<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Une stratégie de désencerclement qui commence en Méditerranée

18 février 2020

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Vladimir Poutine et le président égyptien Abdel-Fattah El-Sissi, lors d'une rencontre au Caire, le 11 décembre 2017, Auteurs : Alexander Zemlianichenko/AP/SIPA, Numéro de reportage : AP22140317_000010.
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Une stratégie de désencerclement qui commence en Méditerranée

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La Russie, qui se sent agressée par les tentatives d’encerclement menées par l’OTAN, par les manœuvres américaines en Ukraine et en Crimée, par la guerre islamo-otanienne menée contre l’allié syrien, a décidé de réagir en traçant un cercle d’alliances ou même de partenariats en Asie et en Afrique, cercle dans lequel elle va chercher à enfermer ceux qui l’encerclent. Or, tout a débuté en Méditerranée.

Aujourd’hui, nous assistons à la reprise, sous une forme nouvelle de la stratégie définie par l’URSS à partir de la décennie 1960. La politique stalinienne centrée sur l’Europe fut alors abandonnée et il fut décidé de tourner l’OTAN par le sud afin de couper les routes d’approvisionnement de ses membres.

Après avoir récupéré la Crimée avec la base navale de Sébastopol, et après avoir sauvé le régime syrien, l’élargissement du périmètre de sécurité de la Russie se fit ensuite vers l’Afrique du Nord, puis vers l’Afrique centrale. Le tout avec une impressionnante maitrise de la situation.

L’Égypte qui avait rompu avec l’URSS en 1972 s’est spectaculairement rapprochée de la Russie en 2016, provoquant ainsi un bouleversement géopolitique.

Signe très clair du retour de Moscou en Égypte, au mois d’octobre 2016, des parachutistes russes ont participé à des manœuvres militaires communes avec l’armée égyptienne dans le désert occidental séparant l’Égypte de la Cyrénaïque.

En Libye, face au chaos provoque par Nicolas Sarkozy, et face à l’obstination de l’ONU et de l’UE qui prétendaient reconstruire la Libye autour d’un fantomatique gouvernement d’union nationale appuyé sur les milices islamistes et salafistes de Tripolitaine, la Russie déroula un plan réaliste à partir des véritables rapports de force militaires et tribaux.

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Toute politique maritime nécessitant des points d’appui, les stratèges russes ont réfléchi à l’hypothèse algérienne avec la base de Mers-el-Kébir.

Cependant, Alger qui, au mois d’octobre 2013, ne voulant pas déplaire aux États-Unis, avait refusé que la flotte russe en route pour la Syrie vienne se ravitailler à Mers-el-Kébir, comprit ensuite qu’il était préférable de ne pas se brouiller avec la Russie. Faisant valoir ses vieux liens d’amitié avec Moscou, l’Algérie lui commanda alors les armements les plus modernes et lui accorda des facilités dans le port de Mers-el-Kébir.

À l’époque de la guerre froide, l’URSS était capable d’intervenir militairement partout en Afrique comme en témoignent les ponts aériens qu’elle organisa en 1975 vers l’Angola, puis en 1977-78 vers le front d’Éthiopie.

 

Plusieurs dizaines de milliers de « conseillers » soviétiques se répartissaient alors dans les pays africains qui avaient des accords avec Moscou, cependant que 25 000 étudiants africains fréquentaient les universités et les instituts soviétiques, dont la célèbre université Patrice Lumumba. Cette politique s’accompagnait d’une aide financière de 3 milliards de dollars de livraisons d’État faites à crédit vers l’Afrique, d’où, à la fin des années 1980, une dette commerciale de 25 milliards de dollars dont 11 pour la Libye et l’Algérie. Quelques années plus tard, à la fin de la décennie 1980, l’URSS eut de plus en plus de mal à supporter le coût militaire et économique de sa politique africaine qui s’élevait à plusieurs milliards de dollars par an. Comme la guerre froide se terminait, Moscou fit un calcul couts-avantages et, en quelques mois, comme elle était désormais considérée comme secondaire, la politique africaine fut abandonnée. Puis, après la dissolution de l’URSS, le mouvement de repli fut général, avec la fermeture de la plupart des ambassades. Le chiffre concernant la part des importations russes depuis l’Afrique illustre ce repli, car, en 1986, la part de l’Afrique dans les importations de l’URSS s’élevait à 2,5% du total de toutes les importations, en 1988, ce volume avait baissé à 1,9% pour s’effondre a 0,4% en 2001.

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À propos de l’auteur
Bernard Lugan

Bernard Lugan

Universitaire, professeur à l'École de Guerre et aux Écoles de Saint-Cyr-Coëtquidan. Expert auprès du TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda). Directeur de la revue par internet L'Afrique réelle.
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