<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Série d’été – La Croisade contre les Albigeois : politique et géographie

21 juillet 2024

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Photo : La bataille de Muret d'après une enluminure du xive siècle. (c) Wikipedia

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Série d’été – La Croisade contre les Albigeois : politique et géographie

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La Croisade contre les Albigeois (1209-1229) représente un épisode majeur de l’histoire médiévale française, mêlant enjeux religieux et politiques. Proclamée par l’Église contre l’hérésie cathare, cette croisade a entraîné une série de conflits qui ont abouti à l’annexion du Languedoc par la couronne de France et à l’éradication du catharisme en tant que mouvement religieux.

Le catharisme apparut en Languedoc au cours du XIIe siècle, proposait une vision dualiste du monde où deux principes divins, le Bien (Dieu) et le Mal (Satan), s’opposaient. Selon les cathares, le monde matériel, création de Satan, était intrinsèquement mauvais, et les fidèles devaient mener une vie ascétique pour se libérer de leur condition charnelle et atteindre la pureté spirituelle. Les cathares rejetaient les sacrements ainsi que l’ordre social et politique de leur temps, ce qui posait un problème à l’Eglise et aux autorités politiques, soucieux de maintenir une unité doctrinale et territoriale.

Les efforts initiaux pour contrer cette hérésie, comme le concile de Lombers en 1165, furent insuffisants. La situation s’aggrava sous le règne de Raymond VI de Toulouse, dont l’attitude ambivalente envers les cathares n’aida pas à résoudre le problème. L’assassinat de Pierre de Castelnau, légat pontifical, en 1208, catalysa la décision du pape Innocent III de lancer une croisade.

Déroulement de la croisade

La croisade débuta en 1209, avec une armée de croisés dirigée par le légat Arnaud Amaury et Simon de Montfort. Raymond VI de Toulouse fit amende honorable pour éviter l’attaque sur ses terres, tandis que Raimond-Roger Trencavel, vicomte de Béziers et de Carcassonne, se prépara à la défense.

La Prise de Béziers (1209) : Le 22 juillet 1209, les croisés assiégèrent Béziers. Une imprudence des défenseurs permit aux croisés d’entrer dans la ville, qui fut mise à sac. La ville de Béziers, défendue par les habitants eux-mêmes en l’absence de Trencavel, ne put résister à l’assaut massif des croisés. La célèbre phrase « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens » est apocryphe et n’a jamais été prononcée par les assiégeants.

La Prise de Carcassonne (1209) : Après Béziers, les croisés se dirigèrent vers Carcassonne, qui capitula le 15 août 1209 après un siège difficile. Trencavel fut fait prisonnier et mourut peu après en captivité, probablement de dysenterie bien que des rumeurs d’assassinat circulèrent. Simon de Montfort fut nommé vicomte de Carcassonne et poursuivit la lutte contre les cathares, consolidant son pouvoir et étendant son influence sur la région.

La Conquête du Languedoc (1209-1213) : Simon de Montfort mena des campagnes successives pour pacifier la région et étendre son contrôle. En 1210, la ville de Minerve capitula après un siège, et plus de cent quarante cathares refusant d’abjurer leur foi furent brûlés. La prise de Termes suivit, consolidant la domination croisée. Simon de Montfort s’attaqua également à d’autres bastions cathares, tels que Lavaur en 1211, où le seigneur Aimery de Montréal et ses chevaliers furent pendus, et la dame Guiraude, lapidée dans un puits, tandis que plus de trois cents parfaits furent brûlés vifs.

Bataille de Muret (1213) : Le roi Pierre II d’Aragon, suzerain de plusieurs seigneurs languedociens, tenta de s’interposer. La bataille de Muret le 12 septembre 1213 se solda par une victoire décisive de Simon de Montfort et la mort de Pierre II, marquant un tournant crucial dans la croisade. La victoire de Montfort à Muret permit de renforcer la position des croisés en Languedoc et affaiblit considérablement les forces locales.

