combattant légionnaire, fait souvent peu de cas des prises de position de ses dirigeants. Pourtant, globalement, la fidélité au maréchal Pétain permet de maintenir l’unité de l’organisation.

Issu de la légion française des combattants, le service d’ordre légionnaire se développait sous l’impulsion de Joseph Darnand avec un choix délibéré pour l’activisme politique. L’organisation est très largement militarisée au niveau de sa hiérarchie et même si son armement n’est pas envisagé, ce qui ne sera pas le cas de la milice, elle intervient très directement dans la lutte contre la résistance. Ses ennemis sont clairement désignés dans l’hymne du service d’ordre légionnaire, intitulé le champ des cohortes. Le dernier couplet désigne clairement les ennemis : « SOL faisons la France pure/bolcheviques, francs-maçons ennemis/Israël ignoble pourriture/écœurée, la France vous vomit. »

Le service d’ordre légionnaire prend, surtout à partir de 1942, son autonomie par rapport au reste de l’organisation. À partir de 1943 il devient la milice française. La légion des combattants regroupe les anciens, ceux qui sont issus des organisations d’ancien combattant d’avant-guerre, tandis que les plus jeunes s’engagent dans la milice. Beaucoup d’entre eux restent très attachés à l’engagement de 1940 et à l’idéal de la révolution nationale. Le retour au pouvoir de Pierre Laval ne se traduit d’ailleurs pas par une vague de démissions, en tout cas pas avant 1943. En 1944 beaucoup de ses dirigeants se font particulièrement discrets, notamment dans les petites communes, lorsqu’ils sentent le vent tourner et le temps de la libération venu.

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Géraud Létang p. 91-100

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Un évêque à la Croix-Rouge : missions catholiques, France libre et œuvres de guerre à Brazzaville (1940-1945)

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La « liste Otto » : guerre aux livres

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1942, La Marine dans les fonds iconographiques du SHD

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À propos de l’auteur
Bruno Modica

Bruno Modica

Bruno Modica est professeur agrégé d'Histoire. Il est chargé du cours d'histoire des relations internationales Prépa École militaire interarmes (EMIA). Entre 2001 et 2006, il a été chargé du cours de relations internationales à la section préparatoire de l'ENA. Depuis 2019, il est officier d'instruction préparation des concours - 11e BP. Il a été président des Clionautes de 2013 à 2019.
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