En Guinée, l’ambition de transformer localement les ressources minières se précise. Les autorités s’apprêtent à lancer la Nimba Gold Refinery (NGR), un projet d’envergure présenté comme la plus grande raffinerie d’or d’Afrique. Située à quelques kilomètres de la capitale, cette infrastructure sera capable de traiter jusqu’à 730 tonnes d’or par an. Une première sur le continent
Par Paul Villerac
Portée par le ministère des Mines et de la Géologie, en partenariat avec Emirates Minting et l’entrepreneur Yacoub Sidya, qui finance l’intégralité du projet, la raffinerie incarne la volonté du Président Doumbouya de rompre avec le modèle d’exportation brute qui a longtemps prévalu dans le secteur.
Yacoub Sidya est une figure incontournable du secteur minier régional. Fondateur de MSS Security et de Phoenix Precious Metals, il supervise la logistique et l’exportation d’or dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, tout en défendant une vision de la transformation locale axée sur la traçabilité, la technologie et la responsabilité environnementale. L’objectif final est ainsi d’augmenter la création de valeur ajoutée en Guinée.
Elle s’inscrit dans une stratégie plus large de valorisation locale imposée par les autorités de transition, qui ont renforcé depuis 2024 les exigences de transformation sur le territoire national.
« Il ne s’agit plus seulement d’extraire. Toute entreprise qui détient un permis devra prouver sa capacité à transformer localement », explique une source au ministère des Mines.
Un cadre de plus en plus contraignant
Dans un contexte de recentrage des politiques minières, le gouvernement a procédé en mai 2025 à une vaste procédure de régularisation du cadastre minier. Plus de 100 permis ont été annulés, et les comptes d’une cinquantaine de sociétés minières gelés pour inactivité ou non-respect des obligations contractuelles. Cette opération vise à assainir le secteur et à favoriser les acteurs engagés dans la transformation sur place.
La Nimba Gold Refinery fait figure de projet pilote dans ce tournant stratégique. Elle permettra à la Guinée de produire ses propres lingots, en conformité avec les standards internationaux de pureté (99,99 %). Jusqu’à présent, la majeure partie de l’or extrait était envoyée à Dubaï, en Suisse ou en Inde pour y être raffiné, privant le pays de retombées fiscales importantes.
Un centre d’achat est également prévu à Kankan pour permettre aux orpailleurs artisanaux de vendre leur production dans un cadre formel. Objectif : tracer la chaîne de valeur, réduire les fuites et intégrer progressivement le secteur informel, encore dominant dans certaines régions.
Une ambition régionale assumée
La raffinerie devrait aussi servir d’infrastructure régionale. La Guinée, qui partage ses frontières avec plusieurs producteurs d’or majeurs comme le Mali, le Burkina Faso ou la Côte d’Ivoire, pourrait accueillir une part de leur production pour traitement. Une perspective qui renforcerait le rôle de Conakry comme hub minier ouest-africain.
Le gouvernement parie sur les retombées économiques et sociales du projet : création d’emplois qualifiés, montée en compétences locales, renforcement des recettes publiques et amélioration de l’environnement des affaires. Un dispositif de suivi des engagements ESG (environnement, social, gouvernance) a été mis en place, et plusieurs infrastructures communautaires ont déjà été réalisées autour du site, notamment un terrain de sport.
Un virage politique
Les autorités assument désormais vouloir renforcer les dispositifs de contrôle et de transparence. Le projet est désormais présenté comme un instrument de régulation, un levier d’industrialisation, et un symbole d’un nouveau rapport aux ressources naturelles.
Dans un continent où l’extraction reste souvent dissociée de la transformation, la Guinée tente de tracer un autre chemin. La mise en service prochaine de la Nimba Gold Refinery pourrait en constituer la première pierre tangible. A terme, d’autres minerais devraient être intégrés à ce processus.