Évolution vers une guerre de conquête

Après la mort de Simon de Montfort en 1218, son fils Amaury tenta de poursuivre la lutte, mais ne possédait pas l’habileté militaire de son père. La résistance languedocienne se renforça et des seigneurs locaux reprirent leurs territoires. La croisade évolua alors vers une guerre de conquête, avec une implication croissante de la couronne de France.

En 1226, Louis VIII de France prit la tête d’une nouvelle expédition. Après un siège de trois mois, Avignon capitula en 1226. À la mort de Louis VIII la même année, la régente Blanche de Castille poursuivit la croisade. L’armée royale, bien organisée et financée, réussit à soumettre plusieurs villes et châteaux, consolidant ainsi le contrôle royal sur le Languedoc.

En 1229, le traité de Paris mit fin officiellement à la croisade. Raymond VII de Toulouse fit pénitence publique et accepta de marier sa fille Jeanne à Alphonse de Poitiers, frère du roi de France, scellant ainsi le destin du comté de Toulouse qui fut annexé à la couronne en 1271. Ce traité marqua la fin de la résistance militaire organisée et le début de l’intégration administrative du Languedoc au royaume de France.

La résistance cathare se poursuivit sporadiquement, culminant avec la prise de Montségur en 1244. Deux cents cathares y étaient réfugiés et refusèrent de se rendre. Le castral fut pris et une partie des cathares furent brûlés, marquant la fin symbolique du catharisme en Languedoc. La chute de Montségur, souvent considérée comme le dernier grand bastion cathare, illustra la détermination des croisés et des autorités royales à éradiquer complètement l’hérésie. L’actuel château, en pierre, est postérieur à cette époque et fut édifié par les rois de France. Le Montségur cathare était en bois et ne correspond nullement aux écrits et analyses souvent fantaisistes dont est coutumier la littérature de gare.

La création de l’Inquisition en 1233, confiée aux Dominicains, renforça la tenue de la région et la lutte contre les cathares. Le mouvement cathare fut finalement éradiqué, les derniers fidèles se réfugiant en Lombardie ou adoptant des pratiques clandestines. Le rigorisme et le fanatisme cathares, adaptés aux temps troublés des XIIe et XIIIe, ne correspondaient plus à la spiritualité du milieu du XIIIe siècle. La naissance des mouvements dominicains et franciscains permet de catalyser au sein de l’Eglise la soif d’exigence et de renouveau spirituel des fidèles.

Héritage

La croisade contre les Albigeois entraîna des conséquences durables sur le plan religieux et politique. Elle renforça l’autorité de l’Église et introduisit des réformes cléricales. Politiquement, elle permit à la couronne française de consolider son contrôle sur le Languedoc, intégrant cette région dans le domaine royal et affaiblissant l’influence aragonaise.

La croisade modifia également les dynamiques de pouvoir en Europe. Elle renforça le royaume de France et le pouvoir du roi sur ses vassaux. Elle marqua un tournant dans l’histoire médiévale, illustrant la transformation des croisades en instruments de pouvoir politique autant que religieux.

La croisade conduisit également à une réforme importante du clergé local, soupçonné de corruption et parfois de sympathies cathares. L’Ordre des Prêcheurs, ou dominicains, fondé par Dominique de Guzmán, joua un rôle clé dans la lutte contre l’hérésie par la prédication et l’enseignement, mais aussi en participant activement à l’Inquisition.

Sur le plan géopolitique, la croisade permit au royaume de France d’annexer des territoires stratégiques. Le comté de Toulouse, autrefois une puissance semi-indépendante influencée par l’Aragon, fut définitivement intégré au royaume de France. Cette annexion renforça la monarchie capétienne et permit de consolider le contrôle royal sur le sud de la France.

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Photo : La bataille de Muret d'après une enluminure du xive siècle. (c) Wikipedia

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Alban de Soos

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