Pourquoi l’avenir des actifs numériques se décidera en dehors de la Silicon Valley

17 mai 2025

Temps de lecture : 4 minutes

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Pourquoi l’avenir des actifs numériques se décidera en dehors de la Silicon Valley

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Depuis des décennies, la Silicon Valley est synonyme d’innovations technologiques. Mais l’économie mondiale des actifs numériques entre dans une nouvelle phase. Cette fois, l’innovation ne sera pas confinée aux couloirs technologiques californiens. Elle s’étend vers l’Est, aux États du Golfe, à l’Afrique et à l’Asie centrale.

Renat Bekturov, Gouverneur du Centre Financier International d’Astana (AIFC)

Depuis des décennies, la Silicon Valley est synonyme d’innovations technologiques – de l’avènement d’internet aux réseaux sociaux, en passant plus récemment par la blockchain. Mais l’économie mondiale des actifs numériques entre dans une nouvelle phase. Cette fois, l’innovation ne sera pas confinée aux couloirs technologiques californiens. Elle s’étend vers l’Est – aux États du Golfe, à l’Afrique et à l’Asie centrale.

Des centres financiers comme Dubaï, Abou Dabi et le Centre Financier International d’Astana (AIFC) au Kazakhstan ne se contentent pas de participer à cette transition – ils contribuent à en définir l’orientation. Ce à quoi nous assistons, c’est à un rééquilibrage géographique, porté par des juridictions qui allient clarté juridique, ouverture technologique et agilité réglementaire.

L’innovation trouve un nouveau foyer

Aujourd’hui, les actifs numériques se situent à l’intersection de la finance, du droit et de la cybersécurité. Ils exigent plus que de l’innovation ; ils nécessitent confiance, gouvernance et transparence.

C’est pourquoi les centres émergents gagnent du terrain. À l’AIFC, par exemple, nous avons mis en place un système juridique fondé sur la common law anglaise et instauré un régime réglementaire dédié aux actifs numériques. Notre cadre juridique pour la Digital Asset Trading Facility (DATF) fournit des règles claires et exécutoires pour les plateformes d’échange, les dépositaires et les émetteurs de jetons – des domaines dans lesquels de nombreuses grandes juridictions peinent encore à se structurer.

L’ambition du Kazakhstan est claire : nous construisons un pôle régional de la crypto pour l’Asie centrale – et nous avançons régulièrement vers cet objectif. D’autres régions émergent également avec leurs propres pôles de croissance, rivalisant de plus en plus avec la Silicon Valley pour façonner l’avenir de l’économie numérique.

La régulation : une fondation, pas une barrière

Contrairement à une idée répandue, la régulation n’est pas un frein à l’innovation – c’est la piste qui permet un décollage en toute sécurité. Pour les investisseurs institutionnels, un environnement réglementaire sain est essentiel. Il indique que le marché est stable, transparent et conçu pour durer.

Le Kazakhstan attire l’attention parce qu’il permet l’expérimentation responsable dans un cadre juridique clair. Des start-ups venues d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient viennent à l’AIFC parce qu’elles y voient un lieu où elles peuvent innover sans incertitudes réglementaires.

Il devient de plus en plus évident que les normes mondiales de la finance numérique ne seront pas définies uniquement à Washington, Bruxelles ou Londres. Dans cette nouvelle réalité, les juridictions plus agiles ont l’avantage – elles peuvent s’adapter plus vite, tester des idées dans des marchés réels et déployer à grande échelle les modèles qui fonctionnent.

Notre position géographique, à la croisée de l’Est et de l’Ouest, nous offre également une perspective unique. Épargnés par tout modèle idéologique ou réglementaire unique, nous avons pu intégrer les meilleures pratiques issues de multiples systèmes afin de répondre aux exigences de l’économie numérique moderne.

Une nouvelle approche au cœur de l’Asie centrale

La révolution des actifs numériques n’est plus le domaine réservé de la Silicon Valley. De Singapour à Nairobi, de Dubaï à Astana, une nouvelle génération de centres financiers prend le relais pour définir l’avenir.

À l’AIFC, nous croyons que cet avenir doit être inclusif, transparent et fondé sur la confiance. Et nous transformons cette conviction en politique. En 2022, les régulateurs kazakhs ont lancé un programme pilote reliant les plateformes crypto agréées par l’AIFC aux banques nationales. Le programme, qui s’est poursuivi jusqu’à la fin de 2023, a impliqué six plateformes (dont Binance Kazakhstan, Bybit et Upbit Eurasia) et huit banques. Les résultats ont été concrets : plus de 63 000 transactions, 52 000 clients et près de 240 millions de dollars de volume.

En 2024, l’activité autour des actifs numériques à l’AIFC s’est fortement accélérée. Les volumes d’échange ont atteint 1,4 milliard de dollars, et le nombre d’utilisateurs a dépassé les 140 000. Des plateformes mondiales – Binance, Bybit, BigOne et Whitebit – ont obtenu des licences via le cadre réglementaire de l’AIFC. C’est la preuve qu’avec des bases solides, les marchés émergents peuvent prendre le leadership.

Le Kazakhstan ne prétend pas remplacer la Silicon Valley. Mais nous démontrons que l’innovation, lorsqu’elle s’appuie sur des règles claires et une ouverture au monde, peut prospérer partout.

C’est une discussion que nous poursuivrons lors du prochain Forum international d’Astana, les 29 et 30 mai, où décideurs, investisseurs et innovateurs se réuniront pour débattre de l’avenir de la finance dans un monde en mutation. Et à mesure que cet avenir se dessine, une chose est certaine : le prochain grand saut dans les actifs numériques se décidera bien loin de la Californie.

À propos de l’auteur

Renat Bekturov est un professionnel chevronné du secteur financier, avec plus de 16 ans d’expérience. Il est titulaire d’un diplôme avec mention en relations internationales de l’Université nationale kazakhe Al-Farabi, ainsi que d’un master avec distinction en banque et finance de l’Université de Leicester (Royaume-Uni). Il détient également la certification CFA (Chartered Financial Analyst).

Avant sa nomination en tant que gouverneur du Centre Financier International d’Astana (AIFC) en janvier 2023, il a occupé plusieurs postes clés, notamment celui de président du conseil d’administration de l’Astana International Exchange (AIX) de 2021 à 2023, et de directeur financier de cette même bourse de 2017 à 2021. Il a également joué un rôle déterminant dans le développement de l’AIFC en tant que directeur du département de la gestion d’actifs et du développement des marchés de capitaux.

Renat Bekturov est membre de la réserve présidentielle de jeunes talents du Kazakhstan et a été décoré de l’insigne honorifique « Altyn Belgi ». Il est trilingue, maîtrisant le kazakh, le russe et l’anglais.

